A une cinquantaine de jours de l’expiration du second et dernier mandat de "Joseph Kabila", les langues commencent à se délier. C’est le temps du déballage! Un titre choc barrait, samedi 29 octobre, la manchette du quotidien bruxellois "Le Soir". "La corruption du régime Kabila vue de l’intérieur", pouvait-on lire. Le journal publie, sous les plumes de Colette Braeckman et de Xavier Counasse, les révélations d’un citoyen Congolais nommé Jean-Jacques Lumumba. Celui-ci est le chef démissionnaire du département des engagements à la BGFI RDC Bank SA. Il s’agit d’une institution bancaire dont le capital est détenu à l’ordre de 40% par la fratrie "Kabila". Le directeur de la BGFI, Françis Selemani Mtwale, est bien connu dans les milieux affairistes kinois.

"Les gens en ont ras-le-bol, ils veulent le changement. Il n’est pas exclu qu’il y ait, dans les jours à venir, des révélations sur les transferts d’argent en faveur de certains dirigeants africains". Qui parle ici? Il s’agit d’un expert financier kinois qui commentait à chaud le dossier publié par "Le Soir".

L’auteur de ces lignes a écrit à plusieurs reprises dans ces colonnes que la fratrie "Kabila" considère le "Congo libéré" comme un "butin de guerre" pour les initiateurs de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre). Les confidences faites au "Soir" par "Jean Jacques" semblent confirmer cet état d’esprit.

On apprend que dès le lendemain de sa nomination à la tête de la Banque centrale du Congo (BCC), le gouverneur Déogratias Mutombo Mwana Nyembo avait ordonné, le 29 novembre 2013, le versement d’un montant de total de 42,999 millions $ au crédit du compte de la société "Egal" - une propriété de la fratrie "Kabila" - avec pour libellé : "provision investissement".

On apprend également que tout en ayant un solde créditeur (55 millions $) dans un compte ouvert dans les livres de la BGFI, la CENI détenait, dans la même banque, un "compte parallèle" dans lequel était logé un crédit de 25 millions $ contracté auprès de la même banque. Des retraits d’importantes sommes d’argent ont été opérés au profit de quelques "clients" du pouvoir kabiliste. A titre d’illustration, le chèque n°00686272 d’un montant de 350.000 $ a été émis au profit de Mme Kibango Mujinga Doris. Lenge Christelle et Claire Kisula ont encaissé respectivement 1.500.000 $ (chèque 0018186989) et 1.065.000 $ (chèque n°00656943).

Pas d’argent pour les élections

Les informations fournies ce "lanceur d’alerte" inclinent à penser que le Congo-Kinshasa est gouverné par une association de malfaiteurs. Des bandits.

Le 31 août 2015, la CENI a saisi la Cour constitutionnelle afin d’obtenir l’interprétation de la loi de programmation relative à l’installation de nouvelles provinces. Au motif que le délai de 120 jours pour organiser l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des nouvelles provinces était frappé de forclusion.

Le 3 septembre de la même année, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo s’est mis dans la danse en déclarant sans broncher : "Le gouvernement n’a pas d’argent pour organiser l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs de province". Coût de l’opération électorale : 2,1 millions de dollars US. Peut-on imaginer décemment que le "gouvernement de la République", selon la formule consacrée, ne puisse pas réunir cette modique somme?

Il apparaît aujourdh’ui que "Joseph Kabila" voulait tester la capacité d’indignation des Congolais. L’homme avait compris finalement qu’il avait en face de lui un peuple peu tenace; un peuple qui n’a aucune tradition syndicale encore moins celle de revendication de ses droits. L’accord politique signé le 18 octobre 2016 dans le cadre du "dialogue politique" sous la facilitation d’Edem Kodjo est à insérer dans cette logique.

Butin de guerre

"Ils sont arrivés ici avec des bottes en caoutchouc...", fredonnaient certains chanteurs kinois. Une manière de persifler les "Kadogos" en général et "Joseph Kabila" en particulier. Pour cause, après quinze années passées à la tête de l’Etat, ce dernier est devenu immensément riche. Le journaliste américain Richard Miniter l’avait crédité d’une fortune estimée à 15 milliards $. "Jaynet", elle, a planqué un montant indéterminé dans les paradis fiscaux. "Zoé" est devenu l’heureux propriétaire d’un luxueux complexe hôtelier, le "Beviour", à Moanda, au Kongo Central. Il détient le monopole de tous les imprimés de valeur. "Nous n’allons pas laisser le pouvoir à n’importe qui", déclarait-il dans un entretien avec l’hebdomadaire "Jeune Afrique".

Le 25 juillet dernier, « Congo Indépendant » rapportait qu’un groupe chinois était candidat repreneur de la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC). Il s’agit d’un consortium derrière lequel se dissimule une des « sœurs de … » en la personne de Ruwet Mtwale
«Kabila». Tiens! Tiens! Le directeur de la BGFI se nomme Francis Selemani Mtwale. Etrangement, le président sortant congolais a porté le patronyme Mtwale en Tanzanie.

Le précédent John Lumbala Tshidika à la BC

La situation dénoncée par Jean-Jacques Lumumba présente quelques similitudes avec la mésaventure vécue en 2008 par John Lumbala Tshidika, à l’époque où il avait en charge la direction des Ressources humaines de la Banque congolaise (BC). On le sait, celle-ci a été déclarée en faillite en janvier 2011.

Tout comme la BGFI avec le gouverneur Deogratias Mutombo, la BC, dirigée à l’époque par le Franco-Libanais Roger Alfred Yaghi, avait pour "allié" Jean-Claude Masangu Mulongo, alors gouverneur de la BCC. «Le dossier de la Banque Congolaise a toujours été géré directement par le gouverneur, disait-on. Plusieurs rapports d’inspections faites par la direction de Surveillance des banques et établissements financiers étaient gelés au niveau du même gouverneur».

Les ennuis de Lumbala ont commencé lorsqu’il a osé exprimer à haute voix le "malaise" qu’il éprouvait face à une gestion à la limite de piraterie. Il était devenu l’homme qui en savait trop. Le jeudi 11 décembre 2008 vers 6h30, plusieurs agents de l’ANR, sans mandat, se présentent chez lui. C’est l’arrestation. Menotté, l’homme est acheminé au cachot de l’ANR situé en face de la Primature où il a subi une séance de torture. Accusé d’être membre de l’opposition extérieure, il sera auditionné par l’administrateur principal en charge de la Sécurité intérieure d’alors, Kalev Mutondo. Lumbala vit aujourd’hui en exil.

Combien de Jean-Jacques Lumumba et de John Lumbala existent-ils au Congo-Kinshasa? Combien d’entre eux ont eu moins de chance en perdant la liberté ou la vie pour avoir exprimé des critiques sur des cas avérés de détournements de deniers publics?

Les informations fournies par Jean-Jacques Lumumba viennent confirmer que le Congo-Kinshasa est malade de la concentration de tous les pouvoirs d’Etat entre les mains d’un seul homme, en l’occurrence "Joseph Kabila". Celui-ci exerce un pouvoir sans limite, soumis à aucun contrôle. Ces révélations confirment également que ce pays est gouverné par des truands. L’alternance démocratique devient plus que jamais un impératif.

Baudouin Amba Wetshi

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