Le régime de "Joseph Kabila" est-il à la dérive? Depuis un certain temps, le "raïs" a instauré au Congo-Kinshasa le règne de la terreur.
Exécutions extrajudiciaires, arrestations arbitraires, procès fantaisistes, détentions illégales deviennent un modus operandi pour instiller la peur panique dans les esprits. Objectif : consolider un pouvoir aux abois.
L’assassinat de Lajos Bidiu Nkebi Nkebila, président de MLC/Bas-Congo, abattu le dimanche 24 novembre dernier par des "hommes armés" à Kinshasa; l’arrestation dans des conditions autant illégales qu’inhumaines et le transfèrement à la CPI du député national Fidèle Babala ; l’impunité des maîtres-penseurs des Bakata-katanga ; le montage rocambolesque de l’incrimination et de l’arrestation de Diomi Dongala ; le massacre à Kinshasa et à Lubumbashi, des adeptes non-armés de l’illuminé "prophète" Mukungubila, etc., constituent les dérives d’un pouvoir dictatorial qui, dans deux ans arrive fin mandat et qui, malheureusement, ne serait pas prêt à passer la main. Toute cette terreur a un but. Une finalité. Semer la panique parmi les Congolais afin de mieux les museler et les manipuler. Tout ces manœuvres ont pour finalité: empêcher l’organisation de la présidentielle de 2016. Ainsi en ont décidé les maîtres de Kinshasa.
Le cas le plus récent est celui de l’officier supérieur de l’armée congolaise (FARDC), le colonel Mamadou Ndala.
Mamadou Ndala, un assassinat programmé...
S’agirait-il d’un règlement des comptes entre officiers des FARDC ou d’un crime crapuleux? Apres plusieurs recoupements, le colonel..., enfin, le général de brigade Mamadou Ndala a été tout simplement liquidé. Sa notoriété commençait à faire ombrage à plusieurs personnes qui le digéraient mal. Sa bravoure avait perturber un plan minutieusement concocté qui permettrait à "Kabila" de s’octroyer une "présidence à vie". Militaire patriote, Ndala était connu comme un officier d’une haute moralité et doté d’un sens élevé du devoir.
Mamadou Ndala est sorti de l’anonymat grâce à ses hauts faits d’armes. A Goma et sur d’autres fronts, sa seule présence suffisait pour revigorer ses troupes et rassurer la population. Une situation que sa hiérarchie voyait d’un mauvais œil. Auréolé par cette aura, "Mamadou", en électron libre, devenait de plus en plus incontrôlable. L’ayant senti pousser des ailes, on commençait à lui reprocher de n’en faire qu’à sa tête. Il fallait le rappeler à Kinshasa. Il n’y a pas d’autre solution que de le rappeler à Kinshasa. Alors qu’il se trouvait au front, un texto lui est envoyé pour lui signifier sa nouvelle affectation. Le colonel, en fin politicien, le transfère à un proche qui alerte aussitôt la population de Goma.
La nouvelle fait l’effet d’une bombe. Malheureusement, les gens ont encore frais en mémoire les cas des généraux Prosper Nabiola et Félix Mbuza Mabe qui avaient été rappelés par leur hiérarchique militaire chaque fois qu’ils prenaient le dessus sur les forces ennemies. Redoutant le pire, les habitants de Goma avaient envahi les rues de la ville pour exprimer leur désapprobation. Des jeunes n’avaient pas hésité à exiger le maintien du colonel à son poste.
La hiérarchie militaire humiliée
Humiliée, la hiérarchie militaire est obligée de revenir sur sa décision. Pour calmer les esprits surchauffés, on intime l’ordre au colonel Mamadou de démentir la nouvelle répandue le jeudi 18 juillet matin à Goma sur sa relève. Il passe sur les antennes de la Radio Okapi, pour porter un démenti: "Ce n’est pas vrai, c’est une rumeur. Une manipulation des rebelles qui veulent déstabiliser le moral de la population et des troupes engagées au sol. Deuxièmement, mon chef le commandant région, le général Bauma, je suis en contact avec lui toutes les cinq minutes. Si je devais être relevé, c’est lui l’autorité hiérarchique qui pourrait m’indiquer cela. Donc, c’est faux et archifaux".
Sa hiérarchie se sent humiliée et tournée en ridicule. Cette attitude lui laisse un gout aigre dans la bouche. Dans l’armée congolaise, on ne tourne pas la page sans réaction sur un crime de "lèse majesté". C’est, pour ainsi dire, une affaire à suivre...
Le colonel Mamadou tire sa force dans ses troupes qui lui vouent un respect presqu’obséquieux. Un militaire jadis sous ses ordres témoigne: "Avant de lancer l’assaut contre les troupes du M23, le colonel Ndala nous avait demandé, à chaque conquête d’un nouveau territoire, de ne pas prendre les biens d’autrui. De ne même pas cueillir une mangue dans la parcelle de quelqu’un. Nous devions nous battre pour le peuple, notre sang devait couler pour la nation". Et après, les troupes se lançait à l’attaque avec, cerise sur le gateau, à chaque assaut, une nouvelle victoire.
Kibumba, Kiwanja, Rutshuru, Rumangabo, Bunagana, Mbuzi... Une à une, les cités tombaient comme des feuilles mortes d’un arbre et les villes reconquises par les vaillants soldats des FARDC qui bénéficiaient d’un appui des militaires de la Monusco qui, en réalité, venaient en appui. C’est-à-dire, quand les troupes des FARDC avançaient, les troupes onusiennes sécurisaient la base arrière. Et s’il arrivait aux troupes des FARDC de reculer, ces dernières faisaient de même. Cette fois-ci, avec à la tête, un commandant au courage exceptionnel, la victoire avait changé de camp. La guerre, elle, changeait de physionomie. Mais ce succès n’était pas du goût de tout le monde. Bien qu’occasionnant des milliers des morts, des déplacés et des sans-abris, la guerre était aussi un juteux business très lucratif pour ceux qui en tirent les ficelles en coulisses.
A deux reprises pendant l’avancée des FARDC, le colonel Mamadou recevra l’ordre de sa hiérarchie d’arrêter la reconquête de nouveaux territoires. D’abord à Rutshuru, puis dans une autre localité. L’homme fera la sourde oreille. Mais comme dans ses habitudes, il divulgue l’information obligeant du coup sa hiérarchie à rapporter les ordres donnés. C’en est trop, son arrêt de mort est signé. Il ne restait que le jour et l’heure de son application. Alea jacta est.
Le samedi 30 novembre dernier, Joseph Kabila arrive à Goma, dans la capitale du Nord-Kivu, au volant de son 4x4. A l’entrée de la ville, il décide de faire le pied jusqu’au stade Virunga où il devait tenir un meeting. La population massée le long de son parcours reprenait, en chœur et à tue-tête, le nom du colonel Mamadou Ndala. Ce dernier finit par voler la vedette au "raïs". Frustré, après une certaine distance parcourue à pied, Joseph Kabila remonte à bord de sa jeep et prend, non plus la direction du stade Virunga, mais, de sa résidence. Le meeting est annulé.
Pas de place pour deux héros
Le dimanche 1er décembre, pendant près d’une heure, Joseph Kabila décide de s’adresser cette fois-ci devant près de 1500 notables triés sur le volet. En Afrique, les chefs ne tolèrent pas qu’on leur vole la vedette. Les choses se passent pour ainsi dire comme dans un poulailler, où il n’y a qu’un seul coq qui fait la loi. Le coq, c’est le chef. Il n’y a donc de la place que pour un seul héros, le président de la République. Mamadou Ndala est de trop.
Cette scène rappelle curieusement une histoire reprise dans la Bible reprise dans 1 Samuel 18 : " David allait et réussissait partout où l’envoyait Saül ; il fut mis par Saül à la tête des gens de guerre, et il plaisait à tout le peuple, même aux serviteurs de Saül. Comme ils revenaient, lors du retour de David après qu’il eut tué le Philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d’Israël au-devant du roi Saül, en chantant et en dansant, au son des tambourins et des triangles, et en poussant des cris de joie. Les femmes qui chantaient se répondaient les unes aux autres, et disaient : Saül a frappé ses mille, -Et David ses dix mille. Saül fut très irrité, et cela lui déplut. Il dit : On en donne dix mille à David, et c’est à moi que l’on donne les mille ! Il ne lui manque plus que la royauté. Et Saül regarda David d’un mauvais œil, à partir de ce jour et dans la suite."
Les dés étaient déjà jetés pour le colonel de Goma. Le sort scellé. Le jeudi 2 janvier 2014, le colonel Mamadou Ndala est tué à l’entrée de la ville de Beni. Ce qui était déjà prévisible finit par arriver. Aussi curieusement que cela puisse paraitre, c’est dans le secteur contrôlé par la fameuse garde républicaine de "Joseph Kabila" que cet officier a été exécuté. Tout un message. Parmi les suspects, le fameux général Moundos, homme de main du pouvoir et cité dans plusieurs cas d’assassinat dont celui de Ngezayo Safari. Le général Moundos qui s’était échappé de sa résidence surveillée le mardi 7 janvier, s’est fait arrêter 24 heures après par les fideles du défunt colonel Mamadou. Il continue à bénéficier d’un traitement 5 étoiles dans sa résidence surveillée de Beni. Ce qui contraste avec la manière dont le pouvoir de Kinshasa traite les prévenus dans les cas d’assassinats ou meurtres.
En quoi Mamadou dérangeait-il?
La rébellion du M23 facilitait le pillage des ressources naturelles de la RDC. Ainsi, les richesses pillées sur le territoire de la RDC pouvaient se retrouver facilement sur les territoires rwandais et ougandais. Certaines personnalités de la RDC ont, à maintes reprises, dénoncé ces combines. Le rapport des experts de l’ONU avait même indexé le général major Gabriel Amisi Kumba. Celui-ci était accusé de vendre des armes aux groupes armés opérant dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Citant le rapport des experts de l’ONU, le ministre des Médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, affirmait que "les FARDC continuent d’être la proie de réseaux criminels qui permettent aux officiers supérieurs de s’enrichir par l’emprise sur les ressources naturelles et la contrebande notamment par le trafic d’ivoire mené par des groupes armés". Aussi curieux que cela puisse paraitre, le général Tango Fort n’a jamais été inquiété. Il avait juste bénéficié d’une "mesure de faveur" : être suspendue de ses fonctions. A qui donc profitent ces magouilles?
La fin de la rébellion du M23 signifie-t-elle aussi la pacification du pays donc, un boulevard bien balisé pour l’organisation de la présid
entielle de 2016? Une telle perspective n’est pas la bienvenue dans la mesure où le pouvoir établi à Kinshasa multiplie les stratagèmes afin de contourner cette échéance. Mamadou Ndala était donc un trouble-fête. Il avait péché par "excès de zèle". Il lui était tout simplement demandé d’avancer chaque fois d’un pas sur un front pour en reculer de deux. Il n’avait pas réalisé que le terrain était miné et qu’il évoluait au milieu des loups.
En mettant fin à la rébellion du M23, Mamadou Ndala a coupé court à l’approvisionnement du Rwanda et de l’Ouganda en matières premières. Une contrebande que "Joseph Kabila" dénonçait le jour et encourageait la nuit. Là encore, il a commis un "péché mortel". La rébellion du M23 constituait un bon prétexte pour saigner à blanc le trésor public au bénéfice de certains officiers et proches du "raïs". Sur ce point encore, Mamadou Ndala est allé très loin.
La paix est-elle enfin acquise ?
Si la paix signifie "organisation de la présidentielle en 2016", il faudrait s’attendre à une autre rébellion. C’est tout à l’avantage de Kabila. Il veut voir son pouvoir perdurer. Et qui sait que des cendres du M23, va renaitre une autre "rébellion congolaise"? Il suffit de bien observer ce qui se passe au Rwanda et en Ouganda pour s’en convaincre...
Martin MIHIGO BYAMUNGU
Chercheur et Analyste politique
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