Avec son hit « Mascara », le Kinois est sorti de l'ombre de son mentor Werrason. Toujours entre deux scènes et deux studios, il s'impose comme l'un des talents incontournables du continent.

Le plus dur, c’est de réussir à l’attraper. Depuis quelques mois, « Fabregas le métis noir », nom de scène que s’est choisi Fabrice Mbuyulu Bela, est toujours entre deux aéroports, deux studios et deux scènes. Fin juillet, après un passage en Angola et en attendant de monter sur le plateau du Festival panafricain de musique, il se pose quelques heures à l’hôtel Saphir, au centre de Brazzaville. Une aubaine ! On pénètre dans ce drôle d’établissement au charme suranné, ponctué de déesses noires en stuc, en espérant un entretien. Son manager, la plantureuse Jessica Meiresonne, ce jour-là en tenue moulante léopard, donne finalement son feu vert. Il faut zigzaguer entre un faon et une antilope déambulant librement dans le jardin, et contourner une piscine d’un bleu trouble, avant de pénétrer dans la suite du chanteur.

Fabregas se noie à moitié dans un canapé moelleux. Baskets argentées, montre démesurée, chemise flashy, le Congolais de 28 ans né à Kinshasa paraît être attifé pour une apparition dans un clip de rap américain. Mais le performer, entouré de quelques amis, tente juste de se reposer de son dernier show angolais qui a duré pas moins de quatre heures. Barbe de trois nuits, l’œil un peu las, la gorge plus enrouée que d’habitude, la vedette semble un tantinet usée par ses tournées à répétition, mais reste souriante et disponible.

Plus de 5 millions de vues sur YouTube

Depuis la sortie de son titre « Mascara » (plus connu sous le nom « Ya Mado »), en décembre 2014, qui s’est largement diffusé sur les réseaux sociaux et a déjà été visionné plus de 5 millions de fois sur YouTube, la star ne sait plus où donner de la voix. Ce tube en lingala est un avertissement à la gent masculine, la prévenant de ne pas se laisser charmer par une demoiselle la nuit, car l’obscurité et le maquillage peuvent alors plus facilement cacher son vrai visage. « Mais ce n’est pas que ça, explique Fabregas. C’est aussi un hommage à la beauté naturelle et aux femmes qui ont des formes. Je voulais décomplexer celles qui se sentent trop rondes par rapport aux Occidentales. Cette chanson leur dit qu’elles sont aussi désirables, qu’elles peuvent danser, être aimées. » Le succès du clip a eu un effet inattendu sur la mode. Aujourd’hui, le dashiki, une chemise vive à motifs traditionnels portée par l’artiste et son groupe dans leur vidéo, est redevenu tendance, même Beyoncé le porte ! Sauf que sur le marché aux tissus de Poto-Poto, à Brazzaville, le tissu a pris le nom « Ya Mado ».

On parle beaucoup de Mascara mais Fabregas n’est pas l’homme d’un seul titre, avertit Jessica Meiresonne
« On parle beaucoup de Mascara mais Fabregas n’est pas l’homme d’un seul titre, avertit Jessica Meiresonne. C’est un artiste singulier, qui a un timbre de voix chaud et légèrement cassé, capable de s’adapter à presque tous les styles musicaux. » La carrière du chanteur est déjà longue et mouvementée. Qui aurait pu prédire que ce gamin sage, issu d’une fratrie de cinq enfants et qui a fait ses gammes dans la chorale catholique de l’église Saint-Alphonse de Kinshasa, se changerait en agitateur professionnel de popotins ? Interprète caméléon, capable de passer du R’n’B à la rumba, le jeune prodige de la scène congolaise a vite appris aux côtés des têtes d’affiche de la RD Congo. Ratant son bac à cause de sa passion pour la musique, il accompagne ainsi brièvement Fally Ipupa en 2006 avant de rejoindre Wenge Musica Maison Mère, l’écurie de l’artiste Werrason, surnommé parfois le Roi de la forêt ou Tarzan. Celui qu’il décrit encore affectueusement comme son « patron » lui donne l’occasion de faire ses premières grandes scènes, notamment le Zénith et le Stade de France, à Paris.

Fabregas se lance en solo en 2010 et sort habilement son premier album, Amour, Amour, le jour de la saint Valentin en 2012 (année de la naissance de son fils, sobrement baptisé Jay-Z). Koffi Olomidé, son « parrain », et également l’une de ses idoles dont il écoutait les cassettes avec ses parents, produit son premier concert au Grand Hôtel de Kinshasa. Mais le succès et la reconnaissance internationale ne viennent réellement qu’avec la sortie de son EP sept titres, Anapipo, en décembre 2014, sur lequel figure la pépite « Mascara ».

Blagueur, harangueur, comique

Sur la scène du Fespam, le soir de l’entretien, Fabregas dévoile toute la palette de ses talents. Volontiers blagueur, harangueur de foule rigolard, l’artiste s’impose en comique. C’est aussi un très bon danseur, qui crée lui-même ses chorégraphies en s’inspirant, dit-il, « de gestes de la vie quotidienne ». Les déhanchements lascifs et les ruades qu’il exécute durant son concert donnent une idée des moments de vie qu’il privilégie.

« Fabregas peut encore surprendre, prévient son manager. Son prochain album, Ma vraie face, qui sortira d’ici à février 2016, réserve de nouvelles surprises, comme un titre 100 % reggae en français. » Le disque devrait également faire intervenir de nombreux invités. Lesquels ? Impossible de le savoir, le chanteur pressé file sans nous mettre au parfum. Il prévoit une série de concerts en Europe en octobre et en novembre, sans non plus donner de dates précises. Pas par manque de temps, mais plutôt pour éviter que le « mouvement des combattants » fasse annuler ses shows. Ces membres de la diaspora congolaise opposés à Joseph Kabila compliquent ou empêchent régulièrement les tournées des artistes de la RD Congo. Mais Fabregas va vite, il sera difficile à rattraper.

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