Tenu par le devoir de réserve lorsqu’il était à la tête du gouvernement (d’octobre 2008 à mars 2012), Muzito n’hésite plus à dire, via les médias, ce qu’il pense à ses concitoyens, critiquant parfois vertement la classe politique congolaise. « C’est ma modeste contribution pour faire bouger les lignes », aime répéter l’élu de Kikwit. Dans une interview au « Journal du Citoyen », hebdomadaire indépendant d’éducation civique, dans son édition du 26 janvier, le Premier ministre honoraire et éminent cadre du Parti Lumumbiste Unifié (PALU) fait le tour de l’actualité politique du pays. Muzito confie que la formation chère au Patriarche Gizenga se prépare pour former un regroupement autour d’un programme dans le cadre d’une coalition pour aller aux élections. Il affirme à l’occasion que le PALU présentera un candidat à l’élection présidentielle de 2018, l’alliance entre le PALU et le PPRD étant tombée caduque depuis la fin du mandat du Raïs en décembre 2016. Une transition sans Kabila ? « On ne peut pas réclamer l’application de l’Accord de la Saint-Sylvestre, qui maintient Kabila au pouvoir, et parler d’une transition sans Kabila », analyse Muzito. Parlant du calendrier électoral publié le 5 novembre dernier par la CENI, l’ancien Premier ministre le juge « hypothétique ». « Si un calendrier électoral est truffé de contraintes, cela signifie que pour l’appliquer, il faut élaguer tous les écueils listés », dit-il. Interview. Dans une déclaration politique rendue publique à la mi-janvier, le patriarche Antoine Gizenga a présenté un tableau noir de la situation sociopolitique en RDC. Cadre du Palu, avez-vous un commentaire à ajouter ? Il n’y a pas de commentaires particuliers à faire sur ce que le patriarche Antoine Gizenga a dit. Il a eu le courage, comme d’habitude, de faire remarquer que notre pays est dans une impasse politique, dans la mesure où il est dirigé par des institutions qui n’ont plus le mandat du peuple. Les mandats du Président Kabila et du Gouvernement avaient pris fin depuis décembre 2016, tout comme ceux des parlementaires. Il revient donc aux acteurs politiques et à ceux de la Société civile de se concerter afin d’organiser une transition, en mettant en place un Gouvernement comprenant les opposants, l’ancienne Majorité - dont le mandat s’est terminé en décembre 2016 - et les anciens opposants à cette ancienne Majorité. Certes, on a mis en place le Comité National de Suivi de l’Accord (CNSA) et un Gouvernement, mais il se trouve que la crise politique perdure dans notre pays. L’Accord, dont sont issues ces institutions, a prévu la tenue des élections en décembre 2017. Ce qui n’a pas été fait. Conséquence : on est toujours embourbé dans une impasse politique. Bien plus, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a publié un calendrier convoquant la présidentielle le 23 décembre 2018. Pour nous au PALU, ce calendrier est encore un projet. Si un calendrier électoral est truffé des contraintes, cela signifie que pour l’appliquer, il faut élaguer tous les écueils listés. Aussi, ces contraintes sont une preuve que la CENI n’a pas collaboré avec le Gouvernement pour lever les contraintes financières en ce qui concerne, par exemple, le décaissement de fonds. Pour nous, ce calendrier est hypothétique. Quelle solution le PALU propose-t-il pour sortir de cette impasse politique ? Il faudra que les acteurs politiques et les opérateurs de la Société civile se mettent autour d’une table pour examiner l’Accord de la Saint-Sylvestre, qui comprend des acquis. Ainsi, en préservant ces acquis, qu’on puisse aussi améliorer ceux qui doivent l’être. Qu’on puisse aussi discuter du calendrier de la CENI pour l’harmoniser, en invitant le Gouvernement à donner des gages en ce qui concerne le décaissement de fonds dans le délai préconisé par la Centrale électorale. Si tel n’est pas le cas, il faudra que la classe politique s’assume. Vous avez suggéré la mise en place d’une période de transition. L’Opposition, réunie au sein de la plate-forme nommée Rassemblement, exige une transition sans Kabila. Quel est votre point de vue par rapport à cette approche ? Une « transition sans Kabila » ne peut se faire que si l’on fait partir Kabila par la force ou qu’on obtienne de lui sa démission volontaire. Dans l’hypothèse où il démissionnait, on peut organiser une transition suivant la procédure prévue par la Constitution, avec l’intérim du Président du Sénat. Selon la loi fondamentale, ce dernier a 60 jours pour organiser les élections. Au-delà de ce délai, comme le prévoit la Constitution, une période de transition sera instaurée. Mais, si on le fait partir de force, il faut, dans ce cas-là, élaborer un Acte de transition. Or, qui dit Acte constitutionnel de transition fait allusion à la mise en veilleuse de l’actuelle Constitution. Pour moi, « une transition sans Kabila égale Kabila après transition ». Par ailleurs, aller aux élections avec Kabila, dans le cadre de la Constitution actuelle, appelle le maintien de l’actuelle Loi fondamentale qui empêche Joseph Kabila de briguer un 3ème mandat. Il faut donc faire le choix, parce qu’on ne peut pas réclamer l’application de l’Accord de la Saint-Sylvestre, qui maintient Kabila au pouvoir, et parler d’une transition sans Kabila. En clair, ceux qui soutiennent l’idée d’une « transition sans Kabila » veulent une période de transition qui sera régie par un Acte de transition, après lequel une nouvelle Constitution sera adoptée et celle-ci fera rebondir Joseph Kabila. En 2006, le patriarche Antoine Gizenga et Joseph Kabila signaient une alliance politique qui attribuait la Primature au PALU. Douze ans après, où en est-on avec cet Accord politique ? L’Accord signé en 2006 s’était terminé à la fin du premier mandat du Président Kabila, avant de signer un autre qui, lui aussi, a déjà expiré. Actuellement, les deux camps ne sont plus régis par un quelconque Accord. En politique, un Accord signifie que deux forces politiques se mettent ensemble pour demander un mandat au peuple. Quand celui-ci donne ce mandat, cela signifie qu’il soutient cette alliance. Le peuple a soutenu cet accord, le temps d’un mandat de cinq ans. Après ce mandat, ledit accord était tombé, parce qu’il ne bénéficiait plus de la légitimité de notre base. En plus, les deux partenaires n’ont plus un programme commun qui sous-tend cet accord. Or, actuellement, nous sommes dans une transition qui fait appel à toutes les forces politiques. Qu’il s’agisse des anciens de la Majorité ou des anciens de l’Opposition. Aujourd’hui, il n’y a plus de clivage Opposition – Majorité. Il y a toutefois des forces politiques et sociales réelles sur terrain, appelées à gérer consensuellement la période de transition, selon un programme commun ou sur une base politique, mise en place par les forces politiques en présence. En attendant, quelles sont les perspectives électorales de votre parti, le PALU ? Notre parti, comme tous les autres partis historiques, se prépare pour former un regroupement autour d’un programme dans le cadre d’une coalition pour aller aux élections. Si nous n’avons pas la majorité – probablement aucun regroupement politique n’aura la majorité pour gérer seul – nous serons obligés de former une coalition. En attendant, le patriarche Antoine Gizenga a affirmé, dans son dernier message, que le PALU présentera des candidats à tous les niveaux. En clair, notre parti présentera un candidat à l’élection présidentielle. Dans votre 8ème tribune, vous préconisiez le regroupement des partis politiques pour renforcer la pratique démocratique en RDC. Comment voyez-vous le futur paysage politique congolais, après la promulgation de la nouvelle Loi électorale qui instaure le seuil de représentativité ? Avec le seuil de représentativité, la RDC pourrait compter 10 grands partis ou regroupements politiques, au lieu de 800 comme aujourd’hui. Mais avec la fixation des cautions, il y a une hypothèque. C’est la problématique du financement des élections, en augmentant la caution, qui sera difficile à payer par plusieurs partis. Peut-être que ceux qui sont au pouvoir peuvent se frotter les mains, parce qu’ils auront sûrement les moyens de payer la coûteuse caution et de financer leurs campagnes électorales. Mais, le jour où ils perdront le pouvoir, ce sera la mort subite. On a vécu cela avec le MPR/Parti-Etat à qui appartenait le sol et sous-sol, parce qu’il incarnait l’Etat. Avec la chute du maréchal Mobutu, le parti qui n’avait rien en privé, a presque disparu, parce que tout appartenait à l’Etat. C’est pour dire que ceux qui dirigent aujourd’hui ne doivent pas laisser les autres formations politiques dans la précarité, alors qu’il existe une loi qui fixe les modalités du financement des partis politiques, mais qui n’a jamais été appliquée. Au PALU, nous promettons de défendre cette loi au dialogue, si dialogue il y aura. Mais, pour moi, il y aura dialogue. Car, celui qui veut faire partir Kabila doit penser à un dialogue pour organiser la transition. Sinon, il doit s’en tenir à l’Accord de la Saint-Sylvestre avec comme conséquence, que l’actuel chef de l’Etat reste en fonction. Pour revenir à la problématique de la caution, selon des calculs, un parti qui veut présenter des candidats à tous les niveaux doit payer une caution de 5 millions de dollars américains. A ce montant, il faut ajouter des frais connexes qui peuvent aller à 15 millions de dollars américains. Pour couvrir tous les frais, un parti peut dépenser 20 millions de dollars pour participer aux élections en RDC. Présentement, je ne connais pas un parti qui sera prêt à débourser un tel montant pour concourir aux élections, à part ceux qui utiliseront les moyens de l’Etat. Encore que, sur les chiffres que je viens d’avancer, je n’ai pas inclus les frais de la campagne électorale. Propos recueillis par Rombaut KASONGO
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