Leurs détracteurs leur reprochent l’étalage et l’exhibition futiles d’une abondance vestimentaire, tout en taxant leur parade de " voyoucratie " (entendez : faits et gestes de voyous). Ce dont les intéressés se défendent.




Papa Griffes, le président des sapeurs kinois, estime en effet que ce jugement est erroné. Pour lui, la Sape est plutôt une façon de rendre à l’Africain sa valeur humaine et de prouver à la face du monde que ce dernier n’est pas un être inférieur face aux autres races. Un autre sapeur, Chopin de Salem, 70 ans, qui se présente comme étant l’oncle de Niarkos, s’insurge contre l’opinion qui assimile les sapeurs aux voyous, du simple fait des gestes qui accompagnent la parade vestimentaire. " Au-delà des faits et gestes imputables à la jeunesse, la Sape apporte une valeur ajoutée au corps humain", explique-t-il. Pour lui, est sapeur toute personne " bien coiffée et habillée élégamment", qu’il s’agisse des personnalités politiques, de hauts fonctionnaires, de responsables d’entreprises ou de simples citoyens.

Costumes de grands couturiers, chaussures italiennes, accessoires clinquants et improvisations vestimentaires hasardeuses, les adeptes de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes (SAPE) célèbrent chaque année la "Journée internationale de la Sape ", dédiée en RDC en mémoire de Strevos Niarkos, décédé à Paris en 1995 et considéré comme leur idole.

Chemin faisant, les adeptes de la sape rivalisent d’extravagance, s’apostrophent les uns les autres dans une ambiance bon-enfant. Marche ostentatoire et truffés de vêtements de valeur, certains exhibent les " griffes " de leurs vestes d’outre-mer, d’autres soulèvent le pied pour présenter la semelle de leurs chaussures italiennes. Tous ont néanmoins un dénominateur commun : le "m’as-tu-vu", "bien sapé, bien coiffé, bien parfumé" ou l’exaltation de l’égo et de l’élégance, pour lesquels ils sont prêts à consacrer tout ce qu’ils gagnent.


ORIGINES DE LA SAPE

La SAPE est un phénomène socioculturel qui tire ses origines d’un style vestimentaire populaire né chez les jeunes du Congo-Brazzaville et du Congo-Kinshasa après l’indépendance de ces deux pays dans les années 1960. Ses pionniers sont les premiers migrants africains en France qui, rentrés au pays, ramèneront de Paris un look et une allure qui tranchent avec leurs compatriotes. Le concept SAPE va ensuite s’affirmer, dans les années 1980, comme un courant esthétique, aussi bien en Europe, au Congo-Brazzaville qu’en République Démocratique du Congo, avec notamment l’ouverture de boutiques d’habillements de grands couturiers ou l’organisation, dans des clubs célèbres, de " concours d’élégance " qui révéleront au public des " Maîtres " de la Sape comme Strevos Niarkos, fils de Pierre Mumbele, ancien ministre de l’Education du gouvernement Lumumba.

Ce Kinois, grand adepte de l’élégance, introduira ainsi le "Kitendi " (le terme lingala d’étoffe) qui deviendra vite, dans les années 80, tout un mode de paraître de la jeunesse, " la Religion Kitendi ", pérennisée par des artistes comme Papa Wemba, feu King Kester Emeneya et d’autres fans, qui vont privilégier la référence aux marques de grands couturiers japonais, mêlée aux vêtements de style pop.

LA SAPE AUJOURD’HUI

Ainsi implantée, la « Sape » va se définir non plus comme un simple sigle d’une organisation, mais désormais comme une "manière d’être et de vivre " de part et d’autre du fleuve Congo. Le développement du champ de ses adeptes va engendrer deux types de " looks " : - la Sape de type " Complet " (costume occidental classique) à l’anglaise, qui a un goût fort prononcé pour les grandes marques européennes et l’harmonie des couleurs, avec souvent une tendance vers la "trilogie " ou costume de différentes pièces aux couleurs assorties, appelé aussi " demi-Dakar " ; - et la Sape de type "Play Boy", plus relax, genre "Jeans-shorts-chemises " des grandes marques vestimentaires, qui rejette le costume classique jugé trop occidental et fait du sapeur " un objet d’art mobile ".

Les deux tendances se démarquent nettement, la première plus prononcée à Brazzaville, tandis que Kinshasa présente les « sapeurs » de la deuxième définition. Ainsi les jeunes sapeurs kinois sont plus portés sur une Sape faisant appel à de grands modélistes japonais, en rupture avec la référence haute-couture européenne des Brazzavillois. Tous sont néanmoins fiers d’appartenir à la même "Société", dont ils étalent les valeurs lors des concours des clans les plus élégants, organisés entre les deux rives du majestueux fleuve Congo, ou à l’occasion d’événements marquants, tel que les obsèques d’artistes-sapeurs de renommée, comme ce fut le cas de King Kester Emeneya le 2 mars 2014 à Kinshasa.

Leurs détracteurs leur reprochent l’étalage et l’exhibition futiles d’une abondance vestimentaire, tout en taxant leur parade de " voyoucratie " (entendez : faits et gestes de voyous). Ce dont les intéressés se défendent.

Papa Griffes, le président des sapeurs kinois, estime en effet que ce jugement est erroné. Pour lui, la Sape est plutôt une façon de rendre à l’Africain sa valeur humaine et de prouver à la face du monde que ce dernier n’est pas un être inférieur face aux autres races.

Un autre sapeur, Chopin de Salem, 70 ans, qui se présente comme étant l’oncle de Niarkos, s’insurge contre l’opinion qui assimile les sapeurs aux voyous, du simple fait des gestes qui accompagnent la parade vestimentaire. " Au-delà des faits et gestes imputables à la jeunesse, la Sape apporte une valeur ajoutée au corps humain", explique-t-il.

Pour lui, est sapeur toute personne " bien coiffée et habillée élégamment", qu’il s’agisse des personnalités politiques, de hauts fonctionnaires, de responsables d’entreprises ou de simples citoyens. Il salue au passage le Président de la République, le Premier ministre Matata Ponyo, les ministres, les députés et sénateurs, les gouverneurs, les directeurs généraux, les hommes d’affaires tels que Didi Kinuani ou José Nkenda, ainsi que les sapeurs Jésus Le Roc, Serge Kayembe, Néron Mbungu, Willy Musheni qui, selon lui, s’habillent élégamment et défendent, de ce fait, l’image de la République Démocratique du Congo à travers le monde.

[Alfred KAMBIL]

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