LA PROBLEMATIQUE



La RDC est à son énième dialogue politique. Comment mettre fin à ce cycle infernal des crises et des « dialogues » politiques, qui retardent le développement de ce pays ?



Dans notre huitième tribune intitulée : « La RDC, un royaume d’aveugles conduit par des borgnes », nous avons relevé la désaffection des populations vis-à-vis des élites en général et des leaders politiques en particulier et le fossé qui les sépare.



Nous avons aussi indiqué que cette désaffection se manifeste de différentes manières dont :



Le faible niveau d’adhésion des populations aux partis politiques ;
Le faible niveau des cotisations des membres dans les caisses de leurs partis politiques, contrairement aux fidèles des églises ;
Le faible lien politique et idéologique des membres vis-à-vis du leadership de leurs partis. En effet, on constate que les membres des partis politiques sont plus portés vers des attachements affectifs ou des intérêts personnels qu’aux valeurs portées ou proclamées par leurs partis ;
Les suffrages des électeurs sont généralement exprimés vis-à-vis des personnes plutôt qu’en faveur des partis ou de leurs programmes politiques ;


La faible taille électorale des principaux partis politiques du pays, comme on peut le constater à l’annexe n°1 de la huitième tribune.


Ainsi, les tailles respectives des principaux partis politiques de la RDC, de la Majorité comme de l’Opposition, sont en constante dégradation, quand on passe en revue les résultats des rares élections législatives pluralistes organisées dans notre pays de 1960 à ce jour (1960, 1965, 2006 et 2011).



Cette défiance vis-à-vis des partis politiques et de leurs dirigeants peut s’expliquer, pour la période allant des années 60 aux années 90, par le déclin criant qu’a connu le pays sur le plan politique, économique et social, ainsi que par le ressentiment qu’a le peuple vis-à-vis de l’homme politique considéré à tort ou à raison comme menteur et égocentrique.



Mais ces raisons sont-elles suffisantes pour expliquer la même défiance pour la période allant de 2001 à 2015 ? Si le nouveau pouvoir avait favorisé le dialogue vertical avec le peuple et fait auprès de lui sa « cure d’âme » de politicien égocentriste tirant tous les avantages de la croissance, n’aurait-t-il obtenu plus d’adhésion populaire à son action au regard de remarquables résultats économiques obtenus ?



Car à partir de 2001, le nouveau pouvoir a pu inverser la courbe du PIB qui est passé d’une pente descendante entre 1960 et 2001 à une pente ascendante entre 2001 et 2015.



En effet, le pays a connu une décroissance du PIB qui est passée de 9 milliards en 1960 à 4,3 milliards de dollars américains en 2001 pour passer de ce dernier chiffre à 40 milliards de dollars américains en 2015.

En même temps, il serait bon de reconnaitre que ces résultats réalisés par le Gouvernement pendant cette dernière période (2001-2015) n’ont pas été à la hauteur des attentes du peuple.



Ceci d’autant plus que le peuple apprécie généralement les résultats de l’action du Gouvernement sans tenir compte de l’héritage et des moyens à la disposition de celui-ci, au début de son mandat, et du temps nécessaire pour rattraper les retards accumulés par le pays.



Ayant toujours ignoré l’obligation d’évaluer et de rendre compte, avant, pendant et après le mandat, la majorité au pouvoir dans notre pays n’a-elle pas privé de ce fait au peuple les repères nécessaires à l’appréciation par lui, des résultats de leur action.



C’est de la sorte qu’il faut expliquer le fait qu’en dépit de l’évolution positive des grandeurs macro-économiques, mais à un niveau relatif des grandeurs sociales, ces 15 dernières années, que le pouvoir en place ne soit pas parvenu à inverser tant soit peu la courbe de la défiance populaire vis-à-vis de sa gestion.



Face aux défis économiques et sociaux auxquels la RDC, pays en faillite, doit faire face aujourd’hui, lesquels vont s’aggraver et s’amplifier au courant des 20 prochaines années, dans un contexte internationale en crise, les dirigeants politiques au pouvoir aujourd’hui ou demain ne devraient-ils pas changer de type de leadership.



En 2035, les Congolais seront plus pauvres et plus nombreux à l’être. Le chômage va s’aggraver ainsi que les problèmes de sécurité sociale et de santé publique.

Le phénomène sera imputable, face à la survivance du modèle actuel qui, en politique inchangée, va s’avérer incapable, de mettre au travail, les nouveaux venus sur le marché de l’emploi et donc absorber la bombe démographique qui pointe à l’horizon.



De son attitude actuelle de simple rejet, le peuple va passer à celle de menace de la cohésion nationale et de la stabilité de la nation, quels que soient les courants politiques qui vont se succéder au pouvoir.



Autant le dialogue politique, dit horizontal, pourrait résoudre, provisoirement, la crise qui oppose les acteurs politiques, pour leur dispute du pouvoir, autant il pourrait laisser entière celle qui oppose ces derniers, toutes tendances et toutes générations confondues, au peuple.



Seul le dialogue vertical, entre peuple et dirigeants, pourrait amortir le choc. Et pour cela, une union sacrée et un devoir de solidarité s’imposent à la classe politique pour assumer ce que nous considérons comme étant un bilan historique et collectif à expliquer et à justifier auprès du peuple.



En quoi consiste ce dialogue dit vertical et quels en sont les supports ? Ce dialogue faut-il le limiter au seul cadre national ?



Ne faut-il pas l’ouvrir, de manière permanente, aux partenaires multilatéraux et bilatéraux stratégiques de la RDC, ceux qui pourront accompagner, comme dans le passé, celle-ci dans son œuvre de reconstruction ?







LES CAUSES DE LA DEFIANCE POPULAIRE VIS-A-VIS DE LA CLASSE POLITIQUE


La cause essentielle de la défiance du peuple vis-à-vis des dirigeants politiques est due aux échecs des politiques publiques menées par le pays les 50 dernières années et à l’absence du dialogue entre ceux-ci et le peuple à ce sujet.



Sur le plan politique


Le peuple congolais se rend compte que depuis l’indépendance du pays, les élites politiques n’ont pas réussi à doter le pays d’une bonne gouvernance politique caractérisée par :



des institutions politiques nationales dont la stabilité est garantie par la séparation des pouvoirs ;
des institutions provinciales et locales disposant des vrais pouvoirs et des ressources financières leur permettant de remplir leurs missions aux profits des populations ;
des administrations publiques efficaces et des services de sécurité, de défense non hostiles aux populations ;
des partis politiques et forces sociales à la hauteur des enjeux et servant des relais entre les dirigeants et les masses populaires ;
un dialogue permanent entre les dirigeants et les masses populaires.


Sur le plan socio-économique


Le congolais vit avec moins de 1,50$ par jour. Il se situe ainsi en dessous du seuil de pauvreté, qui aujourd’hui est fixé à 1,80$ par jour.

Le PIB par tête d’habitant de la RDC, soit 500$, est parmi les plus bas de l’Afrique et du monde.



Ses finances et son économie publique sont en faillite.



Son taux de chômage, soit ± 50% de la population active, est parmi les plus élevés de l’humanité.



Cette situation s’inscrit dans le contexte d’une économie dont le tissu industriel est embryonnaire ; dépourvue d’une matrice intersectorielle intégrée, produisant ce qu’elle ne consomme pas et consommant ce qu’elle ne produit pas.



Une économie sans infrastructures de base et sans réseau routier :



000 km des routes d’intérêt général modernisées à moins de 10%, soit 5.000 km ;
000 km de routes de dessertes agricoles entretenues à 10%.


Un taux de bancarisation de l’économie de 5%.



Un taux de desserte en énergie électrique ne représentant que 9% des besoins de la population et de l’économie, tandis que celui de la desserte en eau potable se situe en dessous de 30%.



Une sécurité sociale non organisée.











LES CAUSES DES ECHECS DES POLITIQUES PUBLIQUES


Héritage politique colonial et néocolonial


Le professeur Kasongo Numbi enseigne à ses étudiants que les immatriculés ou les évolués ayant constitué les élites congolaises à l’indépendance, ont remplacé les Belges concernant les privilèges pour lesquels, avant eux, ceux-ci avaient remplacé le Roi Léopold II, qui, lui-même, avait remplacé TIPO-TIP, l’Arabe qui régnait sur le basin du Congo. Il conclut que les indigènes ont changé de maître, mais jamais leur sort.



Ces élites n’avaient pour préoccupation que de remplacer les colons blancs et devenir de ce fait le nouvel occupant. Elles n’avaient pas une vision ni un projet alternatif, n’ayant pas été associées à la gestion publique par la métropole. Le colon était démocrate chez lui et oppresseur en colonie



Ces élites devaient construire la démocratie sans expérience démocratique et la République, sans culture républicaine. N’ayant connu que la dictature du régime colonial, de l’occupant étranger et le régime monarchique ancestral, les élites congolaises se sont érigées en nouveaux occupants face à leurs compatriotes dits « indigènes ».



Elles devaient aussi doter le pays d’une économie nationale, sans repère sur ce que devait être une économie nationale intégrée.







Jusqu’à ce jour, les descendants d’évolués que nous restons, nouveaux occupants, n’avons pas encore compris que l’amorce de la construction d’une économie nationale, commence par l’exploitation et le traitement du fer, du bois, etc. Le fer, qui est le plus grand gisement minier qui nous ayons ainsi que nos forêts, sont restés à ce jour inexploités.



Nous continuons ainsi avec la logique d’une économie de cueillette, basée sur le cuivre, le coton, le caoutchouc, etc. ; économie coloniale, qui avait pour vocation de compléter les besoins en in-puts de l’industrie occidentale.



Nous avons aussi maintenu jusqu’à ce jour une politique monétaire et bancaire dont le système, très étroit est axé sur l’économie extérieure et les seuls « privilégiés » vivant dans les villes.



Le petit commerce qui était entre les mains des étrangers ou des évolués nationaux, reste toujours à ce jour entre les mains de ceux-ci et dans des conditions qui excluent les nouveaux « indigènes ».



Nous avons renforcé les lois léopoldiennes en confisquant aux « indigènes », le premier moyen de production des richesses, les terres. Celles-ci sont parties du domaine léopoldien ou belge pour le domaine public de l’Etat congolais dont la gestion est loin d’être démocratique quant à l’affectation du sol et du sous-sol. Nous nous sommes accaparés ainsi, à travers les domaines public ou privé de « l’Etat », de toutes les terres, y compris de celles qui, pour les raisons historiques, auraient pu être concédées formellement (avec titres) aux communautés locales.





Après la confiscation des terres auxdites communautés s’en est suivi celle du pouvoir local et des ressources lui dévolues par les lois, en même temps que sont toujours reportées sine die, les élections de proximité. Elections qui auraient permis de constituer une passerelle institutionnelle entre la base et le sommet et installer le dialogue.



Inexistence des vrais partis politiques et forces sociales organisés comme relais entre les masses et les élites dirigeantes


L’absence des partis politiques disposant d’une forte légitimité et d’un ancrage sociologique réel ne permet pas de faire de ceux-ci des intermédiaires entre le pouvoir politique et les différentes composantes de la société.



L’inexistence des syndicats des travailleurs capables de servir des relais entre le pouvoir politique et le monde des travailleurs d’une part, et entre celui-ci et le patronat d’autre part prive à la société un élément important de sa cohésion.



L’absence d’un syndicat patronal fédérateur des toutes les branches de l’activité économique, gage d’un contrat viable entre l’Etat et le monde des affaires, privent à ces deux corps une passerelle essentielle.



La faiblesse d’une presse qui ne dispose pas des moyens de son indépendance et de son efficacité, dans sa mission de communication et information, est un frein à tout dialogue social.



Pour les églises, à cause de leur émiettement, l’absence d’un soubassement religieux et spirituel commun, prive à la société un facteur essentiel à sa cohésion et à sa stabilité.

Nature des investissements et leurs effets sociaux


Dans le cadre de la division internationale du travail, pendant longtemps, les investissements dans les pays pauvres étaient destinés essentiellement à l’exploitation des matières premières qui laissent peu de surplus aux populations locales du fait que ces investissements créent peu de valeur ajoutée et sont à capital intensif. Ils suppriment les emplois et créent le chômage en augmentant le nombre d’exclus.



L’accumulation du profit par la petite minorité capitaliste à travers la sous-rémunération des salariés, contribue à la réduction des débouchés et opportunités de croissance de l’offre globale. Ce qui bloque ainsi le modèle capitaliste actuel et généralise la crise à l’échelle internationale.



Survivance d’un modèle colonial mal appliqué


Le modèle économique colonial s’articulait sur le principe selon lequel le coût social d’une minorité des privilégiés était supporté et financé par l’exploitation de nombreuses communautés indigènes.



Les élites congolaises qui ont pris la relève du pouvoir colonial, ont cherché à élargir le cercle des privilégiés en généralisant les privilèges. Ils ignoraient qu’ils ne disposaient pas, comme le colon, d’un espace des forces sociales à exploiter, les anciens travailleurs noirs ayant été « libérés » de la logique d’exploitation et de domination. La nouvelle approche des « évolués », consistant à élargir le cercle des privilèges, de manière disproportionnée, a rompu l’équilibre du modèle d’expansion économique.



Au-delà de la généralisation des privilèges, généralisation financée anciennement par le surplus économique, le processus est allé jusqu’à la distribution du capital productif aux élites. Souvenons-nous de la politique de zaïrianisation. Ce fut l’aggravation de la faillite. Car on a ainsi tué la poule aux œufs d’or.



Les dirigeants politiques que nous sommes, ne sommes pas encore parvenus à créer le travail pour tous et à convaincre le peuple ainsi que les élites sur la nécessité de concilier les contraintes économiques et les aspirations socioculturelles enfin d’obtenir d’eux l’adhésion au principe de travailler plus et de gagner moins. Ce principe reste la condition pour relancer l’œuvre d’édification et du développement de la nation.



Ici aussi, le déficit démocratique et de dialogue est resté criant.


LIENS COMMERCIAUX

                                                    MAGAZINE HESHIMA                                                      HESHIMA MAGAZINE BIMESTRIEL № 35 , AOUT 2022 / PRIX 10 $


 

Passez votre commande au N°+243 851 134 444, www.heshimardc.net 

Prix 10$

Point de vente : Psaro, City Market, Monishop, Memling.

Le magazine qui bat au rythme de l’actualité.

 
Top