Signé depuis le 31 décembre dernier, l’accord politique entre la majorité et l’opposition s’enlise dans des tractations sans fin sur le partage du pouvoir. Un blocage qui fait craindre un nouveau glissement du calendrier électoral alors que l’organisation des prochains scrutins en décembre 2017 est loin d’être garantie.
L’accord de la Saint-Sylvestre signé entre le pouvoir et l’opposition devait mettre fin à la crise politique en République démocratique du Congo (RDC) et à l’incertitude dû au report de l’élection présidentielle pourtant prévue fin 2016. Le compromis prévoit que le chef de l’Etat reste en fonction jusqu’à l’élection de son successeur en décembre 2017 et le poste de Premier ministre ainsi que le Comité national de suivi de l’accord (CNSA) doivent être confiés au Rassemblement de l’opposition dirigé par Etienne Tshisekedi. Mais presque trois semaines après sa signature, l’accord est toujours bloqué en rase campagne.

Un accord toujours en négociation

Malgré la signature apposée par les principaux leaders de la majorité et de l’opposition, plusieurs points (pour ne pas dire la quasi intégralité) de l’accord sont toujours en discussion. « La signature de l’accord était symbolique, mais sa mise en oeuvre est politique » résume un membre de la majorité, qui confirme ainsi que que l’application de l’accord de la Saint-Sylvestre prendra encore du temps… beaucoup de temps. En résumé : tout bloque. La plénière prévue par les évêques vendredi afin de régler les « arrangements particuliers » de l’accord a été reportée samedi, puis dimanche et pourrait se poursuivre en toute la semaine prochaine. Concernant le poste de Premier ministre réservé au Rassemblement, la majorité tente de jouer la confusion en demandant à la plateforme, qui s’est pourtant mis d’accord sur le nom de Félix Tshisekedi, de proposer plusieurs candidats pour que le président Kabila puisse choisir le futur chef de son exécutif. Une exigence « en contradiction avec l’accord du 31 décembre », selon le Rassemblement, qui fait redoute la nomination d’un Premier ministre « plus malléable » que le fils Tshisekedi.

Bataille des postes ministériels

Autre problème à la tête de l’exécutif : l’actuel locataire de la Primature, Samy Badibanga, issu de l’opposition et nommé à l’issu du précédent accord politique d’octobre, ne veut de signer celui de décembre et refuse de démissionner. Une situation de bloquage qui pourrait pourtant être très vite réglée par le président Kabila, mais que ce dernier prend un malin plaisir à faire durer. Du côté du nouveau gouvernement, c’est plutôt la bousculade pour obtenir un maroquin. Le MLC, représentée par Eve Bazaïba, avait un temps retardé la signature de l’accord de la Saint-Sylvestre, n’ayant obtenu aucun poste, avant finalement de valider la négociation des évêques. Roger Lumbala, du RCD-N, de retour d’exil après les mesures de décrispation politique, s’est aussitôt rué au centre Interdiocésain de Kinshasa pour s’assoir à la table des discussions. Une chose est sûre, le nombre des ministres de ce gouvernement de transition risque d’être pléthorique. D’autant que la majorité, qui espère ne pas lâcher toutes les rênes du pouvoir aussi rapidement, revendique 65% des membres du gouvernement et du Comité national de suivi de l’accord. En clair, la bataille des postes prime, pour le moment, sur la mise en oeuvre de l’accord.

La CENI recherche toujours des financements

Autre source d’inquiétude : les mesures de décrispation politique (libération d’opposants ou arrêt de poursuites judiciaires) sont décrétées au compte-goutte. Si Roger Lumbala a vu ses poursuites judiciaires abandonnées, comme certains membres du mouvement citoyen Lucha, de nombreux autres opposants sont toujours en prison, comme Moni Della (malgré son amnistie), Jean-Claude Muyambo, Diomi Ndongala ou Moïse Katumbi, en exil judiciaire en Europe. Sur ce dossier encore, le pouvoir joue la montre et distille les mesures de décrispation « a minima » en fonction de la capacité de nuisance supposée de l’opposant. Dernier point noir : la situation de la Commission électorale (CENI) , cheville ouvrière de l’organisation des élections. L’opposition a demandé aux membres de la Commission et à son président de démissionner, comme le permet l’accord de décembre. La CENI est considérée par l’opposition comme l’institution qui a torpillé l’organisation des élections pour permettre au président Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de son dernier mandat. Son principal prétexte pour retarder le processus électoral a été le manque de ressources financières. Un argument encore d’être d’actualité puisque le prochain cycle électoral est estimé à 1,8 milliard de dollar… une somme colossale comparée au budget de l’Etat congolais qui a été ramené cette année à 4 petits milliards de dollars. La CENI est donc toujours en quête d’argent.

Tous sur le Titanic ?

Au milieu du guet, l’accord de la Saint-Sylvestre n’a pour l’heure rien résolu, si ce n’est de calmer (un temps) la population et de minimiser ainsi le risque d’embrasement. On se souvient qu’en septembre 2016, les manifestations anti-Kabila avait fait au moins 40 morts, selon les ONG internationales. En partageant le pouvoir et en distribuant des miettes de ministères à la moindre personnalité politique un temps soit peu représentative, le camp présidentiel espère ainsi éviter toute contestation populaire. Une stratégie (pour l’instant) payante, mais qui risque toutefois de se heurter rapidement à l’enlisement du processus électoral et à l’éloignement de tout espoir d’alternance politique. Car, à force de tout négocier, tout le temps, et d’attendre le pourrissement de la situation, la population va finir par se lasser de cette classe politique, plus intéressée par les postes ministériels, que par le bien des Congolais. Une lassitude déjà visible à Kinshasa et dans les grandes villes congolaises. La stratégie de la négociation permanente ne peut durer qu’un temps. Mais n’est-ce pas là l’objectif principal de la majorité, qui espère ainsi faire traîner une nouvelle fois le processus électoral et se retrouver dans l’impossibilité d’organiser la présidentielle en décembre 2017. La CENI a d’ailleurs toujours affirmé qu’elle ne pouvait organiser la présidentielle, « au plus tôt », pas avant mi-2018. Problème : en cas de nouvel échec du processus électoral, c’est l’ensemble de la classe politique congolaise qui sera tenu pour responsable du naufrage démocratique. Majorité et opposition confondues.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia

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