Le journal Jeune Afrique rapporte la riposte opposée par le ministère de l’Intérieur sur la situation amplifiée par la presse britannique autour d’une prétendue traque qu’aurait instiguée ce ministère contre les exilés congolais au Royaume Uni
Les combattants refoulés du Royaume Uni menacés de torture, info ou intox ? Selon des informations relayées dans la presse britannique, Kinshasa aurait demandé à ses services spécialisés de fliquer les Congolais refoulés du Royaume-Uni. Objectif : arrêter ces derniers, prouver leur appartenance à des mouvements « combattants » puis les soumettre à des actes de torture. Qu'en est-il vraiment ?
« Réussir à faire passer cette information dans des médias britanniques, c'est une victoire pour les 'combattants' de Londres ». Celui qui se fait appeler dans le milieu « le sergent Mokrekese James Bond Never die » en est convaincu : « le monde s'intéresse de plus en plus à [leur] combat ». Contacté par Jeune Afrique, le « sergent Mokrekese », secrétaire général du « Haut-conseil de la résistance congolaise », un de ces groupes d'opposants anti-Kabila de la diaspora, affirme que « [son] mouvement est à la base de l'information parue dimanche [16 février] dans The Guardian », selon laquelle les demandeurs d'asile congolais seraient confrontés à la « torture avec discrétion », une fois expulsés du Royaume-Uni.
The Observer dont l'information est relayée dans The Guardian rapporte en effet qu'un « document hautement sensible » du ministère congolais de l'Intérieur aurait été « distribué aux hauts fonctionnaires de l'Agence nationale de renseignements (ANR), de la police et de la Direction général de migration (DGM) ». Mot d'ordre ? « Traquer et arrêter les opposants au gouvernement » et les soumettre à la « torture avec discrétion ».
L'hebdomadaire britannique, qui dit s'être procuré une copie de l'instruction, précise que Richard Muyej, le ministre congolais de l'Intérieur, aurait demandé à ses services spécialisés de porter plus précisément leur attention sur des « militants politiques qui vivent au Royaume-Uni et dans d'autres parties de l'Europe et qui sont expulsés vers la capitale Kinshasa ».
Et en guise de preuve, The Observer cite un extrait du document : « Avant tout, soyez à l'affût de combattants qui sont refoulés ». Des propos attribués à Richard Muyej à l'attention de chefs de sécurité congolais.
Intox avéré
Joint au téléphone par Jeune Afrique, le ministre de l’intérieur Richard Muyej mis en cause affirme n'avoir « jamais donné une telle instruction » et « regrette qu'un média d'un pays dit démocratique s'embourbe ainsi dans des mensonges ».
Les « combattants » ne cherchent qu'à émouvoir l'opinion publique britannique pour bloquer une éventuelle procédure de refoulement.
Dans l'entourage du ministre, on parle de « l'intoxication » concoctée par « ces gens qui crient à longueur de journée et qui se considèrent comme des combattants ». « Ils ne cherchent qu'à émouvoir l'opinion publique britannique pour bloquer une éventuelle procédure de refoulement qui serait en cours », tance un proche de Richard Muyej.
« Quel intérêt le pouvoir aurait-il à traquer et à torturer des personnes qui ne représentent rien ? », interroge-t-il.
Pourtant, des « combattants de Londres » exhibent une photo comme une des preuves de leurs allégations. Elle est non datée et montrerait « un prisonnier non identifié subissant la torture à Kin Mazière, le QG de la police secrète à Kinshasa », selon la légende publiée sur The Guardian.
« C'est nous qui avons transmis la photo aux médias britanniques », s'en félicite Lumumba Yoto, président du « Haut-conseil de la résistance congolaise » basé à Londres
Problème : « Depuis quelques années, Kin Mazière est devenu un super marché. On ne peut plus continuer à soutenir que la police détiendrait toujours un centre de détention dans un lieu commercial », rétorque un membre du cabinet du ministre.
À Paris, dans le milieu même des « combattants », c'est l'incompréhension qui domine. Rex Kazadi, porte-parole de Ba Patriotes ya Kongo (BKP), ne comprend pas « pourquoi Kinshasa qui est aujourd'hui dans une démarche de séduction – pour rassurer les leaders des "combattants" - se lancerait dans une telle démarche contreproductive, en voulant arrêter des petits poissons » refoulés au pays. « Le pouvoir voudrait-il vraiment traquer des Congolais qui ne font que vociférer dans les rues des villes occidentales, alors qu'au même moment, une loi d'amnistie [notamment pour les faits insurrectionnels] a été votée au Parlement ? », se demande Rex Kazadi, dubitatif.
A son tour, la Belgique procède à des expulsions de sept Congolais en séjour irrégulier
Sept ressortissants congolais ont été expulsés le mercredi 19 février 2018 de Bruxelles. C'est à bord d'un avion militaire qu'ils ont quitté Bruxelles. Destination : Kinshasa. La nouvelle a été donnée par trois organisations : la Coordination contre les rafles, les expulsions et pour la régularisation (CRER), le Collectif de Résistance Aux Centres Pour Etrangers (CRACPE) et l'association Getting the Voice Out.
Les trois organisations indiquent que quatre jours après l'expulsion ratée d'une citoyenne congolaise, l'Office belge des étrangers est revenu à la charge en procédant, le mercredi 19 février 2014, au renvoi de sept ressortissants Congolais. Selon l'Agence Belga, la « dame » précitée a été hospitalisée quelques heures avant le décollage de l'avion. Son renvoi a été à nouveau reporté.
Le samedi 15 février 2014, la troisième tentative d'expulsion de « cette ex-Zaïroise non-autrement identifiée », selon les propos de la presse belge ; n'a pas eu lieu suite à un incident survenu à bord. « Le commandant de bord a décidé de refuser son transport à la suite de la mobilisation d'un groupe de passagers émus par ses pleurs », rapporte Belga. La députée bruxelloise FDF Gisèle Mandaïla Malamba faisait partie des passagers. Elle tentera en vain de parlementer avec les policiers qui escortaient la personne dont il est question.
« La situation a dégénéré », ont rapporté des journaux belges. Des passagers ont été débarqués et brutalisés. C'est le cas notamment de Mandaïla qui assure avoir reçu un « coup de poing » de la part d'un jeune policier. Elle a porté plainte contre cet agent. De l'avis général, ce n'est pas la première fois que des "flics" du Royaume se comportent « en voyous » à l'égard des Africains subsahariens en général et des Congolais en particulier.
Le CRER, le CRACPE et Getting the Voice Out n'ont pas trouvé des mots assez durs pour exprimer leur indignation tout en craignant pour la vie des expulsés. « Plusieurs d'entre eux sont reconnus comme des combattants de l'opposition et on ne connaît pas le sort qui les attend là-bas », ont déclaré les représentants de ces organisations en soulignant, au passage, que dès leur arrivée ces personnes sont prises en charge par l'Agence nationale de renseignements « qui les soupçonnent systématiquement d'être des opposants politiques ». Se reportant sur un article paru dans le quotidien londonien « The Guardian » daté du samedi 15 février, ces associations de souligner que les déportés « sont soumis à la torture ». « Les associations dénoncent la négligence par l'Office des étrangers des risques d'emprisonnement, de torture, voire d'assassinat de ces demandeurs d'asile politique », conclut Belga.
L'Ombre des élections
Plusieurs observateurs justifient ces expulsions pour des fins électoralistes. En effet, dans moins de cent jours, les concitoyens du roi Philippe vont aller aux urnes pour choisir leurs députés régionaux, fédéraux et européens. En Flandre, les nationalistes de la N-VA sont donnés vainqueurs. Au niveau des sondages d'opinion du moins. Les autres partis flamands tentent de faire contrepoids face à cette montée en puissance de cette organisation politique qui a fini par coiffer au poteau tous les "partis traditionnels ».
C'est le cas notamment des libéraux flamands de l'Open VLD. Ce parti compte parmi ses « jokers », une certaine Maggie De Block, médecin de son état. Il s'agit de l'actuelle secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration. L'hebdomadaire franco-belge « Le Vif/L'Express" assure qu'elle "devrait" réaliser un « score canon » en Brabant flamand.
Depuis l'avènement de "Maggie" à la tête de ce secteur un certain 6 décembre 2011, toutes les statistiques confirment une baisse du flux migratoire en Belgique. Cette embellie vaut à cette "dame de fer" d'accéder au "Top 10" des personnalités politiques les plus populaires. En janvier dernier, un quotidien bruxellois annonçait que l'Office des étrangers a ouvert 15.840 dossiers pour des demandes d'asile en 2013, contre 21.463 en 2012 et 25.479 en 2011. Quelle performance! "Les chiffres prouvent que les mesures en vigueur fonctionnent", s'exclamait l'intéressée. Selon des sources concordantes en Belgique, en 2013, l'Office belge des étrangers avait ouvert 1.225 dossiers de demandeurs d'asile congolais. Il y a donc sept de moins...
MMC/L’Observateur
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