*Vendredi 9 décembre 2016, l’Hôtel le Bristol à Paris a servi de cadre à la tenue d’une communication-débat sur le thème : «réflexions doctrinales sur les arrêts des 11 mai et 17 octobre 2016 rendus par la Cour Constitutionnelle de la République démocratique du Congo». Waleka Kitoko, initiatrice de cette grande conférence, Avocate au barreau de Paris, Citoyenne congolaise, est titulaire d'un doctorat en droit public de l'Université Bordeaux IV, d'un DEA de droit public comparé de l'Université Paris I et d'un DES en Relations Internationales de l'Ecole des Hautes Etudes Internationales de Paris.

Pour rehausser le niveau de cette conférence autour des sujets capitaux de l’heure en RDC, Me Kitoko n’a pas lésiné sur le choix des intervenants. Se sont, en effet, succédés sur la chaire, M. Jean Dubois de Gaudusson, professeur agrégé de droit public et de droit constitutionnel, Président honoraire de l’Université de Montesquieu – Bordeau IV et expert constitutionnel auprès des Cours. Autre intervenant, Didier Maus. Ancien Conseiller d’Etat, il est le Maire de Samois-Sur-Seine et Professeur de droit constitutionnel à Aix-Marseille Université. Il est aussi Président émérite de l’Association internationale de droit constitutionnel.

Et, à la modération, M. Sébastien Rideau Valentini, Docteur en droit privé, avocat au barreau de Paris et à la Cour Pénale Internationale.

Le pedigree de ces intervenants, mais également, le profil de l’initiatrice de cette conférence d’une journée disent long de la hauteur des réflexions qui y ont été développées et qui, à coup sûr, vont apporter une nouvelle lumière sur la grande problématique des réactions aux deux arrêts de la Cour constitutionnelle qui sont, aujourd’hui, la base juridique de la crise autour du mandat du Chef de l’Etat et, dans l’ensemble, du processus électoral. Cette querelle s’est transposée outre-mer pour susciter des opinions qui influent largement sur le comportement de certains acteurs politiques congolais.

Pour rappel, l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 16 mai 2016, rendu suite à la requête des Députés de l’opposition sur l’interprétation de l’alinéa 2 de l’article 70 de la Constitution permet au Chef de l’Etat en fonction de demeurer en place au-delà de décembre 2016, jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu. Quant à l’arrêt du 17 octobre 2016, rendu à la requête de la CENI sur les délais constitutionnels d’organisation des élections, la Cour autorise la centrale électorale nationale de publier un calendrier électoral organisant les élections au-delà de décembre 2016.

En introduction des exposés et du débat, Me Waleka Kitoko a expliqué que l’idée de cette conférence lui est venue suite à la situation constitutionnelle en RDC. Elle a estimé qu’il devait être question de recueillir l’avis des experts constitutionnels sur un certain nombre de questions juridiques susceptibles d’avoir de lourdes conséquences sur la paix et la stabilité en RDC.

Des deux intervenants du jour, Me Didier Maus s’est voulu plus pratique et pragmatique sur le sujet. A propos du second alinéa de l’article 70 de la Constitution congolaise, il a pris référence sur la controverse vécue aux Etats-Unis d’Amérique avec l’élection présidentielle qui avait vu Al Gore contester les résultats dans certains Etats dont la Floride.

Logiquement, a-t-il expliqué, l’on devait procéder à un recomptage total des suffrages pour désigner les grands électeurs. Or, l’on se trouvait dans une situation temporelle où la Cour constitutionnelle américaine devait prononcer le résultat final six jours avant le 18 décembre, tout en sachant que recompter les suffrages n’est pas absurde, mais logique dans ce genre de situation.

Puisqu’il n’y avait aucune autre possibilité pour préserver la Constitution de manière à ce que les grands électeurs de Floride soient désignés pour élire le Président, la Cour constitutionnelle s’est vue obligée de puiser dans sa sagesse, étant donné que la Constitution américaine ne prévoit aucune disposition sur ce qui peut se passer si le collège des grands électeurs ne se réunit pas ou ne se trouve pas en état d’élire le Président. En conclusion, il était question de prendre la situation telle qu’elle était pour assurer la continuité du système. Didier Maus a alors expliqué que la Cour américaine a décidé ainsi pour régler une situation qui était inextricable et jouer son rôle de régulation et de pacification.

A la lumière de cette situation aux USA, Me Didier Maus a conclu que le cas de la RDC avec l’article 70, alinéa 2 est plus pratique, étant donné, déjà, que cette disposition existe dans la Constitution. Une Constitution ne peut pas contenir une disposition qui ne sert à rien, a-t-il aussi indiqué avant de faire allusion à l’article 75 de la même Constitution pour expliquer que celui-ci règle une situation qui n’est pas à comparer avec celle visée par le second alinéa de l’article 70. L’article 75 vise une vacance de pouvoir due à l’impossibilité du Président en fonction de continuer à assumer son mandat pour des raisons physique, médicales ou psychologique. Or, en RDC, le Président en fonction ne se trouve pas dans cette situation et le pays est confronté à une situation bien différente où ce Président ne peut pas être remplacé par un autre élu, étant donné que les élections pour désigner celui-ci n’ont pas eu lieu dans les délais constitutionnels prescrits.

La Cour ayant ainsi puisé dans sa sagesse et grâce à cette facilité lui offerte par l’existence du second alinéa de l’article 70 pour régler cette situation, la question qui se pose est de savoir pendant combien de temps le Président en fonction doit rester en place jusqu’à son remplacement par un élu. A cette question, Me Didier Maus a estimé que la Cour constitutionnelle n’était pas outillée pour y répondre, étant donné que les moyens pour le faire dépendent d’un consensus politique qui s’est dégagé du dialogue inclusif avec l’Accord politique qui doit être élargi à l’ensemble de la classe politique et sociale à travers les discussions politiques directes de la CENCO.

Quant à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 17 octobre donnant le feu vert à la CENI pour organiser les élections au-delà du 19 décembre, Me Didier Maus s’est également voulu pragmatique en expliquant qu’il était tout à fait logique d’aboutir à une telle conclusion pour éviter un vide qui n’aurait eu pour but que de créer une confusion au niveau institutionnel. Quant à la validité de cet arrêt qui été rendu par cinq juges de la Cour sur Sept, l’orateur a dit que cela est valable du moment que le quorum était atteint. Pour les quatre juges qui ont manqué à l’appel, l’un d’entre eux était aux soins en Europe, mais trois se trouvaient à Kinshasa et n’avaient donné aucune justification sur leur absence, ce qui suppose qu’ils ont simplement refusé de siéger pour bloquer l’institution. Or, selon Me Didier Maus, un juge a pour devoir de juger, d’émettre une opinion sur une affaire en cause. A défaut, il se déporte, si l’affaire en cause le concerne, ou démissionne, auquel cas, l’institution chargé de désigner les juges en nomme d’autres.
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