Trois mois avant la prise du pouvoir par l’AFDL (Alliance des forces politiques pour la libération du Congo-Zaïre), Joseph Olenghankoy avait souligné le rôle joué par l’opposition pour faciliter la progression, à travers le Zaïre d’alors, des combattants de l’Alliance dirigés par le colonel James Kabarebe. Preuve s’il en était besoin que l’AFDL n’avait pas gagné une guerre. Après la prise du pouvoir le 17 mai 1997, LD Kabila, ingrat, va tourner le dos aux leaders de l’opposition qualifiés collectivement de « mobutistes ». Lors de son accession à la tête de l’Etat congolais le 26 janvier 2001 à la suite du décès de LD Kabila, « Joseph Kabila », sorti du néant, est porté par une redoutable machine de propagande. En 2006, l’Occident l’a soutenu contre son challenger Jean-Pierre Bemba. Dix années après, le charme semble définitivement rompu. A Kinshasa, des kabilistes pétrifiés par un isolément diplomatique sans précédent, voient désormais des « conspirateurs » partout.



Dans un communiqué publié jeudi 29 septembre, le ministre de la Communication et médias Lambert Mende Omalanga a accusé le gouvernement américain de comploter contre le régime de « Joseph Kabila ». L’objectif, selon lui, est de déstabiliser le pays en créant le « chaos ». C’est la réponse du très volubile porte-parole du gouvernement congolais aux sanctions infligées par le département américain du Trésor aux « généraux » John Numbi et Gabriel Amisi.



Jouant à fond la dramaturgie, Mende suspecte les Américains de réserver au Congo-Kinshasa le sort que connaissent la Libye et le Soudan du Sud. Il feint d’ignorer que la crise qui secoue ce pays trouve son origine dans la dérive dictatoriale d’un chef d’Etat qui veut s’accrocher au pouvoir en dépit de l’Interdit constitutionnel.

Dix jours après la répression de la manifestation organisée le 19 septembre par le « Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement», des familles sont encore à la recherche des leurs. D’autres n’ont pas encore terminé le travail de deuil. Des plaies psychologiques seront difficiles à cicatriser.



Des mercenaires étrangers





Selon des sources militaires, «Joseph Kabila» aurait mobilisé des mercenaires étrangers pour « punir » les Congolais. Il semble se confirmer que des combattants sud-soudanais de l’ex-vice président Riek Machar ont participé aux opérations menées les 19 et 20 septembre dont le plasticage des sièges des partis politiques. Des anciens combattants du M23 basés notamment à Kitona, au Kongo central, auraient également pris part à la répression.








Dans une déclaration faite jeudi 29 septembre, le gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango, a invité les parents des victimes à se présenter dès samedi 1er octobre au cabinet du ministre provincial de la Santé afin de percevoir les « frais funéraires ». Le pouvoir kabiliste tente ainsi de soulager une conscience particulièrement chargée. A moindre frais.


Dans la capitale congolaise, des informations difficiles à vérifier font état d’un nombre « très important » des cadavres dans les morgues. « Les morgues de la capitale ne peuvent plus recevoir des cadavres par manque de places », confie un confrère kinois qui a fait le tour de la ville. « D’où viennent toutes ces dépouilles mortelles ? », s’est-il interrogé. Un fait troublant : des policiers lourdement armés assureraient la « sécurité » devant ces établissements. « C’est juste pour empêcher les journalistes de photographier les corps », explique un officiel joint au téléphone.

A Genève, la haute commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’Homme, Kate Gilmore, a exigé l’ouverture d’une « enquête indépendante ». L’objectif, selon elle, est d’engager des poursuites à l’encontre des « auteurs et instigateurs des violences ». Pour elle, « une crise à grande échelle couve » dans le pays.

Isolément diplomatique


« Joseph Kabila » fait plus que jamais face à un isolément diplomatique sans précédent. On assiste à une sorte de retour de la manivelle. La langue de bois diplomatique est battue en brèche par le « parler vrai ».


Mercredi 28 septembre, le chef de la diplomatie française, le très modéré Jean-Marc Ayrault, a carrément demandé à « Joseph Kabila » de ne pas briguer un troisième mandat. Pour lui, le Congo-Kinshasa est au bord d’une « crise grave » à cause d’«un président qui est en place, et qui veut garder sa place, alors qu’il n’a plus le droit de se représenter ». Il a assuré que la France fera tout ce qui est en son pouvoir pour que les participants au « dialogue politique » fixe la date des élections et «que le président sortant annonce clairement qu’il ne se représente pas.» L’avènement de « Joseph Kabila » à la tête du « Grand Congo » ressemblait à une « mauvaise blague » d’étudiants. Pour donner au nouveau président une certaine assise sociale, la machine de propagande occidentale a fonctionné à fond. Le quotidien bruxellois « Le Soir » en tête.


Dans son édition datée du 19 janvier 2001, « Le Soir » présentait le successeur de Mzee comme un « anglophone qui a longtemps vécu en Tanzanie et dont la mère est tutsie (…) ». Dans l’édition du weekend datée du 20 janvier 2001, le même quotidien enfonça le clou : « La nomination de Joseph Kabila a mécontenté de nombreux Congolais. (…). En outre, le fils du président défunt est à moitié tutsi. Ce qui n’améliore pas sa popularité à Kinshasa : de nombreux Kinois détestent les Tutsi, assimilés aux Rwandais, agresseurs honnis du Congo ». Six jours après soit le 26 janvier 2001, le même quotidien - apparemment recadré - sert à ses lecteurs congolais une version revue et corrigée. On apprend que la mère du nouveau chef de l’Etat s’appelle Sifa Mahanya, une Congolaise native de 

la province du Maniema.

Dès les premières semaines, « Joseph » se rend au « petit-déjeuner de prière » à Washington. Il fait escale à Paris à l’aller et passe par Bruxelles au retour. Jouant au chat et à la souris avec les Occidentaux, le successeur de Mzee organisa au mois de juin 2001 « la conférence nationale sur les droits de l’homme ». But : faire un état des lieux. Présent, le Premier ministre belge de l’époque, Guy Verhofstadt, était tout simplement ébloui.

Violations des droits humains


En 2006, porté à bout de bras par le monde occidental, « Joseph Kabila est « élu » Président face à Jean-Pierre Bemba. Le scrutin est financé à 80% par la « communauté internationale ». On imagine bien que celle-ci espérait être la première servie dans le cadre de la reconstruction du pays. Dès le lendemain de son investiture, le « raïs » jette le masque. L’homme est devenu de plus en plus arrogant. Il n’écoute plus personne. En 2007 et 2008, il envoie le fameux « bataillon Simba » écraser deux manifestations des adeptes de Bundu dia Kongo dans le Kongo central.


Dans une interview au « Soir » daté du 24 mai 2008, il assume. « Ce qui s’est passé dans le Bas-Congo, dit-il, n’était pas une simple manifestation de mécontentements, il s’agissait d’une rébellion en gestation, d’une révolte contre les institutions établies. Il y avait un grand projet de déstabilisation qui été déjoué et il a fallu sévir avec rigueur ». Dès 2008, un certain froid s’installa dans les rapports entre le pouvoir kabiliste et l’Occident. Ne recevant pas « l’aide promise » pour la « reconstruction », « Kabila » décide de se tourner vers la Chine avec les fameux contrats.


La « séparation de corps » - pour ne pas parler de divorce - a lieu lors de la présidentielle organisée le 28 novembre 2011. Cette consultation politique n’a pas été financée par la « communauté internationale ». N’empêche. Les irrégularités constatées ont élargi le fossé de méfiance. Les violations répétées des droits humains ont fait le reste. Aveuglé par ses certitudes, « Joseph Kabila » n’a pas décrypté les signes de temps d’un retour de manivelle. Pour les « amis occidentaux » qui le « chouchoutaient », le « raïs » n’est plus qu’un homme du passé. Un homme usé. Pourra-t-il sortir victorieux de ce bras de fer ? Rien n’est moins sûr.


On oublie souvent que sans l’opposition radicale incarnée par de l’UDPS et ses alliés en 1996-1997, l’AFDL ne serait pas arrivée à Kinshasa. Les « soldats de LD Kabila» ont fait à l’époque une promenade de santé parce que la population avait rejeté le régime de Mobutu. Les soldats des FAZ ont rechigné à se battre faute de cause à défendre. Aujourd’hui, le constat est là : cette même population a vomi « Joseph Kabila ». L’agonie de son régime sera sans doute longue. La mort, elle, est certaine. Le « Rassemblement » serait bien inspiré de ne pas exceller seulement dans l’art de dire "Non"! Il doit, ici et maintenant, se présenter en une véritable alternative.
Baudouin Amba Wetshi © Congoindépendant
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