COMMUNICATION POLITIQUE
Intervention au parlement fédéral du député fédéral Peter Luykx suite au maintien en place de Joseph Kabila à la tête du Congo après l’expiration de son mandat.
Lors de la plénière du 22 décembre 2016, le député fédéral (N-VA) Monsieur Peter Luykx a adressé une question d’actualité au vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères et européennes, sur "la situation en République Démocratique du Congo" (nr. P1736)
Monsieur le président, monsieur le ministre, collègues, ce n’est pas le premier deadline auquel Kabila refuse de se soumettre. Bien au contraire, jusqu’à ce jour, jusqu’au 19 décembre 2016, Kabila a multiplié plusieurs manœuvres dilatoires. Il a tenté plusieurs manœuvres pour repousser les élections.
Aujourd’hui, après le 19 décembre 2016, nous devons nous demander si ce report ne signifie pas, ni plus ni moins que Kabila entame un troisième mandat. A mon sens, nous devons ainsi voir les choses : Kabila entame un troisième mandat.
Dans les rues du Congo, l’opposition a fait l’objet d’une répression des services de Kabila. Les gens ont été tués ; la presse et les médias sociaux ont été muselés.
Kabila ne supporte aucun regard extérieur.
Chers collègues, nous aurions peut-être pu assister à l’alternance cette année mais ce changement de pouvoir n’arrive toujours pas. Nous apprenons de la bouche des ministres De Croo et Reynders que le gouvernement va revoir ses relations avec le Congo et veut s’investir dans les sanctions individuelles envers ceux qui transgressent la loi.
Sur le plan diplomatique, le gouvernement belge a clairement dit NON à troisième mandat de Kabila. Sur le plan militaire, le gouvernement belge est prêt à mettre en œuvre un scénario d’évacuation de 4.000 belges du Congo.
Sur le plan financier, en revanche, le gouvernement maintient le soutien. Il continue à aider financièrement. Contrairement au cas du Burundi, avec lequel la Belgique avait provisoirement suspendu la coopération au développement, cela n’intervient pas dans le cas du Congo. Le gouvernement souffle en même temps le chaud et le froid. Toutefois, cela a toujours été le point de vue en commission de ma collègue, Rita Bellens : la coopération au développement doit être assortie des conditionnalités. Pour la coopération au développement une condition doit être remplie.
Quoique le soutien financier ne soit pas aussi déterminant et si important que dans le cas du Burundi, l’effet et la valeur symbolique en sont, en revanche, plus importants. Nous disposons bien d’une voix sur l’échiquier international. Monsieur le ministre, c’est pourquoi je vais vous poser les questions suivantes : Comment pouvez-vous encore revoir les relations entre le Congo et la Belgique ? Comment comptez-vous le réaliser ?
Réponse de Didier Reynders, Ministre belge des Affaires étrangères
Tout d'abord, je confirme que nous suivons, de près et depuis bien longtemps, la situation au Congo. Mais cette situation est maintenant particulièrement tendue. Elle provoque des violences et on doit malheureusement déplorer un certain nombre de morts. Selon ce que l'on sait exactement aujourd'hui, la police nationale a déjà reconnu 22 morts dans ses rangs, 9 à Kinshasa, 8 à Lubumbashi, 3 à Matadi et 2 à Boma.
Il y a également eu des centaines d'arrestations.
Certaines d'entre elles ont été particulièrement violentes. La répression est très forte, en particulier à Lubumbashi. Je vous confirme que, rien qu'à Lubumbashi, selon la MONUSCO, on a déjà dû déplorer la mort de 10 civils, dont 8 hommes, 1 adolescent de 17 ans et un bébé de 7 mois. Nous avons aussi des informations venant de Kinshasa, mais encore non vérifiées précisément; celles-ci font état de plusieurs dizaines de morts. La situation est donc particulièrement grave. En outre, des combats et des conflits ont de nouveau eu lieu dans l'est du Congo, mais peut-être aussi dans le nord-ouest.
Certaines informations circulent sur le sujet.
A cela s'ajoute le fait que la situation économique et sociale est particulièrement catastrophique dans le pays aujourd'hui.
Depuis un certain temps, il règne un climat de forte restriction des droits et libertés. J’ai clairement protesté – c’était une condamnation claire – contre l’expulsion des journalistes de la VRT et VTM. L’expulsion a été décidée sans raison. Ils ont été déclarés indésirables.
J’ai autrefois contacté le premier ministre de l’époque, Monsieur MATATA afin de protester contre le refus de visa à quelques militaires qui devaient assurer la sécurité de notre consulat-général à Lubumbashi. Depuis le début, j’ai déclaré que nous devons demander à l’autorité de ne pas recourir à la violence et que chaque intervention doit être proportionnelle.
L'opposition n'a pas appelé à la manifestation, ces jours-ci. Elle n'a pas appelé à l'usage de la violence. Pourtant, nous observons un pays qui se ferme, qui est de plus en plus bouclé, dans un certain nombre de ses villes et quartiers, avec un usage excessif de la violence.
Au-delà de cette constatation, nous continuons à soutenir la recherche d'un accord inclusif.
J’ai donné mon soutien à la CENCO comme beaucoup d’autres en Europe et en dehors de l’Europe. C’est une bonne initiative de trouver un accord plus large et inclusif avec toutes les parties. C’était une demande de la Belgique et de la Commission européenne.
Nous verrons les jours à venir si une plus grande inclusivité est possible. C’est très possible mais nous essayons d’apporter notre soutien direct.
On a plaidé pour une autre politique et une autre relation avec le Congo. En effet, nous devons réévaluer notre relation avec le Congo les semaines et les mois à venir. A long terme, nous pouvons envisager une autre approche, mais les sanctions sont actuellement nécessaires. Nous y travaillons déjà. Dans le cadre de l’UE, nous avons déjà pris une décision à l’encontre de 7 personnes responsables des services de renseignement.
Au plan de la coopération au développement, nous sommes en train de réévaluer notre relation financière. Nous l’avons déjà fait avec le Burundi. L’évaluation est en cours. Nous devons procéder à une analyse sur base des faits. A l’égard du nouveau gouvernement, les business as usual ne sont pas possibles et nous devons reconsidérer notre relation.
Des questions précises ont été posées sur le nouveau premier ministre et sa nationalité. Le gouvernement et les autorités congolaises nous ont annoncé qu'il allait renoncer à sa nationalité belge. Je suppose qu'il entamera les démarches en ce sens. Je n'ai pas encore obtenu plus de précisions à ce sujet.
Pour ce qui concerne la situation des Belges, je voudrais revenir sur quelques éléments.
Pour nos compatriotes, je voudrais rappeler le message que j'ai eu l'occasion de lancer en modifiant nos avis de voyage: il faut vraiment renoncer à tout voyage aujourd'hui vers le Congo!
Il faudrait des raisons impérieuses pour pouvoir s'y rendre. Si c'était le cas, il faut prendre contact avec nos services, s'inscrire sur le site du département en suivant la procédure expliquée sur Travellers Online et prendre contact avec notre ambassade ou nos consulats.
Pour toutes celles et tous ceux qui sont au Congo, je crois qu'il est temps de quitter le pays, et certainement durant cette période de fin d'année. Beaucoup le font déjà à cette occasion et il ne faut pas prendre de risque. Cela étant, si nous comptons 4 000 à 4 500 Belges au Congo et probablement 3 000 rien qu'à Kinshasa et un millier dans le Katanga, il faut bien se rendre compte que jusqu'à présent, en dehors des actions à l'égard de journalistes qui ont été expulsés ou de refus de visa pour des militaires, il n'y a pas eu de véritables actions contre les Belges. Il faut le rappeler, même si dans des pays voisins, des appels et des propos très durs à l'égard de la communauté et des autorités belges ont été entendus; ce n'est pas le cas au Congo.
Je ne m'étendrai pas plus longuement sur la situation des Belges aujourd'hui sur place au Congo. Je peux vous dire que nous avons tout fait pour réunir des conditions optimales si nous devions intervenir d'une manière ou d'une autre.
Nous travaillons avec la Défense en la matière et toutes les demandes ont été en l'espèce adressées aux autorités congolaises.
Pour terminer, et à propos des sanctions évoquées par beaucoup, vous savez que j'essaie de manier cette démarche de sanctions de manière ferme mais aussi de manière prudente.
Cela ne sert à rien de prendre des initiatives exclusivement belges sans avoir le soutien, notamment de l'Union européenne. Nous avons obtenu de cette dernière qu'elle avance vers des sanctions individuelles, le 12 décembre dernier, sur sept responsables des services de sécurité.
On peut bien entendu aller plus loin. Lors de ma dernière visite à Kinshasa, j'étais le premier à dire que la responsabilité individuelle était en jeu à l'échelon des autorités.
Cela ne concerne pas seulement la sanction sur les voyages et les visas, ainsi que le gel des avoirs, mais aussi d'éventuelles poursuites. Il n'y aura pas d'impunité. Les actes commis en septembre ont entraîné des sanctions. Ceux commis aujourd'hui devront être évalués et, probablement, faire l'objet de démarches pour lutter contre l'impunité. Pour les avoirs, je le répète, nous prenons acte de toute une série d'informations, mais il appartient à notre justice, comme au département des Finances, de prendre un certain nombre d'initiatives. Il n'est pas exclu que des décisions soient adoptées en la matière, et à l'échelon européen, et à l'échelon international.
Pour terminer, nous nous rendons compte aujourd'hui que la situation est particulièrement grave. Nous sommes tenus de tout aménager pour la protection de nos concitoyens sur place.
Mais nous devons aussi influer sur le cours des événements au Congo. En effet, de nombreux citoyens de ce pays souhaiteraient une véritable transition démocratique, la mise en place d'une bonne gouvernance et, enfin, une répartition correcte des biens d'un pays, particulièrement fourni en richesses naturelles, et dans toute une série d'autres domaines.
Il est donc très important pour nous d’aller dans cette direction. Nous devons peut-être imposer des sanctions ou envisager d’autres mécanismes pour exercer une forte pression sur le Congo. Par ailleurs, une bonne collaboration entre l’Union européenne et l’Union africaine est nécessaire pour donner une nouvelle dynamique au Congo. Cela signifie que l’année prochaine, si possible, les élections présidentielles et peut-être aussi parlementaires doivent être organisées. L’année prochaine et non pas dans deux ou trois ans, c’est cela l’objectif.
Nous voulons que ce pays soit bien géré, une bonne gouvernance est également nécessaire.
J'espère que cela sera possible. Mais je ne cache pas que l'inquiétude est très grande pour les heures, les jours et les semaines à venir.
Réplique du député Peter Luykx (N-VA):
Monsieur, le Ministre, Kabila a entamé son troisième mandat cette semaine. Je ne peux que répéter que nous ne pouvons le percevoir autrement que le début d’un troisième mandat, du reste illégal. Vous dites à raison que la situation est particulièrement grave. Le citoyen congolais est privé de ce qui constitue l’essence de la démocratie, notamment qu’une transition intervienne et que le citoyen puisse lui-même changer quelque chose. Cela signifie la démocratie. Cette occasion vient de lui être privée. Le Congo a droit à un avenir sans Kabila. Vous dites que la coopération sera revue. Nous devons, en effet, nous demander clairement avec quel pays nous allons coopérer. Avec un pays où la corruption demeure un fléau très répandu, où la démocratie est mise à mal ? Comment y réagir ?
Jusqu’à ce jour, votre parcours a été correct, monsieur le ministre. Nous espérons que vous resterez conséquent dans le futur et que cela aura des répercussions sur le plan de la coopération au développement.
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