Les travaux du comité préparatoire au dialogue politique se sont ouverts ce mardi à Kinshasa. Mais pour le moment, la majeure partie de l’opposition congolaise a refusé d’y participer. Un boycott qui donne peu de légitimité au futur dialogue censé régler la crise politique au Congo.


Au forceps et après 9 mois d’un feuilleton interminable, le dialogue politique initié par le président Joseph Kabila se met péniblement en place en République démocratique du Congo (RDC). Une avancée importante a été réalisée ce mardi avec la tenue du comité préparatoire au dialogue. Sous l’égide du médiateur international, Edem Kodjo, ces travaux devront déterminer la date, le lieu et le nombre de participants au fameux dialogue politique. Mais la plus grande partie de l’opposition a décidé de boycotter la réunion, estimant que les préalables n’étaient pas réunis pour la bonne tenue du dialogue. En cause, la personnalité du médiateur jugé « trop proche du pouvoir » et l’absence d’un panel international plus large. L’opposition exigeait aussi la libération des prisonniers politiques, la réouverture des médias d’opposition et l’arrêt de la traque judiciaire aux opposants.

Kabila à la recherche d’un consensus politique

Le dialogue est donc toujours rejeté par l’opposition qui accuse le président Kabila d’utiliser cette manoeuvre pour légitimer son maintien au pouvoir au-delà de la fin de son mandat, en décembre 2016. La Commission électorale a annoncé récemment le report de la présidentielle de plusieurs mois et la Cour constitutionnel a autorisé le chef de l’Etat à rester au pouvoir tant que les élections n’ont pas lieu. Deux éléments qui font dire à l’opposition que le président Kabila veut s’accrocher au pouvoir en reportant le plus possible l’organisation du scrutin. En décidant de boycotter les travaux préparatoires, les opposants espèrent vider de toute légitimité le futur dialogue et affaiblir le président congolais. Car ce que cherche Joseph Kabila, c’est l’obtention d’un consensus politique pour se maintenir au pouvoir, après avoir obtenu l’autorisation de la Cour constitutionnelle.

L’UNC change d’avis

Le Rassemblement de l’opposition, piloté par l’opposant historique Etienne Tshisekedi et dans lequel on retrouve le G7 et Moïse Katumbi, ont opté pour la stratégie de la chaise vide au travaux préparatoires, tout comme le MLC de Jean-Pierre Bemba qui s’est dit « non concerné par la dialogue » . Pourtant, à la surprise générale, le médiateur a réussi à convaincre un parti important de l’opposition de participer au comité préparatoire : l’UNC de Vital Kamerhe. Longtemps hostile à tout dialogue avec Joseph Kabila, qu’il connaît bien pour avoir été son directeur de campagne, l’ancien président de l’Assemblée nationale a modifié sa ligne politique pour finalement accepter de participer aux travaux préparatoires. Un revirement qui a provoqué le trouble au sein de l’opposition qui organisait le jour de l’ouverture du travaux, une journée ville-morte en signe de protestation. Le secrétaire général de l’UNC, Jean-Bertrand Ewanga, inscrit comme délégué de son parti sur la liste des participants aux travaux, a d’ailleurs décidé de ne pas s’y rendre « pour respecter l’opération ville morte », mais participera aux prochaines réunions. Une décision qui en dit long sur le flottement au sein du parti.

Le pari risqué de Kamerhe

La présence de l’UNC au comité préparatoire constitue une double victoire pour la majorité présidentielle : intégrer un parti d’opposition reconnu et diviser un peu plus les opposants au président Kabila. Pour l’UNC, le pari est risqué. Sa participation au dialogue permet pourtant de relancer le parti, coincé entre un Tshisekedi remis en selle et un concurrent de poids, Moïse Katumbi. L’espace de Vital Kamerhe s’était considérablement restreint au sein d’une opposition recentrée autour du vieux Tshitshi et du jeune Katumbi. L’UNC pourrait jouer une sorte de « troisième voie » à mi-chemin entre l’intransigeance d’un Tshisekedi et une majorité présidentielle en quête de nouveaux alliés. Mais en s’asseyant à la table du dialogue (ce qui n’est pas encore le cas, puisqu’il ne s’agit que de travaux préparatoires), Vital Kamerhe brouille son image d’opposant qu’il a mis de longues années à construire et réactive les rumeurs qui l’accuse d’avoir toujours garder des liens avec le président Kabila.

Le risque de « Concertations nationales bis »

Mais attention, comité préparatoire ne signifie pas dialogue. Le véritable dialogue n’a encore pas commencé. Les participants aux travaux arriveront tous avec leurs préalables, qui seront tous âprement négociés par la majorité présidentielle. Le comité préparatoire constitue la première marche du dialogue, mais la route est encore longue pour donner à ce dialogue toute sa légitimé nécessaire pour régler la crise congolaise. Sans la participation des poids lourds de l’opposition, comme Tshisekedi et Katumbi, le dialogue apparaîtrait comme vidé de sa substance et ne réglerait rien à la crise politique que traverse la RDC en l’absence des principaux acteurs. Le dialogue ne doit pas devenir des « Concertations nationales bis ». Déjà censées résoudre la délicate équation électorale congolaise et le problème des groupes armés, la majorité des recommandations des Concertations sont en fait restées lettre morte par manque de représentativité des ses participants. Un « dialogue » pour rien, déjà. Et nous étions en 2013, il y a à peine 3 ans.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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