La prise de contrôle de la mine de Rubaya par le groupe armé M23 en mai 2024 représente un tournant majeur dans les conflits qui secouent l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Selon des experts, cette mine, située à 60 km de Goma, permet de contrôler environ 20 % de la production mondiale de coltan, un minerai stratégique essentiel pour l'industrie technologique. Cette situation illustre l'importance des ressources minières dans les tensions régionales et leur rôle dans le financement des groupes armés.
Le site Africa Intelligence a révélé cette semaine que le président Félix Tshisekedi avait envoyé des émissaires à Washington en février pour négocier un accord avec l'administration américaine. L'objectif : sécuriser l'approvisionnement en minerais congolais pour les États-Unis en échange d'une pression accrue sur le Rwanda, accusé de soutenir le M23. Les minerais comme l'or, l'étain, le tantale et le tungstène, abondants dans la région, sont au cœur des convoitises et alimentent l'instabilité.
Dans une étude récente pour la fondation Jean-Jaurès, Pierre Jacquemot, ancien ambassadeur de France à Kinshasa, analyse les mécanismes d'exploitation et d'exportation illicite de ces ressources. Il souligne que les mines de Rubaya, désormais sous contrôle du M23, fonctionnent à plein régime, générant des revenus considérables pour les rebelles. Un rapport des Nations Unies estime que le M23 tirerait près de 800 000 dollars par mois de ces activités minières.
Une manne économique pour les populations locales
Malgré les tensions sécuritaires, les mines de Rubaya font vivre des milliers de personnes. Des creuseurs artisanaux, souvent issus de familles démunies, s'y rendent quotidiennement pour extraire du cobalt, du coltan ou du tantale. Bahati Serubungo, 32 ans, témoigne : « Je suis creuseur depuis l'âge de 16 ans. Si tu trouves un bon filon, tu peux gagner entre 100 et 200 dollars par jour. J'ai pu construire une maison et élever mes quatre enfants grâce à ce travail. »
Eugène Musabyimana, un autre creuseur, confirme que l'activité a repris de plus belle depuis l'arrivée du M23 : « Avant, avec les Wazalendo, c'était plus difficile. Maintenant, il y a plus de travail. » Pour les vendeurs comme Twizerimana, une veuve de 40 ans, la situation s'est également améliorée : « Aujourd'hui, je peux vendre mes planches sans être volée. Je gagne environ 100 dollars par mois, ce qui me permet de nourrir mes cinq enfants. »
Un enjeu géopolitique et sécuritaire
La prise de Rubaya par le M23 en avril 2024 a marqué un tournant dans la région. Les rebelles ont interdit l'accès aux militaires, consolidant leur contrôle sur cette ressource stratégique. Cette situation pose un défi majeur pour le gouvernement congolais et la communauté internationale, qui cherchent à stabiliser la région tout en empêchant le financement des groupes armés par l'exploitation illégale des minerais.
Alors que les négociations diplomatiques se poursuivent, la mine de Rubaya reste un symbole des défis auxquels fait face la RDC : concilier exploitation responsable des ressources, sécurité régionale et développement économique pour les populations locales.