Le ministre de la Justice, Alexis Thambwe, a convoqué à la hâte les personnalités congolaises visées par les sanctions européennes. Sa guéguerre interne pose problème à l’extérieur. Okitundu, lui, prend les coups.


La République démocratique du Congo doit être l’un des seuls pays au monde où le ministre de la Justice est lui-même poursuivi pour crime contre l’humanité et diverses fraudes. Le dossier instruit à Bruxelles par le juge Claise serait d’ailleurs bouclé et comporterait une vingtaine de chefs d’accusation, selon de bonnes sources.

Qu’importe, visiblement, pour le ministre congolais de la Justice qui a poursuivi son oeuvre cette semaine encore en annonçant notamment la libération de prisonniers proches du criminel Gédéon, tout en expliquant, le plus sérieusement du monde, que des « prisonniers emblématiques », selon les termes de l’Accord de la Saint-Sylvestre (Diomi et Muyambo, notamment), resteraient en prison. C’est le même ministre de la Justice qui s’est immiscé dans un dossier de son collègue des Affaires étrangères, y créant le chaos et mettant à mal la défense déjà compliquée de quinze de ses compatriotes visés par des sanctions de l’Union européenne.

Face à cette situation, dans les couloirs des grands hôtels kinois où nombre d’élus passent de très longues heures, la guéguerre entre Thambwe et Okitundu est au moins aussi commentée que la marche des catholiques attendue pour ce dimanche 25 février.

« Une fois encore, les Congolais seront humiliés à cause de l’outrecuidance de certains de leurs dirigeants », ose un élu de l’opposition.

Et pendant ce temps, Alexis Thambwe persiste. « Il est tellement imbu de lui-même, qu’il n’acceptera jamais de reconnaître son erreur. Il préfèrerait couler le pays que de faire marche arrière », expliquait récemment un de ses ex-collègues sous l’ère Matata.


Après nos révélations sur les tensions entre les deux ministres, les personnalités concernées ont été convoquées pour s’aligner derrière lui. Thambwe n’en démord pas, il veut que Leonard She Okintundu renonce à ce dossier.

Thambwe ne veut rien entendre

Pourtant force est de constater qu’Alexis Thambwe n’est pas exemplaire. Dans le dossier de ces quinze Congolais « sanctionnés » par l’UE, il a d’abord négligé toutes les échéances de recours. Curieux de la part d’un ministre qui se targue d’être un éminent juriste.

L’élu de l’opposition qui s’indigne du pourrissement de ce dossier est lui-même juriste, et il observe : « Thambwe se tire une balle dans le pied en se prétendant compétent, car il n’a rien fait à temps. Lorsqu’il se réveille en cette affaire, les délais sont dépassés, et il est trop tard pour les 15 personnalités congolaises mises en cause par l’Union européenne. Apparemment, nos dirigeants trouvent tout ça normal. Avoir tout négligé ne les interpelle même pas ».

« Kabila ridiculisé »

« Voyons ce que décidera Leonard She Okintundu », déclare l’opposant. « S’il se dégonfle devant Thambwe, il aura définitivement sombré dans le ridicule après l’épisode de la sex tape. Mais le plus ridicule sera alors Kabila : c’est lui qui se sera montré incapable de constance dans la défense des intérêts des personnalités visées par les sanctions européennes. Et nous devrions le croire capable d’organiser des élections ? ».

« Maintenant le différend entre les ministres est connu de tout le monde, donc la Cour de Luxembourg l’a aussi appris », souligne l’opposant-juriste. « Kabila ne s’oppose pas à ce qu’un individu poursuivi pour crime contre l’humanité, Alexis Thambwe, puisse prétendre incarner la bonne foi du régime devant la Cour de Luxembourg en encadrant la défense des 15 personnalités congolaises en question. Le régime marche sur la tête. Il est aux abois. »

Okitundu dans les cordes

Dans ce dossier, Okitundu semble être devenu muet et invisible. Craint-il les foudres de son aîne Thambwe ? Il sait qu’il joue gros. Un remaniement ministériel est en cours, il est peut-être préférable de ne pas faire de vagues. Mais, dans le même temps, s’il cède face à Thambwe, alors qu’il est dans son bon droit, il sait qu’il aura perdu une dose supplémentaire du peu de crédit qu’il reste aujourd’hui à tout ministre de la RDC.

Il y a deux semaines, l’ambassadrice américaine aux Nations-Unies Nikki Haley l’avait déjà vertement rabroué en fustigeant l’inconstance de la thèse officielle du régime. S’il cédait à un homme poursuivi pour crime contre l’humanité, la gestion du dossier luxembourgeois, c’est carrément Kabila lui-même qui en sortirait ridicule.

afrique.lalibre.be
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