A l’occasion de la visite officielle en Belgique de Félix Tshisekedi, La Libre Afrique.be a sondé des hommes d’affaires belges intéressés par le Congo: sont-ils, comme le gouvernement belge, contents mais prudents, après neuf mois de Présidence Tshisekedi? Ont-ils une autre attitude? Pour leur permettre de s’exprimer en toute liberté, nous identifions seulement le domaine d’activité dans lequel ils travaillent.

– Un opérateur économique du secteur maritime: « Il y a certaines opportunités puisqu’il y a une nouvelle équipe. Celle-ci doit être découverte, mais le changement apporte toujours du positif. C’est donc le moment de s’intéresser au Congo, mais pas à l’aveuglette évidemment. Toute l’économie du Congo dépend du maritime, mais c’est compliqué: les marchandises entrent soit par Mombasa (Kenya); Matadi, ce n’est pas un port, c’est un… Je ne peux pas dire ça. Mais comprenez que c’est particulièrement difficile d’y travailler. Il y a aussi le chemin de fer de Benguela, parfait jusqu’à la frontière entre l’Angola et la RDC. Mais les 40 km au Congo bloquent tout ».

– Un avocat: « Je note de l’intérêt et de la prudence. Les hommes d’affaires se précipitent dans notre cabinet de Kinshasa, pour voir. Le récent achat de la banque BCDC (NDLR: où le groupe Forrest est majoritaire) par la banque kényane Equity a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Bon, Equity est une grosse banque, BCDC une petite, mais quand même… Il y a en tout cas une grosse attente pour que le niveau de corruption diminue au Congo ».

– Un économiste: « Quand il y un changement, il y a toujours des gens qui veulent profiter du brouillard pour faire un gros coup. Il serait intéressant que la Belgique propose d’avoir un outil efficace de promotion des investissements ».

– Un opérateur travaillant dans le transport maritime: « Je suis très optimiste, après une année de tension. Nous allons investir plusieurs dizaines de millions, parce que les besoins vont accroître. On le voit d’ailleurs déjà depuis quelques mois: à Banana, Matadi, Kinshasa et Kisangani, le marché est en croissance – et on va vers plus de demande en raison de la croissance démographique. A Matadi, le trafic s’est accru cette année de 17% par rapport à la même période en 2018. C’est très encourageant ».

– Un opérateur économique oeuvrant dans le matériel de laboratoire: « On ne sait jamais ce que ça va donner. Mais le monde des affaires et plus pragmatique que le monde institutionnel. On a des espoirs mais il faut d’abord voir ce qui se passe. Sur le terrain, il y a un très grand écart entre le monde de l’Etat congolais et le monde de la population. Beaucoup de Congolais ne sont pas convaincus que les choses vont changer, surtout à l’est. Nous non plusi, mais on a quand même de l’espoir. On travaille avec l’équipe au pouvoir au Congo, même si elle n’a pas gagné les élections, parce qu’il y a quand même une ouverture vers la Belgique et que la Belgique reçoit M. Tshisekedi et essaie, elle aussi, de renouer les liens. Mais il y a aussi une note de désespoir parce qu’il y a déjà des « affaires » de corruption. Cela dit, les hommes d’affaires n’ont pas besoin de grands changements mais de stabilité: ils veulent être sûr que leurs investissements ne seront pas détruits dans six mois ».


– Un opérateur du secteur agro-alimentaire: « Si les liaisons s’améliorent entre les deux pays, que le nombre de vols réguliers augmente et qu’obtenir le visa congolais ne prend plus 3 ou 4 semaines comme aujourd’hui, je serai content. Pour Tshisekedi, tout le monde sait comment il est arrivé au pouvoir. On est dans l’expectative. En tout cas, c’est mieux que Kabila. Mais je crois que c’est le prochain Président qui fera le vrai changement. Tshisekedi doit garder le calme et l’équilibre dans le pays jusque-là. J’espère qu’il est là comme transition entre une longue ère dictatoriale et non pas la démocratie à proprement parler, mais l’ouverture au commerce mondial et le développement d’une classe moyenne au Congo ».

– Un homme d’affaires travaillant dans la numérisation: « Moi je ne suis pas prudent. Je travaille au Congo depuis plusieurs années et je crois qu’il faut voir ce qui se passe non comme une révolution mais comme une évolution; il n’y a donc pas de raison d’être prudent. Il faut encourager cette évolution et l’ouverture. Faire des affaires au Congo a toujours été un problème mais ça évolue en mieux. Cette évolution avait déjà commencé durant les derniers mois du régime Kabila – depuis septembre 2018, je dirais – en raison des pressions sur le régime. Aujourd’hui, cette évolution prend de l’ampleur, mais les problèmes pratiques demeurent: des contrats qui se perdent, la paperasse qui n’est pas le point fort des Congolais (si ça se trouve, les 15 millions de dollars disparus n’ont pas été détournés mais perdus quelque part!)… Mais il me semble que la bonne volonté existe, même si, pour chaque dossier, ils essaient de prendre une commission: il y a quand même eu quelques personnes interpellées par la justice; c’est nouveau ».


– Un opérateur import-export: « Nous sommes contents parce qu’un compromis comme celui-ci était peu probable il y a 9 mois. On sait tous ce qui s’est passé aux élections mais compte tenu des risques énormes de conflit ouvert si le vainqueur de l’élection avait été proclamé, on apprécie la sauvegarde de la paix. Pour un opérateur économique, la stabilité prévaut sur la démocratie. Les relations bilatérales doivent permettre au pays de reprendre le standing perdu. Il faut reprendre un système d’assurance-crédit à l’exportation. Tshisekedi tend la main; la Belgique et l’Union européenne vont-elles prendre cette main? Ce n’est pas sûr. Donc je suis aussi un peu prudent, même si, ces trois derniers mois, mon impression a été plutôt bonne ».

– Un opérateur dans le transport: « Il y a un coup à tenter parce qu’il y a une nouvelle équipe. Je ne sais pas ce que seront les relations entre le Président et le gouvernement congolais. On va l’observer. Le Premier ministre Ilunga sera jaloux de ses pouvoirs et il n’a rien à perdre. Donc je suis optimiste. Mais on peut toujours se prendre une claque ».

– Un opérateur du secteur médical: « Tshisekedi est porteur d’espoir. C’est difficile, mais il a la volonté d’y parvenir. C’est donc maintenant que nous devons l’encourager. S’agissant de bonne gouvernance, on est peut-être mal placés, en Belgique, pour leur faire la leçon; c’est facile de voir la paille dans leur œil quand nous avons une poutre dans le nôtre. Nous ne devons plus être paternalistes mais traiter les Congolais en égaux ».
Marie-France Cros
LIENS COMMERCIAUX

[VIDEOS][carouselslide][animated][20]

[Musique][vertical][animated][30]

 
Top