Ces derniers mois, le directeur de cabinet du chef de l’État a dû affronter bien des tempêtes. Mais Néhémie Mwilanya Wilondja en est ressorti plus puissant que jamais, y gagnant même le surnom de « vice-président ».

Ceux qui le côtoient décrivent un homme austère et froid, mais jamais désobligeant. À Kinshasa, le directeur de cabinet du président Kabila traîne une réputation de « dur parmi les durs ». « Néhémie Mwilanya Wilondja n’a pas d’état d’âme. Il a une âme d’État », concède Kodjo Ndukuma, qui fut son assistant.

Les deux hommes se connaissent depuis plus de dix ans. Ils se sont rencontrés sur les bancs de l’université de Kinshasa, où ils suivaient un troisième cycle de droit public, puis recroisés dans les couloirs de la présidence de la République et de l’Assemblée nationale, deux institutions au sein desquelles ils ont longtemps – mais chacun de leur côté – agi dans l’ombre sur des questions juridiques.

C’est en effet loin des projecteurs que Mwilanya, 50 ans, s’est fait un nom. Avocat au barreau de Kinshasa depuis 1996, ce juriste méticuleux débute en politique en 2001 dans le cabinet de son ancien professeur de droit, Alphonse Ntumba Luaba, alors ministre des Droits humains. « Il n’avait pas 25 ans quand je l’ai connu. Il fait partie de ces jeunes que j’ai pris en main, confirme l’ancien ministre. Il était réservé et intelligent. »

En 2004, Mwilanya rejoint le cabinet du chef de l’État comme conseiller du collège administratif et juridique, placé alors sous la direction d’un influent et discret stratège, Me Norbert Nkulu. En coulisses, Mwilanya écrit des notes, apprend et gravit un à un tous les échelons. Cinq années plus tard, le voici devenu conseiller principal. Au palais de la Nation, il côtoie plusieurs directeurs de cabinet, dont Adolphe Lumanu et Gustave Beya Siku, deux proches d’Augustin Katumba Mwanke, éminence grise au service de Joseph Kabila, décédé dans un accident d’avion en 2012.

L’oreille et la bouche du président

Kabila a trouvé en Mwilanya certaines des qualités qu’il appréciait chez Katumba Mwanke
À sa mort, Kabila se tourne vers Mwilanya. Il le consulte, et ce natif de Tabora, en Tanzanie, se retrouve propulsé au cœur du pouvoir, jusqu’à sa nomination au poste de directeur de cabinet du raïs, en mai 2015.

« Kabila a trouvé en Mwilanya certaines des qualités qu’il appréciait chez Katumba Mwanke : la discrétion, la réserve et l’intelligence stratégique. Il sait garder les secrets », affirme Ntumba Luaba. Ses origines kivutiennes (il est un bembe de Fizi, dans le Sud-Kivu) n’ont fait que faciliter le rapprochement entre les deux swahiliphones.

Forcément, être l’oreille et la bouche d’un chef de l’État qui parle peu confère de l’influence. Nommé moins de deux ans avant le terme constitutionnel du second mandat de Kabila, il soutient un président sommé de quitter le pouvoir. Et quand Kabila lui-même et ses diplomates – Raymond Tshibanda, Léonard She Okitundu ou Barnabé Kikaya Bin Karubi – s’emploient à rallier les chefs d’État africains à leur cause, le « dircab » a la charge d’amadouer une opposition très remontée.

Mais Mwilanya ne faiblit pas et milite même pour qu’un accord soit passé avec l’indomptable opposant historique, Étienne Tshisekedi (décédé depuis). Des négociations secrètes sont menées en septembre 2015 à Venise et à Ibiza. Puis à Paris, à l’hôtel Raphaël, en février 2016, en présence d’Edem Kodjo, le facilitateur de l’Union africaine, et de Mwilanya, chef de la délégation du camp présidentiel.

Un « cabinet dans le cabinet »

C’est lui qui exerce véritablement les fonctions de Premier ministre, bien plus que Bruno Tshibala
Quinze mois après sa signature, en décembre 2016, l’accord de la Saint-Sylvestre, censé conduire le pays vers des élections apaisées, n’est toujours pas intégralement appliqué. Mais Mwilanya est ressorti de ce round de négociations plus puissant que jamais.

Depuis août 2017, et sur instruction du chef de l’État, c’est lui qui préside les réunions quasi hebdomadaires du « comité mixte stratégique » chargé de la mise en œuvre des mesures destinées à juguler la crise économique. « C’est lui qui exerce véritablement les fonctions de Premier ministre, bien plus que Bruno Tshibala, résume un proche collaborateur de Kabila. C’est le vrai vice-président du pays [le poste n’existe pas en RD Congo] ! »

Sur le terrain
Au Palais, Mwilanya a éclipsé la plupart des conseillers du président et s’est fait des ennemis. Ses détracteurs affirment que la quarantaine de collaborateurs qui l’entoure – « véritable cabinet dans le cabinet du chef de l’État » – empiète sur leurs prérogatives, mais l’intéressé n’en a cure et continue à pousser son avantage. Des ministres lui sont désormais redevables, tout comme ceux qu’il a placés à la tête d’entreprises publiques comme l’Office congolais de contrôle (OCC), l’Office de gestion du fret multimodal (Ogefrem) et l’Autorité de régulation et de contrôle des assurances (Arca) – un ancien assistant, Alain Kaninda, a été bombardé directeur général adjoint en 2017.

Même l’opposition s’inquiète de sa montée en puissance. Ainsi, dans l’entourage de Moïse Katumbi, on le soupçonne d’avoir « favorisé l’installation de magistrats prompts à obéir aux ordres pour traquer et condamner des opposants à travers le pays ».

Ces dernières semaines, le « vice-président », comme on le surnomme parfois, a troqué son costume pour des chemisettes à l’effigie de Kabila. Il s’affiche à toutes les réunions du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD). Certains caciques en prennent ombrage, mais pas Emmanuel Ramazani Shadary, le nouveau secrétaire permanent du parti au pouvoir : « C’est un bosseur. Il respecte la consigne du président : être là. Aujourd’hui, il faut préparer les élections du 23 décembre, et tout se joue sur le terrain. »

La bataille du Sud-Kivu

Depuis Kinshasa, Néhémie Mwilanya Wilondja travaille à étendre son influence dans le Sud-Kivu, sa province d’origine. Mais il se heurte à deux autres personnalités bien ancrées localement : Vital Kamerhe, l’ancien président de l’Assemblée nationale, et Modeste Bahati, actuel ministre du Plan et chef de l’Alliance des forces démocratiques du Congo (AFDC, membre de la coalition au pouvoir).

Dans cette lutte de leadership, le « dircab » du chef de l’État peut compter sur le gouverneur Claude Nyamugabo, dont il est proche. Son épouse, Irène Wasso-Wabiwa, hissée à la tête de l’Alliance des femmes du Grand Kivu, balise également le terrain.

Problème : le nom de cette dernière, directrice d’une société de consulting enregistrée au Royaume-Uni en 2011 mais en cours de radiation, apparaît dans un « contrat de collaboration » passé entre la Coopération minière pour la reconstruction de Fizi (Comiref), dont elle est présidente, et Kun Hou Mining, une entreprise chinoise soupçonnée d’entretenir des liens avec une milice active dans le Sud-Kivu.
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