(Un reportage d’Henock Kumbali, Joël Munzungu, Levi’s Nzuzi et Ornella Mukanya, sous la coordination de Yves KALIKAT)


Des écoliers de la ville de Kinshasa se sont réveillés hier sur un mauvais pied. Partis à l’école de bon matin, ils ont vite été dispersés par un groupe de manifestants non identifiés qui se faisaient passer pour des étudiants de l’Université de Kinshasa. De bouche à oreille, la nouvelle s’est répandue comme une trainée au point de paralyser les activités de plusieurs établissements scolaires de la capitale. Reportage.

Nous sommes à Mombele, un des quartiers chauds de la commune de Limete. En cette matinée du lundi 18 septembre, le climat n’est pas habituel dans les contrées qui abritent les établissements scolaires. Depuis 9 heures en effet, écoliers, parents et enseignants sont dans la panique. Ils ont appris, par de folles rumeurs, que des colonnes d’étudiants descendaient dans toutes les écoles pour molester les enfants en uniforme.
Ainsi, pris de panique, les chefs d’établissements et les enseignants ont dû interrompre les cours et libérer leurs élèves. Pour leur part, les parents sont descendus en catastrophe pour récupérer leurs enfants et les soustraire d’éventuels actes de violence. Brusquées par les nouvelles alarmantes alors qu’ils suivaient tranquillement les cours dans leurs salles de classe depuis 7h30, des centaines d’écoliers ont pris le large, envahissant ainsi les rues des quartiers environnants.
Débandade
La panique était telle qu’elle a déclenché des débandades ci-et-là. Au complexe scolaire Saint Félix, une école conventionnée catholique de Mombele, la frayeur s’est vite emparée de tous les occupants. A 10 heures lorsque nous nous sommes rendus sur le lieu, le spectacle était désolant. Des parents affolés s’empressaient de sortir en transportant leurs enfants.
Parti en catastrophe à la demande de son enseignant, un gamin d’une dizaine d’années s’est vite aperçu, une fois dans la rue, que son petit frère était resté à l’école. Il a dû faire volte-face pour aller le récupérer. Mais, confronté à une foule en débandade au niveau de la grille de l’école, il a perdu contrôle et s’est affalé sur le sable, courant ainsi le risque d’être piétiné par des piétons. Attentionné, El Ninho Pitusi, un jeune homme d’une vingtaine d’années, s’est vite dépêché pour lui tendre la main et le relever, le soustrayant ainsi de tout danger.
Une fois dans l’enceinte de l’école, le jeune homme s’est tiré avec un cousin de 4 ans sur les épaules et deux autres petits cousins de 5 et 9 ans, entre les mains. Au moment où El Ninho Pitusi se frayait le passage pour sortir de l’éclos de l’école, d’autres parents se bousculaient aux portillons pour aller à la recherche de leurs petits perdus dans la cour de cet établissement scolaire.

DES POLICIERS IMPUISSANTS
Des cris stridents des écoliers traumatisés fusaient de partout. De même les pleurs, les sanglots des enfants effarés, égarés… qui, visiblement, attendaient des parents qui ne venaient pas. Pas loin de nous, une mère, la cinquantaine révolue, gémissait à haute voix. "Pourquoi seulement moi ? Pourquoi suis-je la seule à ne pas retrouver mes trois enfants dans cette école ? Qu’adviendra-t-il si je ne les trouve pas en vie ?", se lamentait la dame, s’enroulant dans le sable.
Venus ramener de l’ordre, quatre policiers en tenue menaçaient de tirer des balles en l’air pour stopper le mouvement de panique, mais ils ont dû se retenir pour ne pas affoler les enfants. Ils ont fini par se transformer en spectateurs face à ces centaines de parents et élèves en débandade.
"La panique a été aussi au rendez-vous à l’école primaire "La Bonne semence" et "Lys de la vallée", des établissements scolaires privés qui se sont très vite vidés avant même l’arrivée annoncée ’’des hypothétiques assaillants’’", nous souffle Virus Mfuti, un habitant du quartier.

DES ELEVES ENFERMEES
"Notre enseignant nous a enfermés en classe pour que nous ne puissions pas sombrer dans la panique, une fois en dehors de l’école", nous révèle Divine Kumbali, élève en 6ème année des humanités littéraires au complexe scolaire Saint Félix. "C’est seulement à 11 heures, quand la situation s’est apaisée, qu’il a jugé bon de nous laisser partir", soupire-t-elle.
A Mont-Ngafula, Lemba, Matete, N’Djili, Kimbanseke, Masina…. le même mouvement a poussé les chefs d’établissements scolaires à relâcher leurs élèves avant la fin des cours. "Moi, je suis allé récupérer ma fille aux Groupes scolaires du Mont-Amba où on m’a appris que les étudiants de l’Unikin sont descendus pour chasser les écoliers. J’ai dû quitter vite le travail pour me rendre à l’école et ramener mon enfant en lieu sûr, avant de retourner au travail", nous confie un assistant de l’Université Libre de Kinshasa (ULK) au volant de sa voiture.

QUI A VU CES ASSAILLANTS ?
Répandue de bouche à oreille, la rumeur sur la descente des étudiants a eu plus d’emprise sur les esprits que l’attaque elle-même. "Qui a vu ces assaillants ? Qui les a identifiés ? Qui peut attester qu’ils étaient réellement des étudiants… et de l’Unikin ?", s’interrogent bon nombre d’analystes.
"Nous étions en train de suivre les cours au Chantier, une école de Salongo Sud, à Lemba, lorsqu’on est venu nous dire que les étudiants ont ordonné à nos enseignants de nous faire partir, au risque de nous molester. Ils réclameraient que nous puissions rester à la maison jusqu’à ce que le Gouvernement va bien payer nos enseignants", nous explique Lydia B., une finaliste aux humanités, reconnaissant toutefois qu’elle n’a vu aucun étudiant.
Même les écoliers de la maternelle n’ont pas échappé au vent de panique. Etudiant pour la plupart dans des écoles privées, ils sont rentrés tôt à domicile hier, récupérés par leurs parents. "Leurs enseignants seraient-ils aussi sous-payés par le Gouvernement, alors qu’ils dépendent à 100% des privés ?", s’interroge un observateur. "Je crois, conclut-il, que le mouvement enclenché hier voudrait rendre solidaire tout le corps enseignant de Kinshasa, qu’ils soient du secteur privé tout comme du secteur public".

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