La violence reste une réalité quotidienne au Kivu. Le président de la République, Félix Tshisekedi, ne parvient pas à en assurer la stabilité. Kris Berwouts, journaliste chez MO, voit comment la faiblesse de l’Etat conduit à l’éternel résurgence des groupes rebelles, comme le M23.

Dans l’est du Congo, la violence reste une réalité quotidienne. Le président Tshisekedi ne parvient pas à en assurer la stabilité. Pour Kris Berwouts, journaliste chez MO, la faiblesse de l’Etat conduit à l’éternel résurgence des groupes rebelles, comme le M23. Le président Félix Tshisekedi a affirmé à plusieurs reprises vouloir être réélu, mais son bilan et ses promesses non-tenues devront se confronter aux regards des citoyens congolais.

Depuis fin mars, le M23 est de nouveau actif au Nord-Kivu. Officiellement défait fin 2013, le groupe rebelle a repris les armes ces dernières semaines et capturé une douzaine de villages et de hameaux dans l’Est de la RDC. En mars, un hélicoptère des Nations unies a été abattu dans les combats, entraînant la mort de huit casques bleus. L’armée congolaise et le M23 s’accusent mutuellement.

Le retour de cette milice met cruellement en lumière l’incapacité de l’Etat congolais à garantir la stabilité de la région, 10 ans après la chute de la ville de Goma. Avec le soutien du Rwanda, le groupe, dirigé par des Tutsis congolais, avait ainsi pris le contrôle du chef-lieu du Nord-Kivu fin 2012 et brièvement ébranlé le régime de l’ex président Joseph Kabila.


Sous pression de l’Union Africaine, une brigade d’intervention, la FIB, avait été créée au sein de la force de maintien de la paix des Nations unies pour appuyer les forces armées congolaises et neutraliser le M23. Dès sa mise en action, la FIB a obtenu des victoires rapides sur les rebelles… et fin novembre 2013, les casques bleus et les FARDC proclament officiellement leur victoire militaire sur le M23…

A nouveau en position de force, le gouvernement congolais négocie et conclut un accord avec le leadership du M23 sur les conditions d’un possible retour en RDC. Les rebelles défaits disparaissent des radars. Certains pansent leurs plaies au Rwanda ou en Ouganda voisins.

Discrètes cette dernière décennie, des unités du M23 sont régulièrement repérées au Congo… et des combats sporadiques sont signalés avec les militaires des FARDC. Le groupe armé refait véritablement surface fin octobre 2021, avec l’attaque de plusieurs positions de l’armée.

Officiellement, le M23 reproche aux autorités de Kinshasa de ne jamais avoir garanti leur retour pacifique en RDC. Fin mars, les rebelles intensifient leurs attaques et capturent plusieurs sites notamment dans le territoire de Rutshuru, au Nord de Goma et le long de la frontière ougandaise. Les combats ont provoqué le déplacement de milliers d’habitants.

Militarisations



Ce retour du M23 s’inscrit dans un contexte de pourrissement de la situation sécuritaire dans l’est du Congo. Lors de son accession au pouvoir en 2019, l’actuel président congolais Félix Tshisekedi a cherché le soutien populaire en faisant un certain nombre de promesses. Lutte contre la corruption, amélioration des conditions de vie, et, surtout, retour de la paix dans l’est. Pour l’instant Félix Tshisekedi n’y est pas parvenu. Dans les provinces d’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, la violence reste une réalité quotidienne.

L’année 2021 marque un nouveau tournant. Le président Félix Tshisekedi impose un état de siège dans les provinces les plus touchées, l’Ituri et le Nord Kivu, qui contribue à militariser davantage la situation. Sur place, l’armée prend les rênes de l’administration et de la justice.


Initialement prévu pour durer 30 jours, l’état de siège est depuis systématiquement prolongé. Il est toujours en vigueur, sans grand résultat jusqu’à présent. Au lieu de réduire l’insécurité, les attaques rebelles et le nombre de victimes civiles sont restées au même niveau.

Autre décision majeure : Fin novembre 2021, le président Tshisekedi autorise l’intervention de l’armée ougandaise sur le sol congolais. Cette décision intervient après l’échec de la mise en place de brigades mixtes composées de soldats des pays voisins. Une tentative remise en cause par l’opinion publique congolaise, qui a questionné publiquement l’intervention de soi-disant “alliés” censés ramener la paix… et ce alors que les tensions dans la région des Grands Lacs sont vives, particulièrement entre le Rwanda et l’Ouganda.

Les deux pays se sont affrontés à plusieurs reprises sur le sol congolais. S’il s’agit d’une maigre consolation pour Kinshasa dans sa quête de soutiens extérieurs face aux rebelles, l’arrivée de troupes ougandaises signifie aussi en creux le manque de résultats de l’état de siège.

Cette double militarisation a en outre entravé des initiatives de paix plus durables, telles que le dialogue entre les communautés, le renforcement de l’Etat et des services publics, le désarmement et la démobilisation des groupes rebelles, ou encore la médiation et la réconciliation.

Quel rôle pour le Rwanda ?



Les autorités congolaises ont par ailleurs accusé leurs homologues rwandaises d’être dans l’ombre du M23. Les FARDC ont assuré avoir capturé des soldats rwandais pour appuyer ce message (il s’avère que ces prisonniers sont détenus depuis plusieurs mois déjà). De son côté, Kigali réfute les allégations de Kinshasa.

Dix ans après la prise de Goma, la question congolaise est un sujet de discorde évidente au sein de l’élite politique et militaire rwandaise. Au sommet des forces armées rwandaises, le bureau du Congo est devenu un Etat dans l’Etat (sous les directions de Patrick Karegeya et Kayumba Nyamwasa, avant leur passage dans l’opposition à Paul Kagame). Être soutenu à partir du Rwanda ne signifie pas un appui du régime rwandais. Mais cette zone grise aboutit à la déstabilisation de l’est de la RDC.

Promesses non tenues

S’il est peu probable que les combats entre le M23 et les FARDC constituent une menace nationale, ils mettent cependant en lumière plusieurs problèmes.

D’abord l’incapacité des autorités congolaises à maîtriser la dynamique de la violence à l’est de la RDC. A moins de deux ans de la date théorique des prochaines élections, il sera difficile de tenir la promesse de la paix pour le président sortant Félix Tshisekedi.


Ensuite, les sensibilités régionales sont intactes 20 ans après la “deuxième guerre civile congolaise”. La RDC reste avant tout un territoire-poudrière où les conflits locaux interagissent avec les intérêts politiques aux niveaux provincial et national… avec des dynamiques transfrontalières potentiellement destructrices.

Reste que les institutions multilatérales se sont aussi renforcées depuis. La RDC vient de rejoindre la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) qui comprend en son sein le Rwanda et l’Ouganda. De quoi peut-être fournir un cadre pour une sortie de crise. Je l’espère.

MO

 

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