Pris dans une polémique après ses propos controversés sur une prétendue « République des métis » qui regrouperait des opposants au régime de Kinshasa, Barnabé Kikaya Bin Karubi s'est confié ce mardi à Jeune Afrique. Le conseiller diplomatique du président de la RD Congo s'excuse, mais assume tout.


Il aura suffi de quatre mots pour déclencher la controverse : « La République des métis. » Un qualificatif lâché par Barnabé Kikaya Bin Karubi et relayé début septembre par le journal français Le Monde. Le conseiller diplomatique principal du président congolais Joseph Kabila taxe ainsi des opposants au régime de Kinshasa, particulièrement Moïse Katumbi, le dernier gouverneur de l’ex-Katangané d’un père juif séfarade originaire de l’île grecque de Rhodes, et Sindika Dokolo, gendre du président angolais sortant Edouardo dos Santos, dont la mère est danoise.


Sur les réseaux sociaux, ces propos ne passent pas. Contactés, plusieurs politiques, opposition et majorité, les désapprouvent. De passage à Paris pour quelques contacts avec les dirigeants français chargés du continent, son auteur s’en explique. Mais revient également sur les derniers « succès » de la diplomatie congolaise.
Jeune Afrique : N’est-ce pas discriminant d’associer Sindika Dokolo et Moïse Katumbi à « La République des métis » ?
Kikaya Bin Karubi : Je présente mes excuses à tous ceux que cette petite phrase a frustré. Mon intention n’était pas de frustrer les gens. C’était juste une petite pique pimentée, une petite phrase assassine – faut-il le dire – pour stigmatiser l’ethnisme, le communautarisme, le tribalisme en RD Congo. J’aurais pu bien parler de la République des ethnies, des tribus, des communautés. C’est cela que notre pays est devenu.


Regrettez-vous aujourd’hui d’avoir prononcé cette « petite phrase assassine » ?
Je regrette la frustration que cela a causée, mais je ne regrette pas la phrase. Parce qu’en la prononçant, je m’attendais à ce que mes compatriotes puissent comprendre que nous devons combattre l’ethnisme, le tribalisme et le communautarisme dans la politique congolaise. C’est uniquement pour combattre ces fléaux que j’ai dit cette petite phrase, que je trouve d’ailleurs sympathique.
Selon vous, les métis constitueraient-ils une tribu ou une ethnie en RD Congo ? Ne les retrouve-t-on pas dans les deux camps, opposition et coalition au pouvoir ?
Ils forment quand même un groupe. Sociologiquement parlant, on peut parler des métis congolais. Tout comme on peut parler des Blancs congolais, des Baluba congolais. Il y a un fait certain : il y a un groupe de métis qui s’oppose au régime en place à Kinshasa. Moi, je voulais combattre cet état de choses, parce que du temps de Maréchal Mobutu, le Congo avait fait un grand pas dans l’intégration des tribus et des ethnies. Le Zaïrois de l’époque était chez lui partout.

Je constate tout simplement qu’à la tête de l’opposition se profilent quelques personnalités qu’on peut qualifier des métis

Mobutu, avec sa politique d’intégration ethnique et de combat contre le tribalisme, l’ethnisme et le communautarisme, était parvenu à faire que le citoyen congolais aujourd’hui soit chez lui partout. Tel est le sens du message que je voulais faire passer : combattre la façon dont la politique est faite aujourd’hui. Mais j’ai été incompris. Encore une fois, si cette phrase a froissé les gens, je m’en excuse.

En RDC, y aurait-il d’un côté une « République des métis » anti-Kabila et celle de non-métis qui serait pro-Kabila ?


Je constate tout simplement qu’à la tête de l’opposition se profilent quelques personnalités qu’on peut qualifier des métis. Je dois par ailleurs apporter une précision : mes enfants ont un arrière grand-père juif. Ce dernier s’appelle Raphaël Sigura. Un Juif arrivé au Katanga presqu’en même temps que le père de Raphaël Katoto Katebe et de Moïse Katumbi. Loin de moi l’idée de stigmatiser qui que ce soit, car dans ma propre famille il y a beaucoup de métis.

L’idée n’était pas de réveiller un débat sur la « congolité »

Et ces métis congolais ont droit de participer à la vie politique de leur pays…
Absolument.
Ne craignez-vous pas que vos propos rouvrent le débat sur la « congolité » des uns et des autres ?
On ne dispute pas la qualité de Congolais des membres du Rassemblement. Ils sont tous Congolais, que je sache. L’idée n’était pas de réveiller un débat sur la « congolité ».
Sur le plan diplomatique, l’Union africaine (UA) vient de soutenir la possibilité d’un nouveau report des élections en RD Congo. Êtes-vous satisfait de cette annonce ?

C’est un succès de la diplomatie congolais, mais aussi une victoire du bon sens. Nos confrères africains ont compris, après une analyse approfondie de la situation en RD Congo, que c’était un rêve de penser que, dans les conditions actuelles, le pays serait à même d’organiser des élections libres et transparentes d’ici la fin de l’année. Raison pour laquelle l’UA a dit clairement qu’il faut accompagner la RD Congo à les organiser à la bonne date. Le plus tôt serait le mieux, pourvu que ces élections soient acceptables. Avec ce que nous venons de vivre au Kenya, je pense que le monde entier devrait s’aligner derrière cette position. Au lieu de pérorer sur une date politique alors que les élections sont beaucoup plus une affaire technique.

Il y a des délais incompressibles qui rendent pratiquement impossibles la tenue de ces scrutins d’ici décembre 2017


N’est-ce pas finalement un blanc-seing de l’UA accordé au régime de Kinshasa de reporter de manière continue ces élections qui devaient déjà avoir lieu avant la fin de l’année 2016 ?


Absolument pas. Ces élections devaient certes avoir lieu en 2016, mais nous savons tous pourquoi elles n’ont pas eu lieu à cette échéance. Puis, nous avons été sous pression au Centre interdiocésain [Lors des pourparlers facilités par les évêques catholiques, NDRL] pour donner une nouvelle date, c’est ainsi qu’on a parlé de décembre 2017 au plus tard. Mais la réalité du terrain vient de prouver que, encore une fois, il y a des délais incompressibles qui rendent pratiquement impossibles la tenue de ces scrutins d’ici décembre 2017.

La machine à voter va nous épargner l’impression des milliers de bulletins de vote


Ceci dit, à la dernière sortie de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), son président, M. Corneille Nangaa, nous a fait comprendre que des efforts sont en train d’être déployés pour organiser les élections le plus tôt possible. Un de ces efforts consiste en l’introduction d’une machine à voter. Cette dernière va nous épargner l’impression des milliers, voire des millions, de bulletins de vote.


Cela va surtout écourter les délais si la Ceni parvient à convaincre la classe politique congolaise de recourir à cette machine à voter. Dans le cas contraire, l’impression des bulletins de vote ne pourra commencer que lorsqu l’on aura déterminé le corps électoral et voté la loi sur la répartition des sièges…
En Afrique, la voix de Kinshasa semble trouver un écho favorable. Pourquoi ne parvenez-vous toujours pas à convaincre les partenaires internationaux non-africains qui maintiennent leur pression sur le régime ?


Cette question doit être adressée à ces partenaires non-africains. Nous, nous continuons notre travail d’explication de la situation de la RD Congo. Tous les pays africains ont condamné les sanctions de l’Union européenne et des États-Unis contre les responsables congolais. C’est une pratique contre-productive.


Un envoyé spécial pour la RD Congo a été nommé aux États-Unis, des millions de dollars américains dépensés pour des lobbying. Mais les résultats tardent à venir. Pourquoi ?


Raymond Tshibanda, ancien ministre des Affaires étrangères, venait d’être récemment nommé nouvel envoyé spécial du président de la République aux États-Unis. Je pense qu’il faut lui donner du temps, le temps de mettre un système de travail. N’oubliez pas non plus que les États-Unis eux-mêmes traversent une période de transition : il n’y a toujours pas d’interlocuteur au département d’État car il n’existe pas de secrétaire d’État aux affaires africaines.


Quant aux lobbys, il ne s’agit pas de millions de dollars. Toujours est-il que c’est une pratique commune à beaucoup d’États : lorsque vous avez affaire à un système difficile à pénétrer, vous devez recourir à des structures qui sont sur place qui vous aident à obtenir des rendez-vous, à expliquer, à donner votre point de vue sur cette situation et à démentir certaines campagnes de désinformation.

JeuneAfrique 
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