*’’Une année après la signature de l’Accord de la Cité de l’Union africaine, l’horizon politique congolais est complètement brumeux. De la culture de la paix, le Congo verse dans un pacifisme béat, une paix philosophique, imaginaire’’, conclut Pierre Anatole Matusila, en réalisant une vue panoramique de la situation du pays, à quelques deux doigts du délai butoir, tel que fixé au 31 décembre 2017, dans l’Accord de la Saint Sylvestre.

Bien plus, tirant les conséquences logiques du titillement actuel, il estime que : ‘’le pays semble avancer tout droit vers une situation de rupture de la paix civile. L’équilibre métastable de l’Accord ne va pas tenir au-delà de la limite convenue et les parties prenantes ne semblent pas décider à renégocier pour harmoniser les temporalités électorales et techniques. En vidant l’Accord de sa substance, la Majorité voudrait forcément appliquer un schéma dont elle est la seule à en connaître les contours, en se servant des moyens de la République pour assouvir ses desseins. Mais cela, sans compter sur ses propres contradictions et ses guerres intestines qui la fissurent graduellement, tout en entraînant ainsi une désolidarisation des destins’’.

A son avis, ‘’l’espace des libertés publiques va se restreindre davantage, la répression des partis politiques de l’opposition, des membres de la société civile ainsi que des mouvements citoyens va se poursuivre au risque de déplacer la zone des fractures quittant la logique électorale vers celle de querelle des espaces entre les services de l’ordre et la population. La conscience d’une disparité des moyens de la violence généralisée pourrait générer les intentions d’un réel équilibre des rapports de force dans la rue. Ce qui devrait créer, ipso facto, des conditions favorables à toute dynamique subversive et incontrôlable. Les institutions, déjà en mal de légitimité, ne seront pas en mesure de maintenir durablement leur contrôle sur la vie sociale, et l’Etat va manquer des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions régaliennes’’.

Pourtant, du côté de la CENI, Matusila n’y voit que l’ombre des élections indésirables. ‘’Alors que l’ensemble de la population espère retourner rapidement à l’ordre constitutionnel, la CENI, par contre, se complait de jouer les prolongations pour des motifs inavoués. Non seulement, elle ne parvient toujours pas à publier un calendrier électoral global et détaillé susceptible de préciser les horizons de l’alternance pacifique à tous les niveaux, son Président, Corneille Nangaa, fait des apparitions médiatiques tapageuses qui alimentent les tensions au sein de l’opinion congolaise et risquent de faire évanouir toute possibilité de sortie pacifique de cette crise. La CENI ne sera pas en mesure d’organiser les élections conformément à l’esprit et à la lettre de l’Accord de la Saint Sylvestre parce qu’elle n’en a pas la volonté, d’une part, et d’autre part, parce qu’elle s’inscrit dans un schéma stratégique de pourrissement de la crise déjà tracé’’.

Autrement dit, soutient-il, ‘’la crise politique ne s’est pas dissipée, elle s’est au contraire aggravée. Les seuls changements à signaler sont d’ordre institutionnel avec le remplacement du locataire à la Primature et la désignation du président du Conseil National de Suivi de l’Accord dans les conditions identiques de débauchage devenu l’arme absolue de la MP. Mais, ces changements n’ont pas eu d’inférences remarquables sur la situation générale du pays. Le constat établi par les Evêques à l’issue de la 54ème Assemblée Plénière Ordinaire de la CENCO dont le rapport a été rendu public, le 23 juin 2017 se confirme :‘’Le pays va mal !’’.

Pierre Anatole Matusila, puisant, certes, des leçons préventives dans sa conscience de Docteur et d’élu du Peuple, considère qu’il serait, dès maintenant, ‘’impérieux de quitter le prisme des incontournables, des indispensables en l’absence des résultats concrets et satisfaisants’’.

Pour ce faire, insiste-t-il, ‘’toutes les options doivent être envisagées pour sortir rapidement de cette crise, sauf si la pyromanie enchante les esprits des caciques de part et d’autre. Tout le monde est remplaçable aussi bien dans l’Opposition que dans la Majorité pour permettre au pays de retrouver le chemin d’un avenir de paix et de stabilité politique’’. Dans la réflexion, ci-dessous, il y dresse l’état des lieux, évoque tous les aspects de la crise et propose des voies de sortie. Tout est à prendre au sérieux.

LPM





18 octobre 2016-18 octobre 2017

Quel avenir congolais de paix et de démocratie ?

18 octobre 2016-18 octobre 2017, une année s’est écoulée depuis que s’est clôturé le dialogue entre congolais à la Cité de l’Union Africaine sous la médiation internationale conduite par Monsieur Edem Kodjo mandaté par l’Union Africaine. Un accord politique a été signé pour l’organisation d’élections apaisées, crédibles et transparentes. Ce dispositif de 25 articles a été pensé comme une réponse anticipative et crédible face aux incertitudes et turbulences prévisibles liées au non-respect de l’agenda constitutionnel qui prévoyait l’organisation de nouvelles élections avant le 19 décembre 2016.

Les défaillances dans la gouvernance de l’Etat et la mauvaise gestion du processus démocratique ont ramené le pays à la case départ, alors qu’il y a quinze ans à Sun city (2002), les belligérants d’autrefois ainsi que les forces vives de la République avaient convenu d’un avenir de paix et de stabilité politique fondé sur la conquête et l’exercice démocratique du pouvoir en vue de multiplier les chances d’un redécollage de la nation. L’opposition politique et la société civile ont dû accepter, et pour des raisons évidentes, de négocier une nouvelle fois avec la majorité au pouvoir -responsable de cette faillite générale- pour tenter de rester dans l’esprit de la convention républicaine de Sun city.

Une année après, on peut se demander si le dialogue de la Cité de l’UA a-t-il tenu ses promesses en tant que réponse anticipative et préventive à la crise et à l’embrasement annoncé ? Quel état des lieux faire de la gestion de la crise politique post-19 décembre 2016 ? Un retour en douceur à l’ordre constitutionnel est-il envisageable à ce stade ? Quel bilan faire finalement du processus électoral ; véritable enjeu de la crise politique en cours ?

C’est à cet exercice que ce livre le présent papier dans le cadre de la recherche d’un avenir congolais de paix et de stabilité politique, condition sine qua non à l’émergence du pays dans un meilleur délai.

L’accord transposé de la Cité de l’UA au Centre interdiocésain
L’accord de la cité de l’Union africaine a eu le mérite de poser les bases de l’architecture politique post-19 décembre 2016. Une cohabitation politique au niveau de l’exécutif pour éviter l’embrasement et relancer le processus électoral en vue d’un rapide retour à l’ordre constitutionnel. C’est ce même schéma qui fut transposé au Centre interdiocésain malgré la reconfiguration des forces en présence.

Dans notre tribune du mois de janvier 2017, nous avons démontré que l’accord de la Cité de l’UA continuait son parcours historique en dépit de la transposition opérée au Centre interdiocésain. Nous rappelions à l’époque qu’au-delà de l’effet d’optique et des émotions, l’accord du Centre interdiocésain signé le 31 décembre 2016 n’était en réalité qu’une copie figurée, un « me-too » de celui du 18 octobre 2016. Et que tout le travail des négociateurs du Centre interdiocésain n’aura fondamentalement conduit qu’à une lecture au second degré de l’accord politique de la cité de l’Union Africaine du 18 octobre 2016. C’est ce qui nous a conduit finalement à qualifier le résultat de bonnet blanc, blanc bonnet.

Contrairement à l’opinion la plus répandue, l’accord du 18 octobre 2016 n’a donc pas disparu, il a continué son travail dans l’histoire politique d’après le 19 décembre 2016 en changeant simplement de label.

Cependant au-delà de cet aspect strictement formel, il y a lieu de déplorer la persistance de la crise qui s’explique non pas tant par les imperfections de l’Accord de la Saint-Sylvestre, mais plutôt par une absence de volonté politique de respecter cette convention imaginée et conçue dans la douleur. L’accord n’est pas fidèlement mis en application parce que, par des calculs politiciens, la MP tente désespérément de reprendre le contrôle unilatéral du processus en imposant des schémas alternatifs et en instrumentalisant au passage une opposition rongée par un désir inassouvi de positionnement. Cette attitude de la Majorité n’est pas de nature à apaiser les choses et à créer des conditions d’un retour rapide et pacifique à l’ordre constitutionnel. En se laissant trop aller dans des manœuvres politiciennes, la MP condamne la République à un enlisement général qui pourrait s’avérer fatal dans la suite.

Mais, il faudrait toutefois reconnaitre la portée intelligente et utilitaire de l’Accord dans la mesure où il permet, du moins jusque là, de maintenir le contrôle institutionnel de la vie sociale en cette période d’exception non prévue dans la Constitution. Les appels et exhortations tant au niveau national qu’international de faire appliquer l’Accord dans son intégralité, contribuent à valider la pertinence de ce dispositif. Mais combien de temps va encore tenir cet équilibre métastable ?

état des lieux de la crise politique
La crise politique ne s’est pas dissipée, elle s’est au contraire aggravée. Les seuls changements à signaler sont d’ordre institutionnel avec le remplacement du locataire à la Primature et la désignation du président du Conseil National de Suivi de l’Accord dans les conditions identiques de débauchage devenu l’arme absolue de la MP. Mais ces changements n’ont pas eu des inférences remarquables sur la situation générale du pays. Le constat établi par les évêques à l’issu de la 54ème Assemblée Plénière Ordinaire de la CENCO dont le rapport a été rendu public le 23 juin 2017 se confirme. Le pays va mal !

N’en déplaise aux partisans du « nihilisme » ou de la négation des évidences pour se donner une conscience tranquille, la situation générale du pays s’est empirée. Les conditions sociales, économiques, financières, sécuritaires, etc. se sont davantage dégradées. Les grèves et les menaces des grèves sont récurrentes voire intempestives, les finances publiques sont dans un état piteux obligeant la république à renégocier des programmes avec les agences financières internationales. Les foyers de crise principalement dans la partie Est du pays se sont rallumés, la crise dans le grand Kasaï s’est tassée sans s’effacer, la diplomatie se réduit à un esthétisme en quête de réassurance des partenariats aussi bien bilatéraux que multilatéraux. Une diplomatie d’explication plutôt que d’assumation de l’indépendance et de la souveraineté nationales entrecoupée d’un refrain monotone de non-ingérence, etc. Le Congo est malade et le monde entier tente cahin-caha de lui venir en aide !

La solution à cette crise ne pourra provenir que de l’intérieur avec évidemment un accompagnement de la Communauté internationale. Une attitude proactive s’impose aussi bien dans la classe politique que dans l’opinion publique en levant la sérieuse option d’un retour à l’ordre constitutionnel qui passe par une conformation sans état d’âmes au schéma UA-CENCO. Autrement, le retour à l’ordre naturel de la violence généralisée pourrait s’imposer, car la crise a de particulier le fait d’alimenter les exaspérations sociales qui font le lit de la subversion qui pourrait prendre, soit la forme d’un soulèvement populaire, soit d’un soutien à une nouvelle structure non politique déguisée en libérateur.

III. Du retour à l’ordre constitutionnel

Le retour à l’ordre constitutionnel du 18 février 2006, fruit du dialogue intercongolais de Sun city, constitue l’enjeu majeur de cette grave crise politique dans notre pays. Le non-respect de cette constitution demeure à ce jour l’unique facteur explicatif de la crise politique en cours. Il est bien clair que les élections n’ont pas été parfaites aussi bien en 2006 qu’en 2011, mais cela ne pouvait pas servir de prétexte pour bloquer le cycle du pouvoir et brouiller les perspectives d’ensemble. La démocratie congolaise ne pouvait pas pousser plus vite que le champignon après la pluie ; elle est comme tout processus social, soumis à la loi de l’évolution par essais et erreurs, car l’expérience nait de la force de l’habitude.

Le besoin de maintenir l’ordre constitutionnel, en dépit de la conjoncture, est l’esprit qui a animé les négociateurs de la cité de l’Union africaine que du Centre interdiocésain. Les deux dialogues n’étaient pas une espèce de requiem constitutionnel, mais une sagesse politique destinée à bloquer les velléités de la Majorité responsable de ses propres turpitudes ou d’un excès d’imagination. Le retour à l’ordre constitutionnel est conditionné par l’accélération des opérations préélectorales et l’organisation des scrutins démocratiques et crédibles dans un plus bref délai.

La brièveté de la période de cohabitation dans les deux cas traduit la volonté d’éviter la « désuétude par l’usure » de la Constitution. L’écart temporel entre le schéma de la cité de l’UA et celui du Centre interdiocésain n’est que de 4 mois, soit 120 jours à condition que la technicité électorale se plie aux impératifs politiques.

La CENI : l’ombre des élections indésirables
Alors que l’ensemble de la population espère retourner rapidement à l’ordre constitutionnel, La CENI, par contre, se complait de jouer les prolongations pour des motifs inavoués. Non seulement, elle ne parvient toujours pas à publier un calendrier électoral global et détaillé susceptible de préciser les horizons de l’alternance pacifique à tous les niveaux, son président fait des apparitions médiatiques tapageuses qui alimentent les tensions au sein de l’opinion congolaise et risquent de faire évanouir toute possibilité de sortie pacifique de cette crise.

La CENI ne sera pas en mesure d’organiser les élections conformément à l’esprit et à la lettre de l’Accord de la Saint-Sylvestre parce qu’elle n’en a pas la volonté d’une part, et d’autre part, parce qu’elle s’inscrit dans un schéma stratégique de pourrissement de la crise déjà tracé.

Deux explications peuvent être avancées dans la recherche des intentions dissimulées dans la communication de son Président qui obéit à la stratégie globale de la fatigue électorale.

La première explication est celle de la fatigue électorale par l’escalade de la violence. L’annonce de la CENI aurait pour ambition première de provoquer une flambée de violence, une violence généralisée qui devrait effacer complètement la perspective de l’organisation des élections en RDC. Les spécialistes en règlement des conflits nous renseignent que le passage de l’état de crise à celui de violence totale est toujours provoqué par des facteurs infinitésimaux. Les irritations générées par la crise multiforme que connait la RDC n’a besoin que des facteurs généralement négligeables comme cette annonce de la CENI pour virer en un nouveau drame du Congo. Il ne faut pas perdre de vue que les tergiversations de la CENI ont été la cause des tragédies du 19 et 20 septembre 2016.

Or, dans un état d’exception, la probabilité d’organiser le suffrage est nulle. Les partisans de cette logique doivent par ailleurs comprendre que la seule certitude qu’on a de la violence généralisée, c’est l’incertitude de son issue.

L’on perçoit dans le chef des animateurs de cette institution d’appui à la démocratie une volonté de faire durer les choses, d’imposer le tempo technique aux impératifs politiques. Ce qui constitue une véritable hérésie. Car, le temps voulu par la CENI, soit 504 jours comptables à partir de la clôture du processus d’enrôlement des électeurs suppose en effet un doublement de la durée de la cohabitation politique avec les conséquences que cela pourrait entraîner. En d’autres termes, la CENI est décidée d’imposer le rythme politique à l’ensemble de la nation, sachant pertinemment en avoir ni la qualité et moins encore les moyens. La Centrale électorale et ses différents partenaires ont démontré, durant les travaux du Centre interdiocésain qu’il était techniquement possible de tenir ces élections avant la fin de cette année. Rien ne justifie aujourd’hui ce revirement, sinon la volonté de servir un agenda occulte. Le changement des animateurs de cette institution d’appui à la démocratie est une option envisageable.

Conclusion
En guise de conclusion et de perspectives, nous pensons que l’horizon politique congolais, une année après la signature de l’accord de la Cité de l’Union africaine, est complètement brumeux. De la culture de la paix, le Congo verse dans un pacifisme béat, une paix philosophique, imaginaire.

Le pays semble avancer droit vers une situation de rupture de la paix civile. L’équilibre métastable de l’accord ne va pas tenir au-delà de la limite convenue et les parties-prenantes ne semblent pas décider à renégocier pour harmoniser les temporalités électorales et techniques. En vidant l’Accord de sa substance, la Majorité voudrait forcément appliquer un schéma dont elle est la seule à en connaître les contours, en se servant des moyens de la République pour assouvir ses desseins. Mais cela sans compter sur ses propres contradictions et ses guerres intestines qui la fissurent graduellement, entraînant une désolidarisation des destins.

L’espace des libertés publiques va se restreindre d’avantage, la répression des partis politiques de l’opposition, des membres de la société civile ainsi que des mouvements citoyens va se poursuivre au risque de déplacer la zone des fractures quittant la logique électorale vers celle de querelle des espaces entre les services de l’ordre et la population. La conscience d’une disparité des moyens de la violence généralisée pourrait générer les intentions d’un réel équilibre des rapports de force dans la rue. Ce qui devrait créer des conditions favorables à toute dynamique subversive et incontrôlable. Les institutions déjà en mal de légitimité ne seront pas en mesure de maintenir durablement leur contrôle sur la vie sociale, et l’Etat va manquer des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions régaliennes.

Il serait impérieux de quitter le prisme des incontournables, des indispensables en l’absence des résultats concrets et satisfaisants. Toutes les options doivent être envisagées pour sortir rapidement de cette crise, sauf si la pyromanie enchante les esprits des caciques de part et d’autre. Tout le monde est remplaçable aussi bien dans l’Opposition que dans la Majorité pour permettre au pays de retrouver le chemin d’un avenir de paix et de stabilité politique.
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