Les infidélités des hommes ne sont pas une raison valable pour qu’à Kinshasa, leurs femmes exigent le divorce. Alors que ce motif, prouvé ou non, est régulièrement évoqué par les maris qui veulent se séparer d’elles, souvent pour rejoindre leur deuxième "bureau" ou maîtresse. Une discrimination de plus envers les femmes.

"L’infidélité de la femme est le motif le plus couramment évoqué par les hommes, même si elle n’est pas prouvée", font remarquer les avocats qui défendent les femmes dans les procès en divorce. Les coutumes, qui n’acceptent pas l’infidélité de la femme s’accommodent, en revanche, fort bien de celles des hommes qui ne sont jamais condamnés pour cela.
"Elle est infidèle et ne m’obéit plus", affirme Philippe Longobanga dans sa demande de divorce, alors que lui-même avait déjà installé un "deuxième bureau" dans le même quartier que son épouse. Un autre homme qui accusait aussi sa femme de se méconduire, a vendu la maison héritée de son défunt père, après avoir chassé son épouse et ses enfants. L’homme vit depuis avec l’une de ses maîtresses…
Certains maris évoquent aussi les propos discourtois de leur femme, les injures, l’abandon quand ils étaient malades, l’orgueil, la frivolité, l’insoumission, l’absence d’affection, le mensonge, le mépris, les invectives, la séropositivité...
Lorsqu’un couple demande le divorce, les juges tentent d’abord de le convaincre de ne pas le faire. "Nous n’acceptons l’affaire au tribunal qu’après avoir épuisé toutes les tentatives de conciliation et si la désunion est irrémédiable", déclare un officier du ministère public. Une fois le divorce prononcé, il reste à régler la garde des enfants mineurs et le partage du patrimoine.
Les femmes ne reçoivent pas de pensions alimentaires pour élever les enfants, même quand le tribunal en a décidé ainsi. C’est le parent le plus aisé, souvent le père, qui a la garde des enfants. "C’est parce que nous sommes généralement pauvres", explique Aubin Kayombo, dont la grande sœur, chassée par son mari, n’a pas pu revoir ses enfants depuis près de trois ans maintenant. Handicapées par la coutume, les églises, les lois en vigueur et la pauvreté, ces Congolaises sont généralement les grandes perdantes de ces divorces.

DIVORCER "POUR FUIR LES VIOLENCES DOMESTIQUES"
Dans beaucoup de familles, on n’accepte pas que les femmes demandent le divorce. "Tout de suite, elle est indexée par la société qui la traite d’insoumise, d’insatisfaite sexuelle et de personne en quête de libertinage sexuel", explique Jeanine Gabrielle Ngungu, coordonnatrice nationale de la campagne " Nous pouvons RDC ". Mais, les femmes ne le font pas de gaieté de cœur. "Nous demandons le divorce pour fuir les violences domestiques, devenues insupportables", expliquent-elles la plupart du temps.
"Pendant les onze ans de notre mariage, mon mari me disait régulièrement qu’il ne m’avait jamais aimée, que je n’étais pas la femme de son choix, qu’il vivait avec moi à cause des enfants. Pour cela, il rentrait toujours tard et ne mangeait presque plus à la maison. Il a même fini par engrosser une jeune fille dans le quartier », raconte-t-elle, attristée.
Les femmes n’évoquent presque pas ou rarement l’infidélité de leur mari "parce que personne ne peut nous écouter à ce sujet", assure Ruth, dont le mari avait fait un enfant à la bonne de la maison.
D’autres demandent la séparation parce que leur mari a versé la dot pour en épouser une autre et abandonner les enfants… Les juges sont unanimes à estimer qu’après toutes les tentatives de conciliation, il est préférable que le divorce soit prononcé dans l’intérêt des époux quand la désunion du couple est irrémédiable.
La plupart de ceux qui ont divorcé le regrettent par la suite. Les hommes, parce qu’ils ne retrouvent pas une épouse aussi dévouée que la première, et les femmes parce qu’elles ont perdu le statut juridique de femme mariée, sont stigmatisées par la société et abandonnées par leurs familles, surtout lorsqu’elles ont peu de biens…
Pour épargner les femmes des procès longs et onéreux et des jugements désagréables, certains avocats leur conseillent la séparation de corps qui est un divorce de fait. A cette différence que la femme garde ses droits d’être nourrie, vêtue, soignée et logée par son mari… Encore faut-il que ce dernier accède à cette sollicitation.
Didier KEBONGO
*Ce reportage est réalisé avec l’appui de l’IRC à travers son Programme de protection et autonomisation de la femme, en partenariat avec l’UCOFEM.

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