Magalie*, 15 ans, est l’une des filles déportées en 2008 en brousse, au lendemain du massacre de Noël 2008, perpétré au poste d’encadrement administratif de Doruma, dans le territoire de Dungu, en Province Orientale. Ayant réussi à s’échapper, elle vit sous le toit d’une parenté. Sa réintégration dans la société n’a pas été immédiate. Transformée en esclave sexuelle et déshumanisée, cette adolescente a perdu les réflexes d’enfant et d’écolière. Actuellement, elle s’est lancée dans la vie active dans l’espoir de reconstruire sa vie détruite par une spirale de violences.
Doruma, mardi 1er octobre 2013. Une équipe de journalistes se dirige vers la case de maman Albertine* pour échanger avec une rescapée des violences liées à la présence de l’armée de résistance du Seigneur (LRA) et aux opérations militaires lancées pour y faire face. Elle s’appelle Magalie*. La victime ne parle que Pazande, dialecte utilisée par les communautés vivant dans le territoire de Dungu, situé au Nord-Est de la RDC. Nous nous faisons accompagner de madame Gbandi Moke Charlotte, une conseillère sociale. Elle va jouer à l’interprète. Question de mettre notre interlocutrice en confiance.

Habillée en singlet noir et pagne de fond jaune arboré de petits dessins rouges, la jeune Magalie nous serre la main, avant de prendre place sur un escabeau. La conseillère est la première à prendre la parole. Elle s’attèle à expliquer à Magalie la raison de notre visite et l’objet de notre reportage. Mise en confiance, la victime accepte de nous raconter son histoire.

« J’ai été arrêtée à K25 ensemble avec ma mère et les autres membres de la communauté alors que nous rentrions du champ. A l’époque, j’avais 9 ans. En brousse, j’ai été transformé en domestique et puis, en esclave sexuelle. Nous transportions de lourds fardeaux et tuions sous les ordres de la LRA. En cas de refus, on nous battait. Les récalcitrants étaient tués à l’arme à feu. Nous avions vécu un enfer », nous raconte-t-elle.

Après chaque phrase, la voix de Magalie devient faible. On décide de recourir à nos dictaphones pour enregistrer l’entretien. A la vue de ces appareils de travail, notre interlocutrice devient circonspecte. Nous sommes obligés de les arrêter et fournir beaucoup d’efforts, pour l’écouter. Après un silence, elle poursuit son témoignage. « Mon calvaire a duré 3 ans. J’ai réussi à m’échapper après l’attaque à la flèche empoissonnée menée par les populations civiles du village d’Ango avec le concours des FARDC. Avec les autres enfants, nous avons pu nous réfugier dans une chapelle à K20. Là, nous étions pris en charge par la communauté. Mon corps était couvert des plaies, traces de violences subies en brousse. Récupérés par les FARDC, nous étions escortés à Dakwa où les médecins nous avions reçu des soins médicaux appropriés. Une fois soignée, je suis rentrée en famille à Doruma ».

La réintégration de cette adolescente n’était pas immédiate. Elle a fait l’objet d’une stigmatisation qui la rendait colérique. Ses propres parents l’ont abandonnée. Actuellement, elle vit à K20 sous le toit d’une parenté. Cependant, la jeune fille bénéficie du soutien de maman Charlotte pour surmonter son choc et réintégrer la société. Celle-ci est une conseillère sociale formée par le Comité International de la Croix-Rouge dans le cadre de son projet de prise en charge psychosociale développé à Doruma. « Sa réintégration n’était pas facile. Au début, elle refusait d’aller à l’école et ne jurait que de rejoindre la brousse. Elle présentait des traumatismes psychologiques », nous confie la conseillère sociale.

Pour l’accompagner dans ce processus de réintégration, sa conseillère l’a orientée vers l’association ‘’Maman lamuka’’ (Ndlr : femme lève-toi’’). Ce centre est spécialisé dans l’apprentissage de la pâtisserie, couture et alphabétisation. Plusieurs femmes de la région bénéficient de cette initiative du Diocèse de Dungu-Doruma. Dans cette association, Magalie a essayé d’apprendre la coupe et couture ainsi que la pâtisserie. Hélas ! Son état d’esprit ne lui a pas permis d’apprendre un métier. Aussi, certains membres de sa famille lui ont-ils fait croire qu’elle n’avait plus d’aptitudes d’apprendre quoi que ce soit. Dans cette confusion, elle s’est fait engrosser par un jeune homme du village. Ce qui vient empirer sa situation.

Ayant perdu son enfance alors qu’elle en a encore besoin, Magalie a trouvé une activité pour l’occuper. Chaque matin, elle accompagne sa tante au champ et l’après-midi, elle fabrique de la boisson locale pour survivre. « Les conseils de Maman Charlotte m’ont aidé à me ressaisir. J’ai compris que ma vie est dans la société et non en brousse », nous rassure Magalie.
Propos transcrits par Laetitia Mbuyi/ Envoyée spéciale à Doruma
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