Figure importante de la vie politique congolaise, Vital Kamerhe, directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, est en prison depuis ce mercredi 08 avril 2020. En détention préventive, il a été entendu pendant près de six heures sur des soupçons de détournements de fonds alloués aux travaux d’urgence de 100 jours, initiés en grande pompe par le chef de l’État au début de son mandat.

C'est une première dans l'histoire de la République Démocratique du Congo qu'un directeur de cabinet du chef l'État - qui est aussi le président de l’UNC et qui a formé avec l’UDPS, le parti du président Tshisekedi la coalition CACH - soit aux arrêts.

Soupçons de détournements de fonds



Au cœur de cette enquête se trouve le fameux projet du « Programme des 100 jours » devant lancer la présidence de Felix Tshisekedi et notamment de l’exécution des travaux de « sauts-de-mouton » à Kinshasa.

On sait qu'une enveloppe de 22,5 millions de dollars avait été allouée à leur construction, mais, à la mi-février, 46 millions de dollars avaient déjà été dépensés sans qu'aucun ouvrage ne soit sorti de terre. D'autant plus que le budget global avait initialement été fixé, en août dernier, à 304 millions de dollars.

En tant que coordinateur, Vital Kamerhe s'est retrouvé en première ligne, car sa fonction de directeur de cabinet lui donne un droit de signature sur les contrats passés au nom de l'État. En effet, le dernier gouvernement de Joseph Kabila étant déclaré démissionnaire, tout est géré provisoirement à partir de la présidence de la République.

Quelques mois plus tard, les premiers soupçons de corruption tombent. Ils concernent d’abord l’opacité de la procédure de passation des marchés, dont un nombre important s’était déroulé de gré à gré. Il se fait qu’au titre de l’urgence, les contrats avaient été conclus par le directeur de cabinet du président, sans appel d’offres et dans une opacité complète. En outre, jour après jour, les chantiers piétinent et les accusations de détournements de fonds se multiplient. Une inspection ayant révélé en début d’année que les travaux étaient loin d’être terminés.

C’est alors que la justice se voit confier le devoir d’éclairer l’opinion publique sur cette affaire. En conseil des ministres, le 20 février, le ministre de la Justice, Célestin Tunda Ya Kasende, avait même été jusqu’à affirmer que cette enquête doit marquer « le début du renouveau » de la justice en RDC, « pour un véritable Etat de droit ».

Et pour des raisons d’enquêtes, quelques jours seulement précédant la mise en détention provisoire du dircab du président, plusieurs autres personnalités, telles que David Blattner, le patron de Safricas; Jammal Samih, le patron de Samibo Congo ; Thierry Taeymans, le DG de la Rawbank et Herman Mutima, le DG de l'Office des Routes, toutes impliquées dans la construction de ces ouvrages d’intérêt public avaient eux aussi été mis sur la sellette, et pour certains envoyés à Makala, d’où ils sortirent moyennant le paiement de fortes cautions (et peut-être la communication de certains documents).

La convocation de Vital Kamerhe pour s'expliquer sur l'utilisation de fonds publics destinés au financement des grands travaux lancés par Felix Tshisekedi découle de tout cela. Il devait en particulier s'expliquer sur la passation des marchés de gré à gré et les décaissements des fonds, selon plusieurs sources. Mais le parquet n'a toujours pas communiqué officiellement sur les motifs de sa détention.

En outre, pilier de la coalition avec les FCC de Kabila, Kamerhe était aussi une cible depuis longtemps des Occidentaux (Américains en tête), qui ne cessaient de presser Félix Tshisekedi de lutter plus énergiquement contre la corruption, fût-ce dans ses propres rangs et de distendre les liens entre son régime et celui de son prédécesseur. Or, son très coûteux train de vie, dont son mariage « bling-bling » avec Amida Shatur, et la disparition des 15 millions de dollars des comptes du Trésor, qui a défrayé la chronique populaire, furent des preuves du besoin de son écartement.

Un dauphin encombrant ?




Quelle que soit l’issue de ses démêlés avec la justice et même s’il ne passe en détention qu’un temps limité, la mise en accusation de Vital Kamerhe aura de graves conséquences. Pour lui-même d’abord, mais également sur son alliance avec Felix Tshisekedi dans CACH et, a fortiori, cela pourrait aussi avoir un effet boule de neige sur la coalition FCC-CACH formée en vue de diriger le pays.

C’est pourquoi, plusieurs analystes voient dans cette interpellation, la rupture prochaine de la Coalition issue de l’Accord de Nairobi en vue d’enterrer les ambitions présidentielles du futur candidat connu de CACH à la présidentielle de 2023. Ils estiment que Vital Kamerhe serait victime d’un complot ourdi par les autres membres de la coalition au pouvoir, qui voudrait en finir avec lui.

Au nom de la lutte contre la corruption, Vital Kamerhe pourrait avoir été la victime d’une vaste enquête anti-corruption supposée marquer le « renouveau » de la justice dans la lutte contre l’impunité des élites, sauf que la probable mise à l’écart de ce politicien hors pair risque d’affaiblir le président lui-même, même si ce dernier a eu le courage de porter le fer dans la plaie au risque de se retrouver privé du chef de file de son principal allié politique. En effet, dans son bras de fer permanent avec le FCC de Joseph Kabila, le poids politique de l’UNC au parlement pourrait lui faire défaut.

D’autre part, par la mise en détention provisoire de l’un des collaborateurs-clé, Félix Tshisekedi pourrait lui-même être inquiété par de possibles détournements d’argent au sein de sa propre présidence car, comment faire croire que le directeur du cabinet du chef de l’Etat est pu sortir autant d’argent tout cela à l’insu du président ?

L’audition et la détention de Vital Kamerhe, un proche de la présidence, pourraient donc être un signal positif envoyé à ceux qui doutaient de la volonté du nouveau président de lutter contre les corrompus. Toutefois, c’est un pari risqué que tente aujourd’hui Félix Tshisekedi que celui d’entamer le grand ménage de la corruption en RD Congo. Pour cela, il lui faudra l’appui sans condition de la justice congolaise. Une institution qui, jusqu'ici, n’a pas brillé par son indépendance et reste encore issue des nombreuses années de pouvoir sans partage de Joseph Kabila alors même que sous le régime précédent, des milliards de dollars se sont envolés en toute impunité...

Enfin, la mise à l’écart de Kamerhe, pare-feu de Tshisekedi et artisan de la coalition CACH (comme de la formation FCC-CACH) pourrait aussi être interprétée comme « un coup de billard à trois bandes », autrement dit un coup tordu…



Source: Ourangan FM / RFI / Le Soir
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