Dimanche le 29 mars à 13h (heure de Kinshasa), la rédaction de POLITICO.CD apprend la disparition de Patrick Kazadi, un congolais de 42 ans, employé de l’Ambassade des Etats-Unis à Kinshasa, qui revenait alors d’un séjour de formation en France. Tentant de confirmer l’information, POLITICO.CD contacte une source officielle à l’Ambassade vers 14h25. Celle-ci, qui ignorait les faits, demande alors « du temps pour s’informer ». A 16h32, sans revenir vers POLITICO.CD, le contact de l’Ambassade, qui est également gestionnaire du compte twitter (@USEmbKinshasa), publie alors un tweet qui annonce l’information.

« Un deuxième employé de l’@USEmbKinshasa, un Congolais de 42 ans, a été testé positif au COVID19 après avoir assisté à une formation en France. Malheureusement, il est mort aujourd’hui. Nous présentons nos condoléances à ses proches », fait savoir l’Ambassade dans ce tweet.


L’ambassade américaine a-t-il caché un cas de Coronavirus ?



La mission diplomatique américaine à Kinshasa avait en effet annoncé l’infection d’un autre de ses agents congolais au Coronavirus le 22 mars. “L’un des employés de l’@USEmbKinshasa a récemment été testé positif au COVID19. Nous prenons toutes les précautions possibles pour protéger notre personnel et ceux qui traitent avec notre ambassade. Nous encourageons tout le monde à suivre les directives du Ministère de la santé visant à limiter la propagation du COVID19“, affirmait l’Ambassade des Etats-Unis toujours via le même compte twitter. Cependant, de manière étrange, l’Ambassade n’a jamais annoncé l’infection de Patrick Kazadi, qui date pourtant de plusieurs jours.

Par ailleurs, l’annonce de son décès, couplée à celle de sa contamination, intervient seulement plus de deux heures après que POLITICO.CD ait contacté l’Ambassade pour obtenir une réaction à ce sujet. La source officielle en charge de la gestion du compte Twitter de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique n’a pas souhaité réagir. Un journaliste de POLITICO.CD a publiquement interrogé l’Ambassadeur Mike Hammer sur Twitter à ce sujet.

« C’est un jour très triste pour nous à l’ambassade. Nous sommes attachés à la transparence et nous respectons aussi la vie privée de nos employés et de leurs familles. Bien que nous sachions que Patrick était malade, je n’ai pas été informé du fait qu’il avait été testé positif au coronavirus que ce matin. Le coronavirus est dangereux et peut frapper n’importe qui. Nous devons tous prendre des mesures appropriée », a révélé l’Ambassadeur des USA à Kinshasa, répondant aux questions de Litsani Choukran, directeur général de POLITICO.CD, qui assume les fonctions intérimaires de Rédacteur en chef depuis le début du mois.





Toutefois, un frère du défunt fait des révélations qui contrastent avec les informations de l’Ambassade américaine. Joint au téléphone, celui-ci, qui n’a pas voulu que son identité soit dévoilée, explique toute la succession des événements depuis le retour de son frère Kazadi à Kinshasa, jusqu’à son décès.

Chronique d’une mort troublante
Le mercredi 18 mars 2020, Patrick Kazadi est rentré à Kinshasa après une formation notamment en France. À son retour, l’Ambassade lui « conseille », comme à plusieurs autres personnes, de se placer en quarantaine et de ne pas se présenter auprès de sa famille. « Il ne présentait pas de symptômes, il était bien portant », a expliqué ce proche de la famille à POLITICO.CD. 48 heures après, c’est-à-dire le vendredi 20 mars, Kazadi commence à présenter des symptômes.





Son épouse appelle des membres de famille, mais également l’Ambassade américaine pour expliquer que « son mari avait de la fièvre et des difficultés respiratoires ». Par la suite, son épouse et un membre de la famille l’amènent à Ngaliema Médical center, dans l’ouest de Kinshasa. Rapidement, l’Hôpital le soupçonne du Coronavirus. « Le personnel médical a pensé qu’il a attrapé une pneumonie mais vu les symptômes, ils ont recommandé le port de masque et ont fait un prélèvement envoyé à l’institut national de recherche biomédicale (INRB), en charges des dépistages. »

Le lundi 23 mars, l’INRB annonce que le test est négatif et que Kazadi avait la malaria. Le mardi 24 mars dans la soirée, face à l’aggravation des symptômes, Kazadi est amené de nouveau à l’hôpital, cette fois au Cinquantenaire, qui refuse de recevoir le malade du fait que l’hôpital ne reçoit que des cas recommandés par l’INRB. Le mercredi 25 mars, la famille entre en contact direct avec l’Ambassade des Etats-Unis, qui envoie aussitôt « son médecin ». Ce dernier fait un prélèvement et l’envoie à l’INRB « L’Ambassade nous a envoyé une ambulance qui est venue jusqu’au domicile de Patrick [Kazadi] dans le quartier +Champ de tir+ pour le récupère et le placer en quarantaine aux Cliniques Universitaires. Le médecin de l’Ambassade était là. L’ambulance a même créé une panique dans le quartier », explique ce membre de la famille.

Le vendredi 26 mars vers 02h00 de la nuit, la femme de Patrick Kazadi confirme que son mari est testé positif au Coronavirus. La révélation est faite par le médecin de l’Ambassade américaine. “Le matin, l’épouse de Patrick m’envoie le numéro du médecin de l’ambassade et me dit d’aller récupérer les médicaments pour la cure. Patrick a reçu la chloroquine et un autre médicament dont je me rappelle plus nom, de la part de l’Ambassade des Etats-Unis” raconte la source.

Entre négligence et fatalité





La cure a débuté le jeudi à 12h00 avec la chloroquine et d’autres médicaments. « Son état s’est amélioré un peu mais il y avait juste un problème de saturation au niveau des alvéoles dû au manque d’oxygène. Le médecin de l’ambassade lui a trouvé un masque à haute pression. Mais les conditions aux Cliniques Universitaires n’étaient pas satisfaisantes. Nous avons envisagé de le transférer vendredi à Monkole [dans la commune de Mont-Ngafula]”

Aux Cliniques de l’Université de Kinshasa, plusieurs membres de la famille attestent que l’épouse de Patrick Kazadi était obligée de payer de sa main les infirmiers pour qu’ils puissent s’occuper de son mari. Le vendredi 27 mars, le transfert vers Monkole n’a pas eu lieu. “Patrick a manqué d’oxygène pendant près de 30 minutes par ce qu’il n’y avait plus de bonbonne. Il a commencé à suffoquer et sa femme m’a appelé », ajoute notre source.

Le samedi 28 mars, Kazadi semblait aller mieux, l’hôpital a finalement trouvé de l’oxygène. « Soudain, dans la nuit du samedi à dimanche, son épouse m’appelle et me dit que Patrick était en réanimation. La cause était due au manque de bonbonne oxygène. Il a passé près d’une heure de temps sans bonbonne et il a suffoqué », explique ce frère du défunt.






« Le bonbonne d’oxygène est arrivé en retard et la saturation (l’oxygène au niveau du sang) avait vraiment baissée. Ce dimanche 29 mars le matin, sa femme me demande de chercher une ambulance pour un transfert vers Monkole. J’ai appelé le numéro d’urgence de la riposte, le 101. Je leur ai expliqué le cas et ils m’ont juste demandé son âge. Ils m’ont répondu qu’il y a une ambulance à l’hôpital et que le déplacement ne devait pas poser des problèmes. Ils m’ont promis de m’envoyer une personne de l’équipe de l’infection pour faire ce qui se doit. Vers 12h00, la femme de Patrick Kazadi m’appelle pour me confirmer son décès », ajoute-t-il.

Patrick Kazadi a été inhumé en toute intimité le même dimanche soir. Son épouse est placée en quarantaine depuis. Elle a été testée négative une fois. Mais les services médicaux annoncent qu’elle restera en observation pendant 14 jours. Il sied de rappeler que Patrick Kazadi a vécu à Mbuji-Mayi où il fut choriste à la chorale Fraternite JP II à Sainte Marie et a étudié et terminé ses humanités au collège Saint Pierre dans la même ville. Il laisse une veuve et 2 orphelins.

L’Ambassade des Etats-Unis s’est refusée de tout commentaire sur les événements racontés par nos sources. Elle n’a pas non plus expliqué comment pouvait-elle envoyé un médecin et une ambulance, en plus de médicaments, sans que l’Ambassadeur, Mike Hammer, soit au courant de la contamination de Patrick Kazadi, dont le diagnostic a été posé grâce un prélèvement effectué par le médecin de l’Ambassade.

Du côté de l’équipe des officiels congolais, le Docteur Muyembe est resté injoignable. POLITICO.CD n’a donc eu d’explication sur la qualité des soins fournies à Kazadi. Le ministre congolais de la Santé, Eteni Londondo affirme avoir « seulement pris connaissance du décès. Mais ignore cependant ce qui s’est réellement passé. C’est les équipes de la riposte qui se chargent de la prise en charge et non le ministère », dit-il au téléphone, joint par POLITICO.CD.
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