De passage à Paris, Léonard She Okitundu, ancien ministre congolais des Affaires étrangères et membre du bureau politique de la Majorité présidentielle (MP), a confié à Jeune Afrique la position de la coalition au pouvoir sur l'actualité brûlante de la RD Congo. Entretien.



Léonard She Okitundu fait sans doute partie des rares personnes qui sont consultées, de temps en temps, par le président Joseph Kabila. À trois reprises d’ailleurs le chef de l’État congolais l’a dépêché à Bruxelles auprès de l’opposant historique Étienne Tshisekedi pour convaincre ce dernier de participer audialogue politique souhaité par Kabila en RD Congo.

Entre deux rendez-vous à Paris où il a séjourné récemment, l’ancien ministre congolais des Affaires étrangères, aujourd’hui sénateur et membre du bureau politique de la Majorité présidentielle (MP), est revenu pour Jeune Afrique sur les faits saillants de l’actualité en RD Congo.

Jeune Afrique : Pourquoi la MP jubile-t-elle après le prononcé de l’arrêt de la Cour constitutionnelle sur la fin du mandat du président Joseph Kabila ?

Léonard She Okitundu : Nous ne jubilons pas. Nous sommes plutôt satisfaits de la décision prise par la Cour constitutionnelle. D’autant qu’en réalité c’est l’opposition qui avait soulevé ce débat pour contester la manière dont le pouvoir s’exercerait dans la République au cas où la présidentielle ne serait pas organisée dans les 90 jours précédant l’expiration du second mandat du président Joseph Kabila.

Pour nous, ce débat n’avait pas de sens car la Loi fondamentale congolaise a tout fait dans ses dispositions pour éviter la vacance du pouvoir institutionnel à tous les niveaux, que ce soit au niveau des assemblées provinciales qu’à celui du Parlement ou de la présidence de la République. Joseph Kabila restera donc en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu.

Cet arrêt autorise-t-il implicitement, comme certains au sein de l’opposition le craignent, la mise en place d’une transition politique à l’issue du second et dernier mandat du président Kabila ?

Je ne voudrais pas rentrer dans la confusion des concepts ou des termes. Certains qualifient de transition cette période entre le moment où le mandat expire et le moment où le président élu est effectivement installé ; d’autres en revanche parlent d’intérim.
Kabila restera en fonction en attendant la 
présidentielle

Il faut préciser qu’il ne s’agit pas de l’octroi d’un nouveau mandat. Il n’y aura donc pas de troisième mandat pour Joseph Kabila, la Constitution étant claire à ce sujet. Mais le président actuel restera en fonction en attendant que l’élection présidentielle ait lieu et que le nouveau chef de l’État soit connu pour lui passer le flambeau.












Que répondez-vous à ceux qui considèrent qu’ayant été incapable d’organiser la présidentielle dans les délais comme l’exige la Constitution, Joseph Kabila ne peut pas rester en fonction à l’issue de son mandat ?

En RD Congo, le pouvoir organisateur des élections, c’est la Commission électorale nationale indépendante. Celle-ci a été confrontée à plusieurs problèmes à la fois techniques et financiers. Avant tout, il y a eu des blocages pour l’organisation des élections en retard (les locales et les sénatoriales n’ont pas été organisées depuis 2006 et 2007). Plus tard, le calendrier global des élections a été jugée irréaliste. Il fallait tenir compte de près de 10 millions de nouveaux majeurs, et des Congolais de l’étranger. Aussi fallait-il mettre à jour le fichier électoral.


À cela s’ajoute la question financière : les élections coûtent environ 1,2 milliard de dollars. Malheureusement, il n’a pas été possible d’économiser les fonds nécessaires à cause de la guerre à l’Est qui a été un gouffre financier. Car il y a eu également l’effondrement des cours des matières premières.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas privilégier les élections présidentielle et législatives, deux scrutins soumis aux délais constitutionnels ?



Il nous faut de bonnes élections qui ne génèrent pas des conflits post électoraux
À supposer que le gouvernement réunisse les moyens pour organiser ces deux scrutins dans les délais constitutionnels, d’autres contraintes techniques ne sont pas pour autant résolues : l’enregistrement des nouveaux majeurs et des Congolais de l’étranger notamment. Il y a un délai incompressible pour procéder à la révision du fichier électoral : il nous faut de bonnes élections qui ne génèrent pas des conflits postélectoraux.
Pour vous, il n’est donc plus possible d’organiser la présidentielle dans les délais.
Si on se contente du fichier électoral actuel et on ne tient pas compte de nouveaux majeurs et des Congolais de l’étranger, c’est encore possible. Mais dans ce cas, on exclurait plus de 10 millions de Congolais. Une telle hypothèse n’est pas imaginable.




En attendant, l’État congolais ne parvient toujours pas à mettre fin aux massacres à répétition des populations à Beni, dans le nord-est du pays…


La situation à Beni est complexe. C’est un coin de la République où l’on constate une forte implication internationale. Des groupes armés qui y pullulent bénéficient du soutien et de la complicité de certains pays limitrophes. C’est pourquoi d’ailleurs le Conseil de sécurité de l’ONU a mis en place une brigade d’intervention pour renforcer les forces armées nationales. Mais on demande trop à la RDC.


Protéger les civils à Beni, est-ce trop demander à l’État congolais ?



Faut-il rappeler que la RD Congo est sous-embargo ? On demande à un pays d’assumer ses prérogatives régaliennes et en même temps on l’empêche d’acheter les matériels qu’il faut pour combattre les groupes armés.


Certes, l’État congolais a l’obligation de protéger sa population en sécurisant l’est de son territoire, mais des pressions doivent aussi être faites auprès des pays limitrophes pour qu’ils respectent leurs engagements souscrits dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, en s’abstenant de soutenir les groupes armés sur le territoire congolais.

Le dernier rapport du groupe d’experts onusiens sur la RD Congo indique que des pistolets avec des caractéristiques « similaires à ceux fabriqués en Corée du Nord » ont été livrés à certains officiers congolais. Qu’en est-il ?



Je n’ai pas d’informations précises à ce sujet. Mais si cela s’avère vrai, la communauté internationale n’a qu’à assumer les conséquences de l’embargo sur les armes imposé à la RD Congo. Qu’à cela ne tienne, notre pays ne doit pas être condamné parce qu’il se procure des armes où elles se trouvent pour protéger et défendre sa souveraineté nationale.


Sur le plan politique, le dialogue annoncé n’a toujours pas commencé. Qu’est-ce qui bloque ?

Nous voulons que le dialogue soit inclusif




Le blocage n’est ni de la responsabilité du chef de l’État ni celle de la Majorité présidentielle (MP). Ce qui bloque aujourd’hui, c’est la question de l’inclusion de la partie prenante dite « opposition politique ». La MP a déjà désigné ses 12 délégués, mais en face, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) voudrait d’abord prendre 6 délégués pour son compte, puis octroyer les 6 autres au reste de l’opposition. Et le parti d’Étienne Tshisekedi ne considère pas les dissidents de la majorité – Vital Kamerhe et le G7 notamment – comme des opposants. C’est donc un débat interne à l’opposition qui bloque le dialogue. Nous voulons que le dialogue soit inclusif.


Au même moment, le pouvoir multiple ces derniers mois les cas d’intimidation et d’arrestation d’opposants : répression des manifestations, détention des prisonniers politiques… N’est-ce pas contradictoire ?


Il n’y a pas de prisonnier d’opinion en RD Congo. Il y a, à chaque fois, un fait d’ordre pénal qui est reproché à tel ou tel individu. La RD Congo demeure un État de droit, avec ses insuffisances certes, mais on ne peut pas considérer que la situation des droits de l’homme dans notre pays est dramatique.
Moïse Katumbi, considéré désormais comme le principal rival du président Kabila, se retrouve dans le collimateur de la justice. Une « procédure politique », selon plusieurs observateurs. Que répondez-vous ?


Moïse Katumbi n’est pas un adversaire

Pour nous, Moïse Katumbi n’est pas un adversaire. Il ne faut pas confondre populisme et popularité. Les Congolais savent faire la part des choses entre le comportement électoral et le soutien à une équipe de football ou au président de celle-ci. Il faut relever également que le fait d’être candidat à la présidentielle ne l’exonère pas de ses responsabilités par rapport à certains faits qui sont infractionnels.

Mais la coïncidence entre sa déclaration de candidature et l’ouverture des poursuites est plus que suspecte, selon certains qui estiment que le pouvoir voudrait disqualifier un concurrent… 

C’est un concours de circonstances. Rien avoir avec sa déclaration de candidature à la présidentielle. Des faits concordants sont retenus à sa charge, c’est à lui de prouver qu’il n’y est pour rien, assisté de ses avocats. Mais si ces faits sont avérés, Moïse Katumbi en subira effectivement les conséquences. Pour l’instant, il est toujours présumé innocent.


La MP se prépare-t-elle de son côté à la présidentielle ou compte-t-elle uniquement sur le maintien de Kabila au pouvoir au-delà de son mandat ?


Nous sommes prêts. Si le calendrier électoral est publié par la Ceni, nous assumerons nos responsabilités et nous indiquerons qui sera notre candidat.
Beaucoup parlent du trio Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, Augustin Matata, Premier ministre, et Évariste Boshab, vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur…
Que des supputations ! La question n’est pas encore à l’ordre du jour.

JeuneAfrique

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