*L’objectif visé, dans cette démarche, repose sur un double intérêt. D’abord, rassembler la documentation. Puis, préserver la mémoire historique pour une meilleure prise en charge. Matata Ponyo reconnaît que le chemin est encore long, au regard du niveau de la dégradation de l’économie congolaise, depuis plusieurs décennies. Hier, en effet, l’homme à la cravate rouge et au complet veste noire, avec à l’arrière-fond, la chemise blanche, a évoqué la problématique de l’évaporisation des richesses nationales, dans une sorte de descente aux enfers jusqu’à la hauteur de 45 %, alors que, parallèlement, les bouches à nourrir ont, quant à elles, augmenté à 43 %. Le paradoxe, ici, et c’est là, d’ailleurs, l’objet de ce deuxième numéro de la Revue congolaise de Politique Economique qu’il a présentée au Jardin des Premiers, à la lisière de la Gombe, devant un public constitué essentiellement des Députés, Sénateurs, Ministres, des Professeurs et chercheurs, Diplomates et journalistes, consiste à situer le degré des efforts consentis et d’en dégager des retombées en termes d’amélioration des conditions de vie des citoyens moyens. D’où, l’intérêt, pour le Premier Ministre, qui, au passage, se félicite de la vision du Président Kabila à qui il a rendu hommage, pour sa vision axée sur la révolution de la modernité, de porter ce débat sur l’agora scientifique. Il a lancé ainsi un appel aux Professeurs d’universités, aux chercheurs ainsi qu’à tous les curieux du monde d’apporter leurs contributions variées, selon qu’il se soucie, lui, à la tête du gouvernement, de poser des balises susceptibles de solidifier la politique économique du pays. Matata, tout en restant ouvert, promet de s’engager en 2016 sur une autre piste de réflexion basée sur la grande modération, lors du prochain numéro de la revue économique. Puisqu’après avoir livré des leçons substantielles sur la croissance inclusive et indiqué des réformes structurelles en cours, avec une mention particulière sur les contraintes géographiques, les dividendes socio-économiques de la paix et de la stabilité politique, tout en relevant le danger de l’extraversion de l’économie congolaise, les idées, si besoin en était encore, auront été suffisamment étayées dans cette dernière livraison de l’an 2015. Vincent Ngonga Nzinga, le Directeur de Cabinet Adjoint chargé des Questions Economiques à la Primature, s’y est, aussi, longuement attardé, dans ses explications liminaires. Il répondait, à sa manière, à la question de savoir si la croissance économique en RDC est réellement inclusive. Dans cette édition, La Prospérité laisse à ses nombreux et fidèles lecteurs, en cette veille la naissance de l’enfant Jésus, la liberté de lire, juger, critiquer et, surtout, de se découvrir l’approche du gouvernement Matata sur cette affaire de croissance inclusive ou cloisonnée et de ses multiples dérivés. Le débat, si vif soit-il, doit se faire autour des indicateurs et paramètres mondialement reconnus, conseille-t-on. Et, là-dessus, Matata, désormais, revigoré par les onze places gagnées par la RDC sur l’indice de développement humain, le rapport du PNUD faisant foi, tient fermement à la réussite.

LPM



Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Honorables députés et sénateurs,

Excellences mesdames et messieurs les membres du gouvernement,

Messieurs les ambassadeurs et membres du corps diplomatique,

Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs,

Mesdames et messieurs,

Il ne sera pas question aujourd'hui d'un nouveau vernissage de la Revue Congolaise de Politique Économique. Cet évènement a eu lieu en son temps.

La cérémonie de ce jour porte sur la présentation du numéro 2 de la revue qui aborde un thème d'actualité, passionnel et passionnant, à savoir " croissance inclusive en RDC: enjeux et défis".

La présente intervention commencera par préciser la portée du terme "croissance inclusive". Elle abordera ensuite les différences à établir entre la croissance inclusive, la croissance pro-pauvre et le développement humain dont le rapport venait d'être publié, il y a de cela une semaine, par le PNUD. Elle répondra enfin à la grande question de savoir si la croissance en RDC est inclusive.

Quelle est la signification du terme" Croissance inclusive"?

Un terme, un groupe de deux mots constitué d'un nom et d'un adjectif.

D'abord, le nom "croissance". Il signifie l'augmentation soutenue, pendant une période relativement longue, de la production d'une économie.

Après l'adjectif " inclusive". Il s'entend comme cette croissance qui profite à un grand nombre, qui ne laisserait à terme personne au bord de la route.

La croissance inclusive est:
participative en ce qu'elle suppose et implique le plus grand nombre possible des citoyens dans l'effort productif. Dans ce cas, elle est pro-job et requiert la solidarité dans l'effort;
distributive en ce qu'elle suppose une répartition équitable des bénéfices ou des dividendes de la croissance au sein de la population. Dans ce cas, elle repose sur la solidarité dans le partage.

En définitive, la croissance inclusive a comme fondements la participation et l'équité sociale. Elle est, de ce fait, à la fois, "positive et normative". Elle est la combinaison de ce qui doit être et de ce qui devrait être.

La croissance inclusive est une résultante des politiques économiques et sociales menées. Demander si la croissance est inclusive, c'est bien. Mais s'interroger si les politiques sont inclusives, c'est mieux.

Mesdames et messieurs,

Comment mesure-t-on concrètement la croissance inclusive ou se rend t'on compte que la croissance est devenue inclusive ou tend à la devenir?

De la panoplie des mesures proposées, l'approche de l'OCDE est la plus usitée par les auteurs. Elle mesure la croissance inclusive à partir de "l'indicateur du niveau multidimensionnel de vie".

Le niveau multidimensionnel est un indice composite. Il comprend:
un indicateur monétaire, à savoir l'incidence de la pauvreté, précisément la pauvreté monétaire et;
un indicateur non monétaire, l'espérance de vie à la naissance.



La croissance devient inclusive lorsque l'indicateur du niveau multidimensionnel augmente.



Quelles différences entre "croissance pro-pauvre, croissance inclusive et développement humain?

Toute croissance inclusive est pro-pauvre mais toute croissance pro-pauvre n'est pas inclusive.

La croissance pro-pauvre est celle qui permet de réduire le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 1,25 dollars américains par jour. La croissance pro-pauvre se focalise ainsi sur les populations vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Par contre, la croissance inclusive concerne l'ensemble de la population. Par ailleurs, elle est multidimensionnelle en ce qu'elle intègre tant les éléments monétaires que non monétaires.

Le développement humain s'entend comme l'élargissement des choix offerts à chacune et à chacun, en se préoccupant de la richesse de la vie humaine non seulement de la richesse du pays. Il se mesure à partir d'un indice composite axé sur trois dimensions fondamentales du développement humain: la capacité de vivre longtemps et en bonne santé, mesurée par l'espérance de vie à la naissance, la capacité à acquérir des connaissances, mesurée par la durée moyenne de scolarisation et la durée attendue de scolarisation et la capacité à atteindre un niveau de vie décent, mesurée par le revenu national brut par habitant ajusté à la parité des pouvoirs d'achat.

La croissance inclusive peut être créatrice du développement humain au regard de sa composante "espérance de vie à la naissance" mais elle est moins globalisante que le développement humain.

La croissance en RDC est t'elle inclusive?

Première question: y' a t'il croissance en RDC?

Réponse: oui, la RDC est en phase de croissance depuis 2002 au regard de l'augmentation soutenue et durable de la production intérieure.

Entre 2002 et 2015, le cumul de croissance a été de 91,6%, soit une moyenne de 6,5% par an.

Quels sont les ressorts ou les facteurs explicatifs de cette croissance au regard de trois approches de détermination de la production?

En rapport avec "l'approche par la valeur ajoutée", la croissance de la RDC est localisée, depuis 2002, au niveau des secteurs extractifs, de l'Agriculture, des télécommunications et des bâtiments et travaux publics;

En rapport avec "l'approche par la dépense", la croissance de la RDC est justifiée par:
l'expansion des investissements publics et privés, les premiers en relation avec les grands travaux d'infrastructures, les seconds en lien avec le bon comportement du secteur extractif notamment;
l'augmentation de la consommation publique et privée. La première expliquée par les effets positifs sur le pouvoir d'achat de la stabilité du niveau général des prix et la seconde résultant des effets induits de l'augmentation de la valeur ajoutée dans le secteur extractif.

En ce qui concerne l'approche par les revenus, les profits des entreprises minières ont augmenté, en ce compris les revenus salariaux distribués au personnel. Par ailleurs, le volume des salaires dans le secteur public augmente d'année en année.

Les effets distributifs de l'expansion économique sont captés à travers les redéploiements des dépenses financées par l'État dans les secteurs de la santé, de l'éducation, des infrastructures de base, de l'agriculture, de transport aérien et en commun…

Deuxième question: est-elle inclusive ou profite t'elle au plus grand nombre?

La réponse à cette question est faite à partir de l'évolution de l'indice du niveau multidimensionnel de vie.

En effet, s'agissant de l'indice du niveau multidimensionnel de vie, ces deux composantes, à savoir l'espérance de vie à la naissance et l'incidence de la pauvreté ont évolué comme suit:

Concernant l'espérance de vie à la naissance, de 45 ans en 1990, elle est passée à 53 ans entre 2002 et 2005. Elle est située en 2014 à 58,7 ans d'après le dernier rapport du PNUD sur le développement humain.

Quant à l'incidence de la pauvreté, de 85% en 1990, elle a été établie à 71% entre 2002 et 2005, pour se situer à 63% entre 2010 et 2015.

L'indice du niveau multidimensionnel est obtenu en convertissant les deux composantes en indice et en les mettant en rapport. Cet indice qui mesure l'inclusivité de la croissance est passé de 100 en 1990 à 141,1 entre 2002 et 2005 pour se situer à 175,9 entre 2010 et 2015.

Ainsi, le niveau multidimensionnel de vie a augmenté de 25% entre 2002 et 2015, soit une moyenne de 2% l'an contre 6,5% par an pour la croissance de l'activité.

Réponse: la croissance de la RDC, au regard de l'évolution de l'incidence de la pauvreté, est pro-pauvre et devient de plus en plus inclusive.

Cependant, l'ampleur de l'incidence de la pauvreté demeure élevée. D'où la nécessite de poursuivre, sans désemparer, avec des politiques visant la réduction de la pauvreté.

Au regard de l'évolution de l'indice de niveau multidimensionnel de vie, la croissance de la RDC devient de plus en plus inclusive ou s'inclusive. Mais le chemin à parcourir pour qu'elle devienne vraiment inclusive reste très long.

En effet, l'écart entre le résultat de croissance économique (6,5% en moyenne annuelle entre 2002 et 2015) et l'évolution du niveau multidimensionnel (2% en moyenne annuelle au cours de la même période) reste très important. Ainsi, lorsque la richesse intérieure varie de 1%, le niveau multidimensionnel ne croit que de 0,3%.

Que faire au regard de l'impatience de la population attestée par la demande sociale de plus en plus pressante en termes de ré-qualification des conditions de vie?

La recommandation principale a deux volets:

Primo, maintenir, sur une longue durée, la croissance forte, résiliente et de "grande modération". Cette dernière est celle qui est compatible avec la stabilité du niveau général des prix, du système financier et des chocs structurels.

Secundo, accélérer la mise en œuvre la transformation structurelle de l'économie congolaise et les politiques inclusives y associées pour accroitre les effets de redistribution et d'inclusivité surtout dans les principaux domaines ci-après:
accès à une alimentation saine et suffisante à travers la duplication des parcs agro-industriels, la poursuite des grands travaux d'infrastructures reliant les grands bassins de production, la réhabilitation des pistes rurales pour permettre l'évacuation des produits se trouvant dans l'arrière-pays;
accès à l'eau et à l'électricité à travers les politiques et les réformes entreprises dans ce secteur en matière d'adduction en eau potable, le développement des microcentrales, la réhabilitation de INGA 1, la réalisation de INGA 3…;
accès aux logements décents à travers des politiques à mettre en œuvre en rapport avec les logements sociaux;
promotion et préservation du travail, promotion de l'esprit d'entreprise (programme d'incubation) et facilitation pour l'accès à l'emploi (favoriser l'appariement entre l'offre et la demande du travail à travers l'adaptation de l'enseignement aux priorités de développement) ;


augmenter les allocations publiques pour la mise en œuvre des politiques sectorielles permettant:

- l'accès à des soins de santé de qualité et la garantie de la sécurité sociale;

- l'accès à l'éducation et à la formation de qualité;

- la lutte contre les inégalités de toutes sortes;

- l'accès au dividende démographique défini comme le regain de la croissance imputable à la modification des pyramides d'âge.



J'espère que ma communication, même si à certains moments elle avait des accents rébarbatifs, a été inclusive. Je vous remercie.
Vincent Ngonga Nzinga
Directeur de Cabinet Adjoint chargé des Questions Economiques à la Primature
LIENS COMMERCIAUX

[VIDEOS][carouselslide][animated][20]

[Musique][vertical][animated][30]

 
Top