Martin Fayulu a été désigné candidat commun pour représenter l’opposition à la présidentielle du 23 décembre. Un choix par défaut, alors que le ticket Félix Tshisekedi-Vital Kamerhe, était donné favori. Explications.
Coup de tonnerre dans l’opposition congolaise. Le nom de Martin Fayulu comme candidat unique de l’opposition pour les élections de décembre a surpris tout le monde. Alors que les deux poids lourds de l’opposition, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, étaient écartés de la compétition, les regards s’étaient tournés vers les deux autres leaders les plus populaires encore en course : Félix Tshisekedi (UDPS) et Vital Kamerhe (UNC). Et comme pour mettre en lumière les multiples désaccords de l’opposition, c’est en fait le troisième candidat qui remporte les suffrages. N’arrivant pas à départager Tshisekedi de Kamerhe, c’est donc Fayulu, le plus petit dénominateur commun qui portera les couleurs de l’opposition congolaise, condamnée à se rassembler dès le premier tour pour avoir une chance de l’emporter face au « dauphin » présenté par le président Joseph Kabila.

« Un cadeau pour Kabila »
Face à sa nomination surprise, l’heureux élu a accueilli sa désignation avec humilité : « Je ne suis qu’un porte-parole, le porte-parole de notre combat pour la liberté » a déclaré Martin Fayulu depuis Genève ce dimanche. Mais déjà, la déception se fait jour chez certains militants de l’UDPS et le l’UNC, les deux grands perdants de cette primaire de l’opposition qui ne dit pas son nom. Sur les réseaux sociaux, certains estiment que la candidature de Martin Fayulu est « un cadeau pour Kabila ». Pour le député Adam Bombole, « c’est aujourd’hui que l’opposition a perdu les élections ». Il faut dire que le poids politique et la popularité de Martin Fayulu n’en fait pas un des opposants les plus connus des Congolais. Dans un récent sondage du BERCI et du Groupe d’Etude sur le Congo (GEC), Martin Fayulu n’est que la septième personnalité de l’opposition appréciée par les Congolais. Et dans les intentions de vote, il arrive loin derrière Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe et Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat de la majorité présidentielle, avec seulement… 8% des intentions de vote – voir notre article.

Bonne nouvelle tout de même : les autres candidats opposants (ils sont encore trois) affirment être prêts à retirer leur candidature face à celle de Fayulu. Pour le bras droit de Moïse Katumbi, Olivier Kamitatu, « Adieu les vieux démons de la division ! Un candidat commun, un programme commun, une équipe commune pour gagner la grande bataille de la première alternance démocratique ! ».

Jamais tenté par les sirènes de la majorité
Si Martin Fayulu n’est pas une figure phare de l’opposition, il capitalise pourtant de nombreux atouts : opposants depuis toujours, intègre, le président de l’Ecidé, son mouvement politique, a été de toutes les manifestations, ce qui est loin d’être le cas de tous les leaders de l’opposition. Martin Fayulu a même été blessé le 19 septembre 2016 lors d’une marche de contestation dans les rues de Kinshasa. Mais si le curriculum vitae de l’intéressé coche toutes les cases de l’opposant modèle, notamment en n’ayant jamais été tenté par les sirènes de la majorité présidentielle, sa candidature cristallise les nombreux désaccords qui minent l’unité de l’opposition.

Quid de la machine à voter ?
Au coeur des différends au sein de l’opposition, il y a principalement l’utilisation de la machine à voter, que souhaite mettre en place la Commission électorale (CENI), notamment afin de réaliser des économies. Mais les opposants redoutent surtout une possible fraude massive par des machines, jamais testées ni auditées de manière indépendante. Si on rajoute à cela, un fichier électoral qui contient plus de 6 millions d’électeurs fictifs, l’opposition craint que le scrutin de décembre ne soit entaché de nombreuses irrégularités destinées uniquement à faire gagner le candidat du pouvoir. Face à ce chaos électoral annoncé, un certain nombre d’opposants prônent le boycott et se demandent quelle stratégie adoptée si la machine à voter est maintenue ? Sur ce point, les avis divergent. Et les négociations de Genève n’apportent pas de réponses concrètes à cette interrogation.



Une candidature commune torpillée ?
Dans un communiqué aussi minimaliste que flou sur les intentions futures de la coalition, les sept leaders de l’opposition affirment rejeter le boycott des élections, mais poursuivent le combat sur le refus de la machine à voter, le nettoyage du fichier électoral et la décrispation politique. Et si rien ne bouge ? L’opposition s’en remettra alors au peuple congolais, faisant référence à l’article 64 de la Constitution qui en appelle à la rue. En regardant le choix d’un candidat unique inattendu et en lisant le communiqué final, on se demande si les deux leaders principaux de l’opposition, Bemba et Katumbi, n’ont pas tout fait pour torpiller une candidature qui s’avère bien peu rassembleuse, avec à sa tête un candidat dirigeant un parti marginal de l’opposition. En effet, le candidat n’appartient à aucun des quatre principaux partis d’opposition congolais.

Une présidentielle, deux inconnus
Pour expliquer ce choix, on peut en effet imaginer que les deux ténors recalés de la présidentielle (Bemba et Katumbi), n’ont aucun intérêt à voir un autre opposant remporter le scrutin. En brouillant un peu plus les cartes d’une opposition déjà très divisée, les deux absents du scrutin de décembre, placent leurs pions pour les scrutins futurs, notamment en misant tout sur les législatives, où le MLC de Bemba et la plateforme Ensemble de Katumbi ont présenté un maximum de candidats. Les élections du 23 décembre (si elle ont lieu !) seront donc bien étranges. Avec à la tête du camp présidentiel et de l’opposition, deux inconnus : Emmanuel Ramazani Shadary et Martin Fayulu, alors qu’en sous-main, les caciques du pouvoir et de l’opposition semblent tirer les ficelles.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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