Ministre des Affaires étrangères de 2000 à 2003, le PPRD Léonard She Okitundu se voit confier, treize années après, le même portefeuille dans le gouvernement du Premier ministre Samy Badibanga qui a été investi, jeudi 22 décembre, par l’Assemblée nationale. Comme ses prédécesseurs, le nouveau chef de la diplomatie congolaise bouillonne de bonnes intentions. Lors de son entrée en fonction, il a dit sa volonté de mener une campagne pour "convaincre les partenaires bilatéraux et multilatéraux sur la gestion de l’Etat pendant la période préélectorale". "She" feint d’ignorer qu’il devrait franchir deux obstacles. A savoir, l’isolément diplomatique du pays et l’absence de moyens pour redorer l’image ternie de la diplomatie congolaise. Au moment où ces lignes sont écrites, on apprenait que l’Angola a décidé de suspendre sa coopération militaire avec son grand voisin. Les dirigeants angolais seraient "écœurés" par les tueries imputables aux éléments de la garde présidentielle de "Joseph Kabila".

Vendredi 23 décembre, le ministre des Affaires étrangères sortant Raymond Tshibanda N’tungamulongo a procédé à la passation de pouvoir avec son successeur She Léonard Okitundu.

Le nouveau patron de la diplomatie congolaise qui fait partie des "faucons" de la mouvance kabiliste envisage d’entreprendre une campagne d’explication pour "rassurer". Il se propose de prendre langue avec les partenaires tant bilatéraux que multilatéraux. Objectif : expliquer la manière dont le pays sera géré "pendant la période préélectorale".

Il faut dire que le Congo-Kinshasa a grandement besoin de la contribution de la "communauté internationale" pour boucler son budget électoral estimé par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Pendant que certaines sources croient savoir que l’accord du Centre Interdiocésain pourrait être signé (finalement) ce samedi 24 décembre, Okitundu annonce que "nous sommes dans une période préélectorale qui consacre la gestion consensuelle de l’Etat avant les élections".

Après avoir rappelé que la Défense nationale et les Affaires étrangères constituent "deux piliers importants" et complémentaires de l’Etat, le nouveau ministre se dit déterminé à veiller au maintien de l’équilibre entre ces deux secteurs névralgiques. En faisant quoi? Silence radio.

On espère que "She" est au courant de l’isolément diplomatique auquel fait face le régime en place. Et ce suite aux artifices multipliés par "Joseph Kabila" pour briguer un troisième mandat en violation du prescrit constitutionnel.

On espère également que le nouveau chef du département des Affaires étrangères trouvera des mots justes pour expliquer à ses interlocuteurs européens et américains le "bien-fondé" des graves violations des droits humains autant que le verrouillage des espaces de liberté. Sans omettre l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire.

Au moment où ces lignes sont écrites, on apprenait que l’Angola a décidé de suspendre sa coopération militaire avec le "Congo libéré" de "Joseph Kabila". "Le président José Edouardo dos Santos voudrait dégager la responsabilité de son pays dans la vague de répressions des manifestants", dit-on.

Une diplomatie aux soins intensifs

Des observateurs espèrent que le successeur de Tshibanda va innover en inaugurant son mandat par un audit. Un état des lieux. Le but est de diagnostiquer de manière méthodique les maux dont souffre non seulement l’administration centrale mais aussi la multitude de représentations diplomatiques que compte le pays à l’étranger. Un tel état des lieux pourrait être suivi par des réformes en profondeur.

Depuis plusieurs mois, le personnel de l’administration centrale de ce ministère est en grève. She Okitundu dit considérer la résolution de ce problème comme une priorité. "Ce qu’on va faire dans l’immédiat, sur instruction du Président de la République, est de mettre sur pied une petite commission qui va faire l’Etat des lieux de la situation", a-t-il déclaré. Les fonctionnaires concernés seront entendus.

Il est assez symptomatique d’entendre un vieux routier de la politique tel que "She" avouer qu’il a besoin d’une "instruction présidentielle" pour résoudre un problème qui affecte son secteur d’activité. Question : le ministre n’est-il pas responsable de son département?

La diplomatie congolaise (administration centrale et les postes) est gravement malade. Au niveau de la "Centrale", le ministère n’est pas administré. Les structures sont obsolètes. Pire, l’homme qu’il faut n’est pas à la place qu’il faut.

Doté d’un personnel pléthorique et peu efficace, ce ministère régalien est malade du clientélisme. Il souffre également des mauvaises habitudes des ministres successifs consistant à concentrer les questions administratives au niveau du cabinet. Une situation qui empêche les différentes directions à jouer leur rôle de "service technique".

Le Congo-Kinshasa compte à ce jour près de 70 postes diplomatiques pour promouvoir quel intérêt avec quels moyens humains et matériels? Ne faudrait-il pas fermer ou regrouper certains postes?

Vingt années après prétendue "libération" du 17 mai 1997, les diplomates congolais sont raillés dans les pays d’accueil respectifs. En cause, l’impécuniosité. La rotation - quatre ans en poste, deux ans à l’administration centrale - n’a plus lieu. Plusieurs centaines de fonctionnaires, fin termes, attendent depuis 10, 15 ou 20 ans le rapatriement.

Lors de sa nomination au ministère des Affaires étrangères en mai 2012, Raymond Tshibanda avait annoncé un "traitement de choc" pour redynamiser la diplomatie congolaise. Quatre années après, le bilan est globalement négatif. Le ministre était constamment entre deux avions. On peut imaginer les "dégâts" dans un pays à la culture jacobine où tout est centralisé au sommet.

Mission impossible

"Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console", disait Nietzsche. Tshibanda pourrait se consoler du fait que ses prédécesseurs n’ont pas fait mieux. Ils ont passé le temps à dissimuler leur inaction derrière des slogans creux : "Diplomatie de combat", "diplomatie de paix et de développement" etc. Sans doute que l’exemple vient d’en haut.

Une année après son investiture, le successeur de Mzee a fait organiser en décembre 2002 "sa" toute première “conférence diplomatique”. Le ministre d’alors n’était autre que She Léonard Okitundu. Il s’agissait en fait d’une opération de marketing diplomatique pour "charmer" le monde occidental. Les observateurs seront surpris de voir des intervenants nationaux et étrangers se succéder à la tribune en rivalisant d’éloquence. Nul ne sait la destination donnée aux résolutions issues de cette rencontre.

Dans son allocution d’investiture le 20 décembre 2011, «Joseph Kabila» avait annoncé - dans le cadre de son projet politique dit "Révolution de la modernité" - que "notre diplomatie sera réorganisée et modernisée, de manière à en faire la vitrine d’un Congo qui rassure et qui gagne, source de fierté légitime pour notre peuple et pour l’Afrique". Quid du bilan? Rien que des slogans.

She Léonard Okitundu serait mal inspiré de croire que sa verve oratoire suffirait à sortir la diplomatie congolaise de son "coma". L’absence évidente de volonté politique et la modicité des moyens restent des obstacles majeurs. C’est une mission impossible qui lui est confiée...

B.A.W
 Congoindépendant 2003-2016
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