Un professeur de l’Institut supérieur pédagogique de la Gombe à Kinshasa (ISP-Gombe), a empoché quelque 2.500USD, fruit d’une opération de vente de vieux Travaux de fin d’études (TFE), à un groupe d’étudiants en débandade, confesse l’une des victimes. 



" Mon directeur m’a vendu à 250 USD un vieux Mémoire de licence que j’ai défendu en deuxième session ", déclare une finaliste du second cycle d’études en Sciences commerciales à l’ISP-Gombe. "Ce n’est pas que l’enseignant a rédigé le travail à la place de l’étudiant. Il s’agit plutôt, d’un vieux Mémoire rédigé et défendu plusieurs années déjà par un finaliste que le Prof nous a vendu. Seule chose à faire, changer la page de garde, la dédicace et l’introduction ", révèle notre interlocutrice, proclamée licenciée, le samedi 11 octobre courant, au terme de la délibération des épreuves de la deuxième session de l’année académique 2013-2014.

Le marchandage a eu lieu dans la seconde moitié du mois de septembre dernier. Mais la source avait sollicité un report de livraison de l’info, craignant un éventuel préjudice.

Voilà donc, qui justifie plusieurs semaines après, cette confession " off the record " d’une victime des " victimes " silencieuses d’une pratique à la fois avilissante, scandaleuse et scandalisant.

" Je n’ai pas été la seule cliente du Prof. Car, une dizaine d’étudiants, tous finalistes du deuxième cycle d’études, ont été concernés par cette fameuse opération de vente et achat de vieux mémoires ", renchérit-elle. Calculs simples, l’enseignant- "chayeur" (ndlr : chayeur est un néologisme qui, dans l’argot kinois, désigne toute personne exerçant un petit commerce de survie), a réussi à empoché quelque 2. 500USD au terme de son commerce de fortune.

UNE PREMIERE FOIS ?

Une question simple est celle de savoir si l’enseignant-commerçant était à son premier coup du genre. Certains diraient tout de suite non. D’autres renchériraient pour dire que le prof en a l’habitude. Sinon, qu’est-ce qui justifie son réflexe à proposer aux étudiants, des anciens Mémoires à acheter à quelques jours de la soutenance ? A tout le moins, les faits donnent lieu à plusieurs hypothèses.

Cependant, quelle que soit la pertinence des raisons à avancer, rien ne peut justifier une telle pratique qui, davantage, discrédite un système congolais d’enseignement supérieur et universitaire, honni aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur.

Subsidiairement, on peut s’interroger comment un finaliste peut défendre à la satisfaction des membres du jury, un Mémoire ou un Travail de fin de cycle (TFC) qu’il n’a pas lui-même rédigé ? N’existe-t-il pas à l’ISP-Gombe un comité scientifique chargé uniquement des travaux de fin de cycles ? Sinon, comment n’a-t-on pas découvert cette supercherie qui dépasse même le plagiat ?

Les réponses à toutes ces questions amènent à la conclusion que depuis quelques années, la soutenance publique soit des Mémoires, soit des TFC dans la plupart des établissements d’enseignement supérieur et universitaire en RD Congo, est devenue une simple formalité. Pour s’en rendre compte, il suffit d’assister à la soutenance des TFC dans nos instituts supérieurs et universitaires contrôlés par l’Etat congolais. Au mieux, la scène tourne à une comédie de Molière où un impétrant, d’une voix à peine audible et dans une langue proche du français, débite des choses qu’il ne maîtrise pas lui-même. Au pire, la soutenance ressemble à une tragédie qui se solde par des énervements, soit des membres du jury, soit du récipiendaire.

Pourtant, il y a quelques décennies encore, cette étape constituait-avec raison- la plus cruciale du cursus académique. La preuve, nombreux sont des finalistes qui ont fini leurs cycles d’études sans les avoir effectivement finis. Car, ajournés pour Mémoire, la plupart des étudiants se retrouvant dans ce cas ont finalement abandonné.

Avec le recul du temps, la pratique au sein de nos établissements d’enseignement supérieur et universitaire renseigne que la mention "Ajourné pour Mémoire " a disparu du lexique académique. Bienvenue la complaisance ! La preuve, c’est que certains étudiants organisent des réceptions, le soir du jour même de la défense de leurs travaux. D’autres n’hésitent plus à embrigader des membres de familles pour, prétendument, les soutenir lors de la " défense ".

Malheureusement ou heureusement, c’est cette même assistance homogène qui prononce le verdict avant même la délibération du jury. Soudain, l’apostrophe " Alongi na Ye… " (Littéralement traduit en français : il a triomphé), devenu l’hymne populaire lors des manifs publiques à Kinshasa, est chanté avec l’intention manifeste d’influencer les jurés.

DIRECTEUR OU CO-AUTEUR

La coutume universitaire veut qu’il y ait un promoteur de toute dissertation rédigée par des finalistes de différents cycles d’études. Cette responsabilité incombe ainsi à un professeur avec un assistant. Si le Prof a la responsabilité d’orienter la recherche, l’assistant, lui, se limite à lire aussi bien le manuscrit que le tapuscrit de l’étudier aux fins d’y porter des corrections de forme. A la limite, il pourrait suggérer quelques modifications liées au fond. Mais le dernier mot revient au prof, encadreur principal. Hélas ! Avec l’usure du temps, il semble que les choses se passent autrement.

Dans leurs causeries ordinaires, les étudiants ne cachent plus rien. Ils déclarent tout. A mi-voix. Certains vont jusqu’à confier que leurs directeurs ont pris la responsabilité de rédiger à leurs places, leurs travaux de fin de cycle ou de fin d’études ? moyennant un montant convenu en billets verts. Il ne s’agit donc pas ici d’un secret. Encore moins d’une révélation.

Les faits sont bien connus des milieux des étudiants. Et même ceux des enseignants. Bref, on se trouve dans une sorte de complicité qui ne dit pas son nom. Ainsi donc, le Prof, en même temps directeur, co-auteur du travail et fatalement membre du jury, ne peut qu’influencer ses pairs. La sentence est vite prononcée. Une mention (Très grande distinction avec embrassements du "Jury" est bombardée à un finaliste incapable de restituer la problématique de ce qui semble être le fruit de sa recherche scientifique.

A tous égards, le " scandale de l’ISP-Gombe " est, en tout cas, loin d’être un cas isolé. Affirmation gratuite ? Sans doute pas. Voilà, jusqu’où mène un système d’enseignement supérieur et universitaire déjà décadent et même au bord du caveau. Dès lors que le corps enseignant y joue un rôle essentiel de fossoyeur, l’Etat est donc appelé à repenser le système.



Laurel Kankole  :forumdesas


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