Ca vole bas au centre du pays ! A Lodja dans le Sankuru, la tension monte de plusieurs crans. Non en raison des violences du 25 mars 2014. Mais, à la suite de la gestion jugée maladroite de ces incidents. Au banc des accusés : Alphonse Ngoy Kasanji , gouverneur du Kasaï oriental. Réagissant à cette maldonne, un connaisseur des arcanes du Grand Kasaï place le curseur sur le hic du problème. A savoir le surdimensionnement des événements- à base somme toute corporatistes- de Lodja par l’autorité provinciale alors que l’espace kasaïen charrie quantité de conflits ethniques ou communautaires autrement plus dangereux. Conséquence de ce qui apparaît comme une " sur réaction", Lodja la cosmopolite voit ressurgir les conflits entre autochtones et allochtones. Un mauvais signal à l’heure de la cohésion nationale. Ce n’est pas tout. Connu pour être le nec plus ultra de la kabilie en pays tetela , Lodja risque de ne pas bien digérer politiquement les retombées de ce qui n’était au départ qu’un acte de banditisme comme toutes les villes du monde en connaissent .
GESTION INCONSEQUENTE DES CONFLITS AU KASAI ORIENTAL



Le 25 mars 2014 un conflit au sein d’une association privée des Taxis- motos a dégénéré en des violences à la suite de l’intervention de la Police locale. Un acte de rébellion envers les forces de sécurité lors de cette intervention commis par un certain Oyombo, alias " Eketo " (Gorille) provoqua une fusillade au cours de laquelle il fut mortellement blessé par un policier après avoir brutalisé l’Administrateur du territoire et deux éléments des forces de l’ordre. La mort de Oyombo servira de prétexte à une bande de jeunes de la Communauté " Eswe " (gens de la savane, non originaire de Lodja) à laquelle il appartenait pour s’en prendre aux " Ekonda " (gens de la forêt originaires de Lodja) habitant le Quartier Okitandeke dont ils ont incendié volontairement 80 maisons et 2 écoles, ce qui provoquera des représailles d’une bande de jeunes "Ekonda" qui mirent le feu à 6 maisons et 1 école primaire propriétés des " Eswe ".
Le Gouverneur du Kasaï Oriental, Alphonse Ngoy Kasanji, s’est rendu à Lodja le 31 mars. Dans une déclaration largement médiatisée faite dès son arrivée, il a attribué les incidents (mort de Oyombo et incendies) à " un conflit ethnique par des politiciens voulant diviser pour régner entre tetela de la forêt et tetela de la savane ".
Cette affirmation est contestée par nombre d’originaires de Lodja qui ont rappellé dans des tracts que les incidents concernaient les jeunes motards et non " les communautés ethniques ", invitant le Gouverneur réputé proche des " Eswe " à plus d’objectivité. Furieux, l’irascible Ngoy Kasanji a, après une longue séance de travail, ordonné l’arrestation de Jacob Dimandja Elola, président de la mutuelle des notables de Lodja (Norelo). Motif : manque de respect envers l’autorité (pour avoir critiqué son intervention et ses positions jugées partisanes). Pour faire bonne figure, il fera aussi incarcérer le président de l’Union de Katako-kombe Lubefu à Lodja (Unikalu), Jean-Paul Omanyundu.
Sans plus s’intéresser à l’auteur du coup de feu fatal et aux pyromanes qui avaient incendié des maisons de part et d’autre, Ngoy ramènera les deux notables ligotés comme des saucissons vers Mbuji-Mayi à bord de son avion. Il avait auparavant muté " par mesure disciplinaire " l’Administrateur de Territoire de Lodja, le Colonnel Commandant de la Police et le Chef des Renseignements Généraux. Quant au Chef de la Cité de Lodja et à celui du quartier Okitandeke, lieu des affrontements, tous deux originaires, ils ont été simplement limogés et remplacés par des non originaires. Pour étouffer le mécontentement prévisible de la population locale devant ces provocations, le Gouverneur a déployé des renforts militaires et policiers qui ont érigé des " road blocks " sur tous les axes d’entrée et de sortie à Lodja. Les passants sont quotidiennement rançonnés. Une panoplie de mesures musclées tout à fait inédite par rapport à des incidents similaires, voire plus graves, qui ont eu lieu à profusion au Kasaï-Oriental sans susciter un tel roulement de mécaniques institutionnelles et répressives du bouillant gouverneur.
Fin janvier 2012, la section des affaires civiles de la Mission de la MONUSCO, a identifié plus d’une centaine de conflits communautaires dans la province du Kasai Oriental, dont certains remontaient à plus de 40 ans.
Un atelier de deux jours organisé par la Monusco, avec la participation du gouvernement provincial du Kasai-Oriental et de la société civile avait conclu que ces déflagrations tiraient leurs origines des conflits fonciers, d’exploitation du commerce et des ressources naturelles ainsi que des querelles autour du pouvoir coutumier.
Pour prendre les cas récents, à Katanda (District de Tshilenge) en 2007, une véritable guerre ethnique avait mis aux prises les Bena-Shimba d’une part et les Bena-Mwemba et Bena-Kupuya d’autre part. Bilan : 34 morts dont un bébé de 3 mois de coupé à la machette, plus de 400 maisons incendiées.
En 2009, au Lac Mukamba (Kabeya-Kamwanga) les Bena-Kazadi et les Bena-Buka s’opposent aux populations " non originaires " de Dimbelenge. Bilan : 100 maisons brûlées, 6 morts, 45 blessés. Ces échauffourées seront suivies d’autres en 2010 (150 maisons brûlées, 60 blessés, 2 morts) puis en 2012 (86 maisons brûlées, 1 mort, 34 blessés).
A Ngandajika, entre les Bena-Nzadi et les Bena-Kande, des affrontements interethniques ont éclaté en 2011 causant 3 morts à la suite d’un conflit pour la chefferie de Bakwa-Mulumba.
A Kabinda, en 2010 un conflit entre Muyenge et Kelambo provoqua la mort de 5 personnes dont un policier et l’incendie de 400 maisons. Un an plus tard (2011) le conflit entre Minda et Ntungulu fera trois morts.
Tout au long des années 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, jusqu’à ce jour, des affrontements récurrents entre Bena Kazadi, Bena Buka, ou encore entre autochtones de la région du Lac Mukamba et allochtones de Dimbelenge au Kasai Occidental voisin, ont occasionné mort d’hommes et incendies de centaines voire de milliers de maisons.
Dans le territoire de Katako-Kombe, district du Sankuru, en 2011, un conflit entre Ahamba et Asambala a dégénéré, provoquant 2 morts et 200 maisons brûlées.
Le 28 mars à Tshumbe (siège de l’évêché en territoire de Lubefu), deux jours après les événements de Lodja, la Révérende Soeur Charlotte Walo et un Monsieur Bruno Wandje ont été enlevés, battus et séquestrés de 14 heures à 20 heures par des personnes qui les prenaient faussement pour des " Ekonda ". Le lendemain, les logements de 2 étudiants de Kole ont été incendiés. Le 1er avril à Katako-Kombe, des malfrats ont enlevé et séquestré 4 commerçants, MM. Ndjovu Osombo, Konde Web, Osako Dimandja, Ngele Towoshi et leurs deux porteurs, tous originaires de Lodja en provenance de Kindu. Dépouillés de leurs marchandises, ligotés et lestés de pneus imbibés d’essence, les infortunés n’échapperont à la mort que grâce au Commandant de la PNC/Katako Kombe qui les a arrachés des mains de leurs bourreaux qui blessèrent grièvement le Commandant.
Cette évocation des conflits "ethniques" ou "communautaires" dans la province administrée par Aiphonse Ngoy Kasanji est loin d’être exhaustive.
De manière générale, la gestion de ces conflagrations par le Gouverneur a été caractérisée par une approche toute en nuance consistant à rapprocher les (vrais) protagonistes pour les encourager à vivre leur proximité dans la convivialité. Plusieurs rencontres intercommunautaires ainsi que des initiatives de reconstruction des infrastructures détruites et/ou d’indemnisation des victimes.
GRIEFS
Le manque total de sens de la mesure affiché par le Gouverneur face aux problèmes de même nature et de moindre intensité survenus à Lodja le 25 mars en a surpris plus d’un. Se comportant comme en pays ennemi et conquis,
1. II a infligé une mutation-sanction à l’Administrateur de Territoire de Lodja qui avait eu le courage d’affronter les jeunes délinquants le 25 mars pour les calmer, se faisant même molester alors que son Collègue de Katako-Kombe resté indifférent au sort de six "Ekonda" menacés de mort le 1er avril au chef lieu de son territoire (il a même d’abord nié les faits sur Radio Okapi !) est resté à son poste
2. Il a, après une séance de travail au cours de laquelle avait été critiqué ses propos partisans contre les " originaires " de Lodja, fait arrêter le président de la Mutualité des notables de Lodja (NORELO) le très respecté Jacob Dimandja, propriétaire de la Clinique Lokandoba qui était pourtant intervenu efficacement pour ramener le calme. Plus tard il l’accusera de lui avoir "manqué de respect " (!). Pour " faire équilibre " (sic !), il a fait aussi arrêter le chef de l’Association des notables de Katako-Kombe et Lubefu à Lodja " UNIKALU ", M. Jean-Paub Omanyondo. Les deux, ramenés " manu militari " à Mbuji-Mayi, ont été écroués sans aucune forme de procédure par un magistrat " aux ordres ". Curieusement, l’auteur présumé du coup de feu mortel, un policier (voir Réquisition n°125 du 26 mars 2014 du Procureur de la République de Lodja) et les auteurs présumés des incendies de part et d’autre dénoncés par la société civile locale n’ont pas été ramenés à Mbuji-Mayi par le Gouverneur.
3. Il a limogé le Chef de Cité de Lodja pour " avoir envoyé un SMS au Ministre du gouvernement central Lambert MENDE ", sur les événements du 26 mars (comme si cela était un crime). Pour lui succéder, il imposera le secrétaire de la Cité, M. Polycarpe Oleko un originaire du territoire voisin de Katako-Kombe (une véritable provocation pour les originaires de Lodja) alors qu’il existe bien un Chef de Cité Adjoint Biaise Ekongola (originaire) qui devient ainsi l’adjoint de son ancien collaborateur pour être " né du mauvais coté " I
4. Il a limogé le Chef de quartier Okitandeke, M. Mathieu Mpole, un originaire, que rien ne lie aux incidents ayant coûté la vie au sieur Oyombo (ii fut victime car sa mission a été incendiée) pour le remplacer par un M. Albert Longe (non originaire), confortant ainsi la campagne d’épuration de la bande à Oyombo qui avait annoncé sa détermination à "vider " ce quartier de Lodja de tous les originaires de Lodja qui y habitent ... Des attitudes qui sèment les germes des confrontations "communau-taires’
5. Il a téléguidé la destitution illégale de l’Honorable Charles Pongo Dimandja (Elu PPRD de Lodj), Vice-Président de l’Assemblée Provinciale du Kasaï Oriental sans qu’il n’ait pu faire valoir ses droits de la défense (absent régulièrement excusé pour participation au congrès du PPRD de Mbandaka). Le véritable grief fait par le Gouverneur à l’élu de Lodja est d’avoir questionné publiquement la méthodologie subjective et erratique du N°1 du Kasaï Oriental sur les événements de Lodja.
6. Il a multiplié les déclarations publiques largement médiatisées sur sa propre lecture des événements du 25 mars dernier à Lodja alors que l’affaire a été bel et bien prise en charge par les cours et tribunaux dans le but d’imposer une cause " politico-ethnique " à ces événements et obtenir ainsi l’affaiblissement politique de certains leaders qui gênent ses ambitions démesurées.

MOTIVATIONS

Il n’y a plus beaucoup de doutes sur les motivations réelles qui poussent le Gouverneur Ngoy Kasanji à marcher sur le plus grand vivier électoral de la Majorité Présidentielle au Kasaï-Oriental qu’est Lodja avec le tact d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Deux hypothèses se juxtaposent : soit le diamantaire tente son va-tout pour imposer son petit parti, I’ACDD au-delà du bu-luba (district de Tshilenge) et qu’il considère pour cela le Sankuru comme un espace à conquérir en y affaiblissant la CCU de Mende et le PPRD représenté efficacement par le jeune député provincial Pongo Dimandja ; soit en politicien roué et retors, il exécute une sorte de " crime parfait " qui lui permettrait en même temps de jouir du pouvoir au sein de la Majorité jusqu’en 2016 tout en ménageant ses arrières auprès de son frère ethnique, l’opposant en Chef Etienne Tshisekedi, en démolissant avec zèle le premier vivier kabiliste du Kasaï Oriental qu’est le territoire de Lodja. Une troisième hypothèse reste plausible cependant : celle selon laquelle Alphonse Ngoy Kasanji ne réalise tout simplement pas les conséquences politiques de ses actes étourdis. Gustave KABEYA Analyste politique

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