C’était l’apocalypse le vendredi 24 janvier 2014 à Mbuji-Mayi. Des déflagrations terrifiantes.


Des balles qui prenaient de l’envol et plongeaient toute la ville dans l’épouvante. Des balles qui sifflaient dans tous les sens et qui fauchaient les passants, coupables de s’être retrouvés à des mauvais endroits au mauvais moment. Et puis, cette terreur de feu qui embrasait les maisons dans le voisinnage du camp militaire de Baudine 5. Prise de panique, la population a cru à une invasion de la province par des agresseurs venus de l’extérieur. Le problème, c’est que la dite invasion semblait avoir pris la ville en tenaille car avec ces balles qui sifflaient dans tous les sens, les mauvaises nouvelles arrivaient aussi de toutes les communes. Souvent fantaisistes, celles-ci étaient relayées avec efficacité par la radio-trottoir qui s’était mise à émettre à pleins tubes. Au quartier Snel, une élève de 4me secondaire qui regagnait au pas de course la résidence familiale après que toutes les écoles aient été précipitamment ferméees, venait d’être jetée au sol, atteinte d’une balle dans la tête. Quelques mètres plus loin, une dame qui prenait son bain dans la douche  extérieure voyait subitement un obus emporter ses membres inférieurs, précipitant ainsi sa mort. Un couple qui dévisait dans la cour de sa parcelle a été «allumé» comme une torche et réduite en cendres…
Le spectacle était apocalyptique et tout le monde s’est mis à courir dans tous les sens, à la recherche d’un abri introuvable.C’est bien plus tard qu’on apprendra que la mort était gratuitement distribuée par la poudrière du camp militaire de la ville qui venait d’exploser pour des raisons que seules des investigations sérieuses pourront élucider. En attendant et c’est ainsi le cas depuis quelque temps dans le pays, le gouverneur de province s’est présenté devant les journalistes pour attribuer la catastrophe à la pluie qui s’était abattue sur la ville.                                Alors qu’elle a étonné par sa précision sur l’origine du sinistre, l’autorité provinciale a surpris par ses balbutiements au sujet du nombre des victimes. Elle a d’abord parlé de deux morts, puis cinq avant de se raviser pour donner le chiffre de dix décès. Et il a fallu que le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies parle, dans un communiqué officiel, de plus de vingt morts pour que subitement, le chiffre évolue. Il était à 21 décès hier des sources officielles pendant que dans la ville, d’autres chiffres sont déclinés, semant la peur et la désolation. Outre ce nombre encore non maîtrisé des personnes décédées, annoncées comme pertes provisoires en vies humaines, auxquelles il faudrait ajouter de nombreux blessés et brûlés, les dégâts matériels sont immenses. Tellement immenses quand on sait qu’une grande quantité d’armes de divers types, ainsi que des cartouches de différents calibres, des obus, des roquettes et des bombes, stockés dans le magasin d’armement, sont partis aujourd’hui en fumée. Le magasin d’armement et les bâtiments environnants le camp militaire, tout comme des maisons d’habitation des quartiers résidentiels civils situés dans le voisinage immédiat, ont été soufflés par des explosions en chaîne, et ne sont plus qu’amas de ferraille et ruines fumantes qui rappellent étrangement un paysage de guerre. Les rescapés du camp Snel ont tous évacué ce qui reste de leurs habitations, craignant de voir une explosion tardive les éliminer définitivement de la planète terre.
            Ainsi donc, les victimes qui s’en sont sorties avec des brûlures ou des blessures, ainsi que les rescapés de ce sinistre encore traumatisés, requièrent aujourd’hui une prise en charge médicale et psychologique adéquate, pour leur permettre de se remettre progressivement de ces émotions qui se sont greffées dans leur subconscient. Nombreux parmi eux devraient être relogés décemment à la suite de la destruction de leurs maisons et de leurs biens. Tous entendent voir le gouvernement central prendre ses responsabilités et gérer la situation dans la transparence. Certains joints au téléphone, craignent l’apparition de fausses victimes qui, en pareille circonstance, sont plus entreprenants et s’invitent souvent dans les listes des bénéficiaires. Il est donc temps que l’on puisse procéder d’ores et déjà au recensement de toutes les victimes, afin de décourager les « faussaires ».
            Ce sinistre n’est pas le premier à se produire dans notre pays. Il y a quatorze ans, les usagers de l’aéroport international de Ndjili ont vécu des événements semblables. Des dégâts considérables ont été enregistrés dans cette porte d’entrée de la République à la suite d’un entreposage imprudent des bombes dans la partie civile de l’aéroport. De nombreux morts et blessés avaient été déplorés et jusqu’à ce jour, aucune enquête digne de ce nom n’a permis d’établir des responsabilités et de prévenir d’autres cas de ce genre. Et pour éviter d’être victime de la règle de trois (jamais deux sans trois), il est important que l’on prenne cette fois, des mesures qui s’imposent à commencer par des investigations sérieuses sur ce qui s’est effectivement passé
Priorité : identifier les vraies victimes et décourager les faux rescapé
            A quelques encablures de Kinshasa, à Brazzaville, précisément au camp militaire de Mpila, on peut rappeler qu’un sinistre analogue, mais d’une ampleur plus grande,on avait enregistré la mort de centaines des morts et près d’un millier des blessés, plusieurs maisons de quartiers résidentiels environnants rasées etc. Un procès a tenté de déterminer les responsabilités pénales et civiles des uns et des autres, avant que soit établie et évaluée la hauteur de nombreux préjudices physiques et moraux subis par les victimes ou par les membres de leurs familles.
Au moment où sur les vestiges de la poudrière du camp militaire de Mbuji-Mayi, des enquêteurs traquent le moindre indice, ou tout élément déclencheur de l’incendie, pour déterminer l’origine et les causes exactes de ce sinistre, les observateurs de leur côté, ne cessent de s’interroger sur les dispositifs de sécurité en usage dans nos magasins d’armement. Etant donné que ce n’est pas le premier cas du genre qui survient dans nos camps militaires, comme on peut le relever aujourd’hui, l’on ne peut que se demander, en attendant la fin des investigations, si toutes nos «  poudrières » sont suffisamment protégées par des dispositifs techniques sécurisants pouvant limiter des dégâts et éviter la réaction en chaîne des explosions et la propagation de déflagrations  dans les bâtiments environnants.
            Si le matériel paratonnerre est inexistant ou s’il n’a pas résisté à l’usure du temps, il est plus que temps que cet équipement préventif soit remis à jour dans toutes les poudrières, ainsi que des détecteurs d’incendie et des extincteurs  constamment entretenus.
            Enfin, l’on peut évoquer les risques majeurs de la localisation de certains quartiers résidentiels à proximité des camps militaires et la création de nouveaux lotissements à côté des poudrières qui, ne l’oublions pas, constituent des « volcans potentiels » capables d’entrer en éruption au moindre accident. A la suite de ce sinistre, le gouvernement devrait en effet, revoir sa politique en matière de création de nouveaux camps militaires et d’installation des magasins d’armement loin des quartiers résidentiels. Car, dit-on, gouverner, c’est prévoir. Et mieux vaut prévenir que guérir !
                                                                                                      J.R.T.   

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