* Autant on peut comprendre la démarche contre le ministre de la Justice au regard des évasions à répétition, autant la même action menée contre le VPM en charge de l’Intérieur et sécurité suscite des interrogations, eu égard aux résultats positifs dans la situation au Kasaï et au Tanganyika.

Deux ministres du Gouvernement Bruno Tshibala sont le coup d’une motion de défiance à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’Emmanuel Ramazani Shadary et d’Alexis Thambwe Mwamba, respectivement vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité et ministre de la Justice. La motion contre le VPM Emmanuel Ramazani Shadary est l’œuvre du député John Kolela. Son collègue Paul Muhindo étant l’auteur de la motion contre Alexis Thambwe Mwamba.

Selon des informations glanées hier dans les travées du Palais du peuple, une cinquantaine de députés ont déjà signé la motion contre Alexis Thambwe Mwamba. Ce dernier devrait donc se présenter ce mercredi 14 juin à l’Assemblée nationale, conformément au Règlement intérieur de cette chambre basse du Parlement. Selon une radio émettant à Kinshasa, la motion de défiance contre le VPM Shadary a été également déposée à l’Hémicycle. Une certitude toutefois, les deux motions pourraient en principe être traitées avant la clôture de la session ordinaire en cours, prévue demain jeudi 15 juin.
A en croire nos sources, le député auteur de la motion contre le patron de la Territoriale, lui reproche deux faits. Le premier, selon John Kolela, est ce qu’il qualifie de "répression disproportionnée des membres de la chefferie Kamwina Nsapu après l’exécution de ce dernier par les forces de l’ordre". Le deuxième grief mis à charge du VPM Emmanuel Ramazani Shadary, est ce que son auteur appelle "double répression et séquestration" dans les résidences du député BDM Zacharie Ne Mwanda Nsemi à Kinshasa. Les députés signataires de la motion estiment que l’assaut de la Police contre le leader du mouvement politico-religieux Bundu Dia Mayala, avait mis en danger les résidents du quartier Ma Campagne, précisément ceux de l’avenue Haute-tension pendant l’opération et que cela aurait pu coûter la vie à certains innocents.
En ce qui concerne Alexis Thambwe Mwamba, le député Paul Muhindo le critique pour trois choses. La première est ce que l’auteur de la motion appelle "mensonge sur la responsabilité et le maquillage des chiffres sur le nombre d’évadés, affichant une attitude indigne d’un membre du Gouvernement méprisant ainsi l’opinion, en traitant d’idiots ceux qui n’ont pas cru à la version des faits du ministre de la Justice ". La deuxième chose, le même député reproche au numéro 1 de la Justice congolaise, "le manque de considération à l’Assemblée nationale voulant l’instrumentaliser, en y présentant le projet de loi portant modification de la loi organique sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour Constitutionnelle". Enfin ; il est reproché à Alexis Thambwe Mwamba "le refus d’exécuter la loi sur l’amnistie ainsi que les mesures de décrispation politique".

L’ANATOMIE D’UNE DEMARCHE DEMOCRATIQUE
Que deux membres du Gouvernement fassent l’objet d’une interpellation au Parlement, la démarche procède de l’exercice de la démocratie. Bien plus, il s’agit-là d’une prérogative constitutionnellement reconnue aux membres des deux chambres du Parlement. Dans un régime démocratique, la tâche du Parlementaire ne se limite pas qu’au vote de lois. C’est qu’en plus de cette fonction législative, députés et sénateurs ont une deuxième fonction administrative. Celle-ci leur confère le plein droit de contrôler les membres de l’Exécutif. Ainsi, les questions orales ou écrites avec ou sans débat, les motions de censure ou de défiance rentrent dans le cadre du contrôle parlementaire. De ce point de vue, l’interpellation des deux membres du Gouvernement Tshibala cités ci-dessus, ne peut être comprise autrement.
Toutefois, des analystes avisés s’empressent à autopsier les deux motions. En ce qui concerne le ministre Alexis Thambwe Mwamba, plus d’un observateur estime qu’il est naturel de s’interroger sur la responsabilité du ministre de tutelle, après des évasions massives en série dans les prisons de la RD Congo. Sous d’autres cieux, ces faits pouvaient entrainer la démission même de l’autorité de tutelle. Pour le coup, le ministre de la Justice. Et donc, compte tenu de l’ampleur de ces fuites des prisonniers en nombre important ainsi que des dégâts collatéraux subséquents, il est tout à fait normal que les élus du peuple interpellent le ministre de la Justice pour éclairer leur religion. Sous réserve bien sûr, des moyens que l’intéressé devra présenter pour sa défense.
Autant on peut comprendre la démarche contre le ministre de la Justice, autant la même action menée contre le VPM Emmanuel Ramazani Shadary a suscité hier mardi, des questions dans les rues et autres salons huppés de Kinshasa. En tout cas, nombreux ont été des Kinois qui n’ont cessé d’épiloguer, non sans raison, sur la motion de défiance du député Fabien Mutomb. Sans se substituer à la plénière de la chambre basse du Parlement, ces mêmes Kinois estiment sévère, la démarche contre le patron de la Territoriale.
Dans leur argumentaire, les partisans de ce point de vue mettent en exergue l’environnement sécuritaire qui a prévalu dans l’espace Grand Kasaï, au moment où Emmanuel Ramazani Shadary prenait ses fonctions de vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur. Secret de polichinelle, le Congolais lambda sait que cet ancien président du groupe parlementaire PPRD, a été nommé vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et sécurité du Gouvernement Badibanga, après que la situation sécuritaire se soit totalement dégradée au centre du pays. Précisément dans le Kasaï. En d’autre termes, le " brûlot " kasaïen à l’effet des actes terroristes des miliciens Kamwina Nsapu. Pas seulement au Kasaï. Dans la nouvelle province du Tanganyika, la situation sécuritaire n’a pas non plus été rassurante. Et Emmanuel Ramazani Shadary s’est vu dans l’obligation de jouer au sapeur-pompier sur les deux fronts.

UNE STRATEGIE AXEE SUR L’ARME DU DIALOGUE
Si la pratique sociale doit être le seul critère de la vérité, l’actif du VPM Ramazani Shadary doit être également jugé à l’aune des aboutissements. Tenu à l’obligation des résultats, le patron de la Territoriale s’est privé de la fraicheur de son bureau douillet de la Gombe, pour se rendre dans le chaudron kasaïen. Bien qu’ayant le pouvoir de recourir au dialogue des armes pour imposer la paix, Ramazani Shadary avait plutôt privilégié l’arme du dialogue. Et les résultats sont encourageants. Dans le Tanganyika par exemple, le patron de la Territoriale a réussi à amener les communautés bantoue et pygmée, naguère ennemies, à fumer le calumet de la paix.
Par ailleurs, la même stratégie a été appliquée avec efficacité et efficience, dans ce que plus d’un analyste a qualifié de bourbier kasaïen. Doté d’une forte capacité d’écoute, Emmanuel Ramazani Shadary a ouvert un front de dialogue avec les différents protagonistes de la crise dans cette partie du territoire national. On l’a vu plusieurs fois échanger avec la famille biologique du défunt chef coutumier Kamwina Nsapu. C’est encore le même vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et sécurité qui s’était entretenu avec les différentes autorités traditionnelles pour une sortie pacifique de la crise.
L’issue de toutes ces rencontres sur fond de dialogue met à ce jour, tout le monde d’accord. C’est que grâce à l’activisme d’Emmanuel Ramazani Shadary, la situation sécuritaire actuelle dans l’espace Grand Kasaï n’est plus aussi brûlante qu’elle a été au cours du premier trimestre de l’année en cours. Parmi les faits notables, on retiendra que des centaines de miliciens Kamwina Nsapu s’étaient rendus. Des centaines d’autres ont été cantonnés et le sont encore à ce jour. Pas seulement. La famille régnante a désormais un nouveau chef désigné, conformément aux pratiques coutumières.
On pourrait ne pas tout mettre à l’actif du VPM Emmanuel Shadary, sauf le retour de la paix dans le Tanganyika et le Kasaï. Que le Président de la République, Joseph Kabila, ait effectué sa tournée actuelle dans l’espace Grand Kasaï, le bon sens admet que le travail du VPM en charge de l’Intérieur et de la sécurité soit reconnu à sa juste valeur. S’il faut donc emprunter à la métaphore biblique, le vice-Premier ministre Emmanuel Ramazani Shadary aura ainsi joué le rôle de Jean-Baptiste qui avait précédé Jésus-Christ pour annoncer sa Venue.
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