Au terme d’un très long réquisitoire, l'avocat général a demandé, mercredi, que le jury condamne Pascal Simbikangwa pour génocide et non pour complicité. Le verdict est attendu vendredi dans ce premier procès en France lié au génocide rwandais.

"Ça fait quelque chose de l’entendre", dit Alain Gauthier, porte-parole du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) en sortant de la Cour d’assises du Palais de Justice de Paris. Ce quelque chose était attendu. Mais entendre prononcer dans la bouche du procureur général, "au nom de la défense de la société (...) Je vous demande (aux jurés, NDRL) de déclarer Pascal Simbikangwa coupable de génocide" est une victoire qu’il savoure.

"Je suis émue et reconnaissante. Pour moi, on a ressuscité nos morts", poursuit son épouse, Dafroza Gauthier, avec qui il mène depuis 15 ans une chasse aux responsables du génocide rwandais ayant trouvé refuge en France.

Pendant près de 8 heures, le ministère public a chargé un accusé, qui a inlassablement et calmement nié toutes les accusations portées contre lui par la trentaine de témoins qui se sont succédés pendant 5 semaines.

Un procès "au nom de la justice universelle"

Plus tôt dans la matinée, Dafroza Gauthier du Collectif des parties civiles pour le Rwanda paraissait tendue. Elle évoquait à demi-voix son souvenir de 2001, quand lors du procès de génocidaires rwandais à Bruxelles, le procureur était allé jusqu’à exhiber une machette sous le nez des jurés pour les convaincre de la culpabilité des accusés.

Bruno Sturlese, l’avocat général, a lui été beaucoup plus didactique. "Vous êtes légitimes pour juger cet homme, il n’y a pas de dilemme moral" à porter un jugement sur des évènements qui se sont produits il y a plus de 20 ans, à 7 000 km de Paris. "C’est une fierté pour vous, et une mission pour que la justice universelle mette en échec l’impunité et l’oubli".

Bruno Sturlese poursuit. Le génocide rwandais de 1994 a conduit à l’élimination de 75% des Tutsis rwandais. Un crime hors norme à rapprocher du génocide des Arméniens, des juifs ou des meurtres de masse commis par Pol Pot. Le pire des crimes contre l’humanité.

L’homme trépigne quand il évoque les "professionnels du négationnisme" qui tente de faire de ces évènements une triste tragédie exécutée par une machine anonyme, sans visage.

D’ailleurs, il explique qu’il a demandé la requalification des faits au cours du procès. Pascal Simbikangwa n’est plus poursuivi pour "complicité de génocide" mais pour "génocide" car l’avocat général en a l’intime conviction : "Le capitaine Simbikangwa est avant tout un instigateur du génocide".

Il est pour lui "plus juste moralement et juridiquement de considérer qu’il est un génocidaire" et pas seulement un complice. Se tournant vers l’accusé, il affirme "Votre responsabilité est la pire de toute. Vous avez donné les moyens de massacrer aux exécutants. Vous êtes l’auteur intellectuel et sournois d’un génocide, en laissant le sale boulot au petit peuple".

Même s’il est impossible de prouver que Pascal Simbikangwa a tué, de nombreux témoins affirment qu’il était présent lorsque les camions bennes étaient remplis de cadavres. "Le mensonge est votre mode de fonctionnement (...) Votre défense se base sur l’affabulation, la falsification et l’usurpation".

L’hermine du magistrat tremble quand il rappelle à la Cour que l’accusé a déclaré qu’il s’étonnait de ne pas avoir été fait "Juste parmi les Justes", affirmant, avec aplomb, avoir sauvé des dizaines de Tutsis.

La défense de Simbikangwa accusée d’intimidation des témoins

Puis c’est au tour d’Aurélia Devos de prendre la parole. Vice-procureur, chef du Pôle "Crime contre l’humanité, crimes et délits de guerre" au Tribunal de Grande instance de Paris, sa plaidoirie commence par une charge contre les avocats commis d’office de Pascal Simbikangwa. Elle s’indigne de leurs "techniques inacceptables" : intimidation physique, ironie déplacée, humiliation. Allant jusqu’à comparer la défense du capitaine rwandais à celle du criminel nazi Eichmann, qui se targuait lors de son procès d’avoir sauvés des juifs mariés à des Allemands.

En quittant la salle, on se demande bien comment la défense va pouvoir répondre à un réquisitoire aussi implacable et détaillé. Réponse jeudi 13 mars, avant un verdict attendu vendredi. Une condamnation historique pour faits de génocide et une peine de réclusion à perpétuité sont en jeu.
La perpétuité requise contre Simbikangwa, "un instigateur du génocide rwandais" by sangoyacongo.com
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