L'UE va élargir sa coopération avec le Maroc alors que l'Espagne est confrontée à un afflux de migrants dans son enclave de Melilla, près du Maroc.

Melilla et Ceuta, l'autre enclave espagnole, constituent les seules frontières terrestres de l'Union européenne sur le continent africain.

Mais, de plus en plus de migrants empruntent également la route maritime des Canaries, archipel espagnol situé à une centaine de kilomètres des côtes du sud du Maroc. Une route qui n'est pas sans danger.

Madala Tounkara était encore mineur lorsqu'il est monté à bord d'un bateau de pêche en Mauritanie et s'est lancé dans un dangereux voyage en mer. C’était il y a sept ans.

Comme pour de nombreux migrants africains, les îles Canaries, un archipel espagnol au large de la côte nord-ouest de l'Afrique, était sa destination.


"Le dernier jour a été le pire. Je n'avais juste plus de force. J'ai eu très peur tout le temps. Mais, lorsque vous vous retrouvez soudainement dans une situation aussi extrême, vous oubliez votre peur. J'ai aussi beaucoup appris car comme pour la boxe, il faut repousser ses limites et vaincre ses peurs, sinon on ne peut pas gagner", raconte-t-il.

Aujourd'hui, Madala Tounkara gagne sa vie grâce à la boxe mais il travaille également dans les cuisines des restaurants de Las Palmas.

Le jeune homme a persévéré, il a survécu à la bataille avec l'Atlantique et a atteint Gran Canaria. La route atlantique ouest-africaine vers les îles Canaries est actuellement la plus empruntée par les migrants.

D'autres choisissent la route de la Méditerranée occidentale via le Niger, le Mali, l'Algérie, le Maroc et plus loin à travers la Méditerranée vers l'Espagne. Ou bien ils prennent la route de la Méditerranée centrale qui mène de la Libye à Malte ou à des îles italiennes comme Lampedusa ou la Sicile.


Depuis le voyage dramatique de Madala dans un petit bateau en bois, le nombre de migrants a explosé et avec lui, le nombre de ceux qui n'ont pas survécu.

La plupart des migrants viennent d'Afrique du Nord et de l'Ouest, selon l'organisation humanitaire espagnole "Caminando Fronteras" : principalement du Sénégal, du Maroc et du Mali.

Environ 4.400 personnes seraient mortes en tentant de rejoindre les îles Canaries en bateau en 2021, selon l'organisation. Leur nombre a doublé par rapport à 2020.
Des risques connus

Cependant, le nombre de victimes de l'organisation espagnole est environ trois fois et demie plus élevé que celui de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui parle de 1.109 migrants décédés en 2021.

L'une des raisons en est que les militants de l'organisation "Caminando Fronteras", qui dispose de bons réseaux en Afrique du Nord-Ouest, ont des contacts directs avec les survivants des naufrages de bateaux et avec les familles des migrants en Afrique.

Les données sont ainsi comparées aux informations des communautés de migrants et des agences sociales.

L'OIM suppose également que la migration sur la route Atlantique de l'Afrique de l'Ouest augmentera à l’avenir.

"Davantage de personnes sont mortes ou ont disparu le long de cette route ces dernières années. En 2021, 73 accidents maritimes ont été enregistrés le long de cette route, tuant 1.109 migrants", explique Alpha Seydi Ba, porte-parole de l'OIM à Dakar.

Plus des trois quarts de ces décès documentés concernent des personnes portées disparues et déclarées mortes.

Cependant, le jeune malien, Madala Tounkara, estime qu'encore plus de personnes ont perdu la vie lors de la traversée : "Personne ne sait combien de morts flottent réellement en mer. Souvent, ils manquent simplement de nourriture, d'eau ou d'essence. C'est ainsi qu'ils meurent le plus. Et ils connaissent les risques, explique-t-il.
"Rester à la maison, c'est la honte"

Cependant, les dangers ne dissuadent pas les migrants. Selon le ministère espagnol de l'Intérieur, plus de 22.300 personnes ont débarqué irrégulièrement aux îles Canaries en 2021.

Le porte-parole de l'OIM, Seydi Ba, précise qu’il s'agit "d'une légère diminution par rapport à 2020 mais toujours d'une augmentation spectaculaire par rapport aux années précédentes. Entre 2010 et 2019, ils se comptaient par centaines et non par dizaines de milliers."

Rester chez soi, c'est accepter une vie précaire. Si vous ajoutez à cela la pression sociale ou encore la présence d’amis ou de parents en Europe qui pourraient offrir de meilleures conditions de vie, il est alors difficile pour certains jeunes de ne pas partir.

"Rester n'est pas seulement une honte pour eux mais aussi pour leurs parents, qui souvent soutiennent ou parrainent ces voyages", ajoute Seydi Ba.


En 2020, 25,4 millions d'Africains ont migré vers un autre pays à la recherche d'un avenir meilleur, selon l'OIM. La majorité des migrants africains recherchent un avenir meilleur sur le continent : 80 % des migrants africains restent en Afrique, selon le porte-parole de l'OIM. La Côte d'Ivoire et l'Afrique du Sud accueillent la majorité d'entre eux.

La migration des Africains vers les pays occidentaux représente à peine 15 % de la migration mondiale et dans 85 % des cas, celle-ci se fait dans la légalité. On est donc loin de l’image alarmiste véhiculée par certains partis populistes ou d’extrême droite en Europe.
Droit à une migration sûre et régulière

L'OIM n'est pas contre la migration : "C'est un droit fondamental et non seulement bénéfique pour les migrants mais aussi pour les communautés d'accueil", souligne Seydi Ba.

Cependant, pour réaliser le potentiel de la migration pour une croissance économique durable, celle-ci doit être sûre, ordonnée et régulière.

Dans le Mali natal de Madala Tounkara, des proches suivent chacun de ses déplacements en Espagne.

La moitié des Maliens vivent dans la pauvreté et la pandémie et les crises politiques ont exacerbé la situation. La scolarité des enfants, les repas, tout cela est pris en charge grâce à l'argent que Madala gagne en pratiquant son sport préféré, la boxe, et grâce à son travail dans les cuisines de restaurants espagnols.

Il assure la survie de la famille, précise à la DW Tama Koïta son oncle. "Il est parti pour mettre fin à nos souffrances. Nous savons qu'il travaille très dur pour cela et ce n'est pas facile où il se trouve en ce moment."

La maison de Koïta est proche d'une des gares routières de Bamako. De jeunes Maliens partent de là tous les jours pour tenter leur chance en Europe comme Madala Tounkara. Certains le connaissent même dans le quartier. "Madala est l'un des nôtres", lance un jeune homme. "Nous suivons tout ce qu'il fait. Un jour, nous voulons être comme lui."

Madala Tounkara entend de telles déclarations avec un sentiment mitigé. Il sait que beaucoup de jeunes migrants ne survivront pas au voyage.

dw.com


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