*’’Pourquoi envisagez-vous un nouveau report des élections attendues en décembre 2017 ? Corneille Nangaa, dans une interview au Point Afrique, depuis son séjour européen, affirme que ce report est dû, entre autres, aux activités préparatoires des élections, la plus importante d’entre elles étant l’inscription des Congolais sur les listes électorales. L’Accord de la Saint-Sylvestre (Accord conclu le 31/12/2016 sous l’égide des Evêques catholiques entre les principaux acteurs politiques pour la tenue des élections, NDLR) recommande un processus électoral inclusif. Il n’est pas possible d’aller aux élections en laissant de côté une partie du territoire national, le Kasaï, en l’occurrence. La situation sécuritaire dans cette région ne nous a pas permis d’y lancer l’opération d’enrôlement au même moment que dans les autres provinces. Cette situation a perturbé nos plans. L’inscription des électeurs dans le Kasaï risque d’avoir un impact sur les délais de tenue des scrutins, d’autant que, dans cette partie du territoire, nous allons identifier et enrôler les électeurs en observant le même principe d’équité que dans d’autres provinces du pays’’. Mais, A quand le coup d’envoi de cette opération dans le Kasaï ? ‘’D’après nos prévisions, avant la fin de ce mois de juillet, nous serons à pied d’œuvre en termes préparatoires dans le Kasaï, de sorte que, dans la deuxième quinzaine d’août au plus tard, nous ayons déjà commencé à délivrer les cartes d’électeur. Mais, cette opération sera menée progressivement, là où la sécurité le permet. Cela pourrait avoir un effet de contagion qui nous permettrait de l’étendre à l’ensemble du Grand Kasaï. J’ai une bonne nouvelle : la situation sécuritaire s’est améliorée là-bas. C’est nettement mieux qu’il y a un mois. Cette stabilisation nous permet de prévoir le lancement de l’enrôlement dans cette partie du territoire’’, soutient, urbi sur ongles, Corneille Nangaa, dans cette même interview. Déjà, il exclut toute possibilité de sa démission à la tête de la CENI, comme d’aucuns l’ont si bien exigée, depuis qu’il s’était prononcé sur le report des élections 2017. Doit-on penser finalement que la démarche de Nangaa relève d’une vérité, d’un aveu d’impuissance ou d’une stratégie ? A chacun d’y réfléchir en tenant compte des arguments qu’il avance, ici, tels qu’ils ont été décryptés par le Point Afrique.

Interview

Corneille Nangaa : “Ma démission n’est pas à l’ordre du jour”

C’est officiel : les élections promises par Joseph Kabila sont reportées sine die. Une décision qui interroge l’indépendance de la Ceni. Son président s’explique. Les élections en République démocratique du Congo sont comme l’horizon : quand on s’en approche, elles s’éloignent. Prévues au plus tard en décembre 2017, après quelques reports, les élections présidentielle et législatives tant attendues seront probablement reportées, a révélé Corneille Nangaa, le président de la Commission nationale électorale indépendante (Ceni). Raison invoquée ? La situation sécuritaire dans le Kasaï, dans le centre du pays, a retardé le coup d’envoi de l’opération d’inscription des électeurs dans cette partie du territoire national. Pour Corneille Nangaa, les scrutins ne pourraient pas avoir lieu dans le plus vaste pays d’Afrique subsaharienne, alors que des millions de personnes attendent encore leur carte d’électeur dans le Kasaï où, depuis septembre 2016, des affrontements entre milices locales et forces gouvernementales ont fait près de 3 000 morts, 1,3 million de déplacés internes, et conduit quelque 30 000 Congolais à trouver refuge en Angola voisin.

Les propos de Corneille Nangaa, en séjour à Paris, ont exacerbé la tension en RDC où sa démission est réclamée dans certains milieux. Cinquante-sept ans après l’accession de leur pays à l’indépendance, les Congolais n’ont jamais assisté à une passation des pouvoirs au sommet de l’Etat entre un président sortant et un président élu. L’engouement qu’ils manifestent pour le processus électoral qui se poursuit cahin-caha témoigne de leurs attentes élevées. Le président Joseph Kabila, dont le second et dernier mandat a expiré en décembre 2016, est accusé d’user de manœuvres dilatoires pour retarder le plus longtemps possible les élections à l’issue desquelles il cédera le pouvoir qu’il occupe depuis 2001. Droit dans ses bottes, Corneille Nangaa se défend de toute connivence avec le pouvoir et clame haut et fort son indépendance, tout en réitérant sa volonté d’organiser des élections crédibles… dès que possible. Il répond aux questions du Point Afrique.

Le Point Afrique : Pourquoi envisagez-vous un nouveau report des élections attendues en décembre 2017 ?

Corneille Nangaa : Ce report est dû entre autres aux activités préparatoires des élections, la plus importante d’entre elles étant l’inscription des Congolais sur les listes électorales. L’accord de la Saint-Sylvestre (accord conclu le 31/12/2016 sous l’égide des évêques catholiques entre les principaux acteurs politiques pour la tenue des élections, NDLR) recommande un processus électoral inclusif. Il n’est pas possible d’aller aux élections en laissant de côté une partie du territoire national, le Kasaï en l’occurrence. La situation sécuritaire dans cette région ne nous a pas permis d’y lancer l’opération d’enrôlement au même moment que dans les autres provinces. Cette situation a perturbé nos plans. L’inscription des électeurs dans le Kasaï risque d’avoir un impact sur les délais de tenue des scrutins, d’autant que, dans cette partie du territoire, nous allons identifier et enrôler les électeurs en observant le même principe d’équité que dans d’autres provinces du pays.

A quand le coup d’envoi de cette opération dans le Kasaï ?

D’après nos prévisions, avant la fin de ce mois de juillet, nous serons à pied d’œuvre en termes préparatoires dans le Kasaï, de sorte que, dans la deuxième quinzaine d’août au plus tard, nous ayons déjà commencé à délivrer les cartes d’électeur. Mais cette opération sera menée progressivement, là où la sécurité le permet. Cela pourrait avoir un effet de contagion qui nous permettrait de l’étendre à l’ensemble du Grand Kasaï.

J’ai une bonne nouvelle : la situation sécuritaire s’est améliorée là-bas. C’est nettement mieux qu’il y a un mois. Cette stabilisation nous permet de prévoir le lancement de l’enrôlement dans cette partie du territoire.

Où en êtes-vous de l’inscription des électeurs à l’échelle nationale ?

Le processus évolue bien. Sur les 42 millions d’électeurs attendus, nous en sommes aujourd’hui à plus de 33 millions d’inscrits. Nous allons probablement atteindre la barre des 40 millions au courant de ce mois. C’est une bonne nouvelle. C’est le seul argument objectif qui justifierait la non-tenue des élections dans les délais.

A quoi sont dues les lenteurs observées lors de cette opération ?

Il n’y a pas de lenteurs… Lenteurs ? Oui, mais l’objectif de l’enrôlement n’est pas que la délivrance des cartes d’électeur. Sa finalité est la constitution des listes électorales. C’est une opération qui obéit à une procédure établie conformément à la loi. En suivant cette procédure, tout doit être fait pour que nous ayons des listes fiables. Il ne nous reste que le Kasaï. Après cette phase, nous clôturerons l’opération.

L’OIF estime, toutefois, que les élections peuvent être organisées en 2017, sous certaines conditions…

J’ai lu le rapport de l’OIF ; elle n’affirme pas tout à fait ce que vous avancez. Ce qui est sûr, c’est que nous n’aurons pas d’élections tant que nous n’aurons pas fini l’enrôlement. Et après cette opération, nous demanderons au Parlement de passer la loi sur la répartition des sièges, qui nous permettra de convoquer l’électorat. Une fois l’électorat convoqué, nous aurons la liste définitive des candidatures après le règlement d’éventuels contentieux. Nous commanderons ensuite les bulletins de vote et tout le matériel nécessaire. Nous recruterons les agents qui travailleront dans les bureaux de vote. Le personnel doit être formé et le matériel déployé pour que nous alliions aux scrutins que nous attendons tous.

Des voix s’élèvent au sein de l’opposition pour demander votre démission, au motif que vous mettez tout en œuvre pour que le président Joseph Kabila, dont le mandat a expiré en décembre 2016, s’accorde un nouveau quinquennat sans élections…

Ma démission n’est pas à l’ordre du jour. Je fais mon travail. Je suis en fonction conformément à la loi sur l’organisation et le fonctionnement de la CENI. Il serait intéressant que les uns et les autres s’imprègnent de cette loi pour savoir dans quelles conditions untel peut démissionner ou prendre ses fonctions.

Il n’y a pas que l’opposition… De nombreux Congolais vous soupçonnent de faire le jeu du pouvoir… Vous semblez traîner délibérément les pieds alors que la tension est perceptible dans le pays…

Autant les gens me soupçonnent de faire le jeu du pouvoir et de retarder les choses, autant le pouvoir me soupçonne d’aller beaucoup plus vite (qu’il n’en faut). Je suis acculé de toutes parts. Cela signifie que je fais mon travail à l’allure que nous nous fixons nous-mêmes.

Que répondez-vous à Mgr Fridolin Ambongo, le vice-président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui estime que votre annonce aurait dû être consécutive à une concertation avec les organes compétents, au regard de l’accord du 31 décembre 2016 ?

Nous attendons ces instances. Nous ne pouvions que faire cette annonce. Que fait-on tant que le Conseil national de suivi de l’accord (CNSA) n’est pas encore installé ? Faut-il rester dans le flou et ne pas dire la vérité ? Je ne fais pas de politique. Je ne suis pas un politicien, mais un technicien chargé d’organiser les élections. Il m’appartient de dire la vérité aux Congolais, d’autant plus que, même lors de la conclusion de l’accord, les signataires savaient que l’option retenue d’organiser plusieurs scrutins le même jour était inconséquente, en termes de délais.

La Ceni joue son rôle. La mission qui lui est assignée par l’article 211 de la Constitution est de conduire tout processus électoral et référendaire. La Ceni doit publier le calendrier. C’est sa mission exclusive ; mais, comme l’exige l’accord – et Mgr Fridolin Ambongo le sait –, nous évaluerons la situation avec le gouvernement et le CNSA, que nous appelons de tous nos vœux, pour que nous publiions ce calendrier. Mais nous insistons sur un point : la publication du calendrier sera faite par la Ceni, pas par un autre organe.

Quelle est votre marge d’indépendance alors que vous êtes sûrement l’objet de pressions ?

Je suis indépendant. La Ceni a la particularité d’être une institution technique qui gère les passions politiques. Quoi de plus normal qu’il y ait des pressions. Peu importe ce que je déclare… L’opposition dira que ce n’est pas bon, le pouvoir aussi. De son côté, la communauté internationale ne manquera pas de donner son avis. Les évêques aussi. Malgré tout, ma position est celle-ci : nous gérons en toute responsabilité. Notre mission est d’amener le peuple congolais aux élections. Et en tant que président de la Commission électorale, je suis le garant de la bonne organisation de ces élections.
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