A plus de deux ans de la fin constitutionnelle du quinquennat Kabila, le débat sur la Constitution et les élections bat déjà son plein. Plus que des échanges citoyens, il s’agit, dans la plupart des cas, des débats très politiquement orientés. 




De la Constitution, l’on ne prend que les dispositions en rapport avec le mandat du Président de la République. Des élections, l’on s’intéresse essentiellement à celles de… 2016. C’est dans cette ambiance hyperpolitisée, que s’ouvre « une semaine de sensibilisation des intellectuels sur la Constitution et les élections ». Une initiative de l’Archevêque de Kinshasa. Ce cadre de réflexion échappera-t-il à l’activisme politicien ambiant ? Réponse dès ce lundi 14 juillet. Mais certains analystes profitent de cette initiative signée Mgr Monsengwo, pour revisiter le versant politique de l’homme. Libre à cet observateur de passer en revue le côté politique de « Mgr le Président ».
Ce prince de l’Eglise qui a tout connu dans le monde politique. Diabolisé par les Mobutistes et adoré par les partisans de l’Opposition version CNS. Descendu en flammes par les mêmes opposants jusqu’à une marche monstre sur le Boulevard du 30 Juin… Relégitimé par les Mobutistes qui voyaient en lui une espèce d’antidote au Kabilisme triomphant. Bref, le plus politique des Evêques a tout connu. Grandeur et décadence. Ceux qui l’ont adoré l’ont brûlé et vice versa. Libre opinion.

Quand « Monseigneur le Président » se rappelle à notre bon souvenir !
Primat de l’Eglise catholique romaine en République démocratique du Congo, le septuagénaire Cardinal Laurent Monsengwo règle ses comptes avec Joseph Kabila. Le jeune président congolais a hérité des légendaires fâcheries du prélat avec son père, Mzee Laurent Désiré Kabila, assassiné début 2001. Très impliqué dans la vie politique congolaise depuis les années Mobutu, l’archevêque de Kinshasa est connu pour avoir la rancune tenace. Il n’est pas du genre à tendre l’autre joue ou à passer sur une offense, fut-elle d’un homme mort depuis plus d’une décennie...

Personne à Kinshasa et dans la vaste République démocratique du Congo ne peut s’y tromper. La dernière déclaration des évêques membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) est la première étape d’un corps à corps sans merci entre le taciturne président rd congolais, Joseph Kabila Kabange, et le cardinal-archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo Pasinya. Les nombreux efforts du numéro 1 congolais, de foi protestante, pour établir avec l’Eglise catholique romaine des relations harmonieuses s’en sont toujours allés en eau de boudin à cause de la détestation irrémédiable de Monsengwo. Homme suffisant, dominant et trop sûr de lui, le primat des catholiques du Congo Kinshasa a une mémoire d’éléphant. En 1997, il avait provoqué le courroux de l’alliance révolutionnaire anti-mobutiste de M’zee Laurent-Désiré Kabila, tombeur de Mobutu et père de Joseph Kabila, en revendiquant avec un incroyable aplomb la succession du dictateur Mobutu, miné par la maladie et les coups de boutoir de l’alliance. Les relations entre le troisième président rd congolais et le prélat se détériorèrent davantage lorsque, quelques mois après la chute de Mobutu, les services aux frontières l’empêchèrent de quitter le pays pour se rendre à un synode à l’étranger.
À Mzee Laurent Désiré Kabila, assassiné en 2001, a succédé Joseph Kabila Kabange qui a fait montre d’un sens d’ouverture envers tous ceux qui étaient plus ou moins en délicatesse avec son géniteur et prédécesseur. Rentrée dans les bonnes grâces du nouveau Raïs, l’Eglise catholique bénéficia de nombreuses facilités pour la mise en œuvre de ses œuvres. Rien n’était trop cher dans les projets d’appui aux actions de cette confession religieuse dans les carnets de Kabila et son gouvernement.

IRREMEDIABLE DETESTATION

L’élection présidentielle de 2006 a révélé que les multiples cadeaux de Kabila Junior à l’Eglise catholique était de la peine perdue. Mgr Monsengwo, premier d’entre les princes de l’église catholique congolaise, avait manifestement une revanche à prendre. Si ce n’est le père, c’est donc le fils... Un choix d’autant plus justifié à ses yeux qu’il procédait d’un héritage de la deuxième République en vertu duquel les évêques de l’Ouest (cas de Monsengwo) soutiennent les leaders politiques de l’Ouest. Une règle non écrite qui bénéficia pendant des années à Mobutu Sese Seko après la disparition du premier Cardinal Joseph Albert Malula. En dépit de son implacable rivalité avec le très mobutiste Cardinal Etsou, Laurent Monsengwo Pasinya, un musakata de Bandundu (Ouest), n’avait pas résisté à la tentation de sauver la mise à un Mobutu vidé de toute crédibilité par la Conférence nationale souveraine. Le dictateur obtint ainsi à vil prix plus de cinq ans de répit avant d’être vaincu par le cancer et l’Afdl des Kabila, père et fils.

En 2006, au crépuscule de sa vie, à Bruxelles (Belgique), le Cardinal Frédéric Etsou tenta une première offensive revancharde en utilisant le prestige de sa mitre pour semer la confusion dans les esprits, et des troubles dans le pays, en annonçant de faux résultats de l’élection donnant pour vainqueur son filleul, Jean-Pierre Bemba, candidat malheureux de I’ « aristocratie mobutiste ». Suite à son décès quelques jours plus tard, la Majorité présidentielle (MP) avait préféré garder le silence sur cette forfaiture attribuée aussi bien à sa proximité sociologique avec « le candidat des mobutistes » chassés du pouvoir par Kabila. L’acte posé par le primat grabataire aurait pourtant dû interpeller la classe politique congolaise car Bemba, une véritable boule de nerfs en ébullition, en tirera prétexte pour se lancer tête baissée dans une tentative de coup d’Etat qui provoqua plusieurs dizaines de morts dans la capitale. Ses partisans avaient auparavant bouté le feu au siège de la Cour suprême de justice. Répondant de leurs actes criminels devant les juges, les uns et les autres se sont adossés sur ce qu’ils appelaient « le testament du Cardinal » pour justifier les massacres, les destructions méchantes et autres actes de vandalisme.

Le cardinal Monsengwo voudrait-il rééditer ce lugubre exploit qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
Le vent de satisfaction qui traversa la société congolaise après l’adoption par référendum populaire de 2005 l’avait laissé de marbre. Ses pairs et lui- même firent un pied de nez au Président Joseph Kabila dont les partisans avaient fait campagne pour la nouvelle constitution dont ils se font le champion huit ans plus tard en signant une déclaration au vitriol dénonçant l’inadaptation de la nouvelle loi fondamentale aux besoins réels de la République démocratique du Congo. « il faut souhaiter que des corrections interviendront bientôt pour mettre la constitution au diapason de la communauté nationale », pouvait-on lire dans leur déclaration.

OTAGE DU PASSE

Après la disparition du prélat mobutiste, son successeur Laurent Monsengwo, 75 ans en 2014, a récupéré et entretenu avec une certaine délectation le flambeau de l’anti kabilisme à Kinshasa. « Le regard de notre berger est tourné vers le passé. Toute sa stratégie consiste à transposer dans les temps présents les luttes que l’opposition à Mobutu alliée à la société civile mena à l’époque contre le régime de la deuxième République en remplaçant simplement Mobutu par Joseph Kabila », se lamente une religieuse qui estime que le N°1 de l’église dans la capitale est resté otage d’un passé révolu.
Depuis le premier mandat de Joseph Kabila, Monsengwo, avait pris la tête des activistes anti Kabila au sein de la hiérarchie catholique en décrétant la mobilisation contre un projet de révision de la constitution proposée par la Majorité et consistant à passer de deux à un seul tour de l’élection présidentielle pour des raisons sécuritaires et budgétaires.

Le cardinal prendra plus d’une fois son bâton de pèlerin pour plaider à l’étranger la mise sous sanctions du régime Kabila à cause de la « tentative de fraude » que constituait à ses yeux une élection présidentielle à un tour. « Un président de la République qui serait élu avec 25 % de voix ne serait pas légitime » répétait-il à ses interlocuteurs médusés. Ce à quoi le gouvernement congolais par la voix de son porte-parole, Lambert Mende, rétorqua que « les présidents des Etats-Unis élus une fois pour toutes par un corps de grands électeurs et ceux d’Afrique du Sud dont l’élection relève de quelques centaines de députés appelés à voter une seule et unique fois ne sont pas moins légitimes que leurs homologues issus d’un double tour », avant d’ajouter que « le Souverain Pontife de l’église catholique dont l’autorité s’étend sur plus d’un milliard de catholiques dans le monde n’est élu qu’à un tour par quelques dizaines de cardinaux sans que cela n’affecte sa légitimité ».
Ces remarques eurent le don d’énerver l’épiscopat qui manifesta son intolérance aux opinions contraires en accusant le gouvernement d’ « irrévérence », comme si la Rdc n’était plus un Etat laïc...

UNE CULTURE ANTIDEMOCRATIQUE
Après la victoire de Joseph Kabila à la présidentielle de 2011, le cardinal Laurent Monsengwo, profondément contrarié, emboucha les trompettes de la contestation rituelle des résultats. Les réseaux d’observateurs catholiques n’ayant pas pu couvrir l’ensemble du territoire national, le prélat s’appuiera tantôt sur des fragments du rapport de la fondation Carter, en « oubliant » fort opportunément les conclusions de cette dernière indiquant que l’ordre d’arrivée avec Joseph Kabila en tête n’était pas en cause. Avec une précipitation qui ne sied pas à la pourpre car malice, le prélat s’emmêlera ensuite les pinceaux en cherchant à faire dire aux chiffres de la Ceni ce qu’ils n’avaient jamais dit.
Cette fébrilité a eu, entre autre conséquences, celle d’ouvrir à la frange la plus extrémiste de l’opposition congolaise un boulevard pour inoculer le venin de la division et de la discorde dans le fragile tissu sociopolitique congolais.
Certains analystes vont jusqu’à soupçonner Mgr Monsengwo d’avoir donné son imprimatur à toutes les tentatives de déstabilisation de la Rdc concoctées à partir de pays voisins. Parent par alliance du président Denis Sassou Nguesso de la République du Congo Brazzaville, Monsengwo aurait, selon des sources crédibles à Brazzaville, « adoubé » la nouvelle alliance Rwanda-Congo Brazzaville conclue à Libreville, en marge de la dernière commémoration de l’anniversaire de la mort d’Omar Bongo Ondimba à laquelle les deux leaders avaient pris part, en même temps que le cardinal Monsengwo et le sécurocrate mobutiste Honoré N’Gbanda Zambo ko Atumba.

CONTESTATIONS RITUELLES
Fait du hasard ? Le conclave de Libreville a précédé de quelques jours les expulsions massives des RD Congolais ordonnées par les autorités du Congo - Brazzaville avec leur lot de lynchages, de viols et de tueries. En moins d’un mois, plusieurs dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants houspillés, dépossédés furent chassés comme des insectes nuisibles du pays de Sassou Nguesso.
Sans aller jusqu’à donner raison à ceux qui accusent le prélat kinois d’avoir encouragé « son beau frère Sassou » dans la croisade haineuse déclenchée contre la Rdc à l’instigation du président rwandais Paul Kagamé, d’aucuns à Kinshasa fustigent le silence assourdissant de l’archevêché de la capitale face à cette terrible tragédie.

Le cardinal archevêque a manifestement préféré réserver ses flèches acérées à sa bête noire de prédilection : Joseph Kabila, « coupable » à ses yeux d’être le fils de son père.
De toute évidence, les saillies les plus virulentes de la dernière déclaration de la Cenco, qui reprennent ‘expressis verbis’ les thèses de l’opposition radicale, semblent avoir bel et bien été inspirées par le cardinal dont on retrace aisément le style jésuistique. Pour gommer les quelques incises positives que des modérés avaient réussi à insérer dans la déclaration, Monsengwo, égal à lui-même, est revenu à la charge. Dimanche 6 juillet, il a annoncé une nouvelle estocade : l’organisation d’une « semaine » de sensibilisation des intellectuels sur la constitution et les élections » dans la semaine du 13 au 20 juillet. Ni les experts politiquement neutres (Monsengwo est loin de répondre à cette définition), ni ceux proches de la Majorité présidentielle n’y ont été invités. Les animateurs de ce forum, les professeurs Kalele et Ndjoli, sont tous de l’opposition.
Une proposition du comité organisateur de la semaine d’inviter l’Abbé Apollinaire Malumalu, président de la Ceni, pour partager son expérience au sujet du processus électoral avec les participants, a été violemment rejetée par le cardinal qui ne décolère pas de ce que le prêtre de Butembo ait été préféré à son candidat pour diriger l’administration électorale.
Ce faisant, l’archevêque de Kinshasa ne fait que confirmer sa volonté radicale de jeter de l’huile sur le feu. « C’est une véritable répétition grandeur nature du système des contestations rituelles des résultats électoraux qui constituent l’un des aspects les plus questionnables d’une certaine culture politique congolaise car elles recherchent moins la vérité des urnes que le discrédit du vainqueur, quel qu’il soit », s’insurge un politologue de l’Université de Kinshasa. Reste à savoir si la famille politique de Joseph Kabila qui compte dans ses rangs un grand nombre d’acteurs politiques influents aux quatre coins de la République se laissera clouer au pilori par les attaques incessantes de Laurent, Cardinal Monsengwo et ses amis.


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