Katanga est responsable des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans un village de RDC en 2003 ; il est acquitté des charges relatives aux crimes sexuels et aux enfants soldats.




Kinshasa/La Haye – La Cour pénale internationale a reconnu le chef rebelle congolais Germain Katanga, coupable des crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés durant l’attaque d’un village en République démocratique du Congo (RDC) en 2003. Cependant il a été acquitté des charges d’esclavage sexuel et de viol, ainsi que de l’utilisation d’enfants soldats.



« Tandis que l’attaque brutale contre le village de Bogoro ne fait qu’allonger la longue liste des crimes commis dans l’Est de la RDC, le verdict d’aujourd’hui représente une victoire pour les victimes et leurs familles, et avertit les auteurs de crimes qu’ils devront répondre de leurs actes », a déclaré William Pace , coordinateur de la Coalition pour la CPI, un réseau mondial d’organisations de la société civile. « Toutefois, il est préoccupant de voir que les auteurs de viol et de l’utilisation d’enfants soldats, des crimes qui dévastent encore la région, n’ont toujours pas été traduits en justice. La Cour doit à présent renforcer ses activités de sensibilisation afin d’expliquer ce qu’il vient de se passer aux victimes et aux communautés affectées ».



La Chambre de première instance II a déclaré à la majorité que Katanga, le commandant de la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), était responsable du crime contre l’humanité de meurtre et de quatre chefs de crimes de guerre : meurtre, attaque contre une population civile, destruction de biens et pillage, commis lors de l’attaque du village de Bogoro situé dans le district de l’Ituri à l’Est de la RDC le 24 février 2003.



Bien que les juges aient déclaré que l’accusation n’était pas parvenue à prouver au-delà du doute raisonnable que M. Katanga était présent, ils ont néanmoins établi que son soutien militaire et logistique avait renforcé la « force de frappe » d’une milice Ngiti durant l’attaque du village, principalement peuplé par des Hema, et qui a fait plus de 200 morts.



« Nous saluons cette deuxième condamnation de la CPI, qui apporte aux victimes l’espoir d’obtenir des réparations » a déclaréEloi Urwodhi Uciba, coordinateur national de la LIPADHOJ. « La décision tombe au bon moment pour la population d’Ituri, ainsi que pour les communautés affectées à Irumu, Bunia et dans ses alentours, une région qui malheureusement continue de subir des exactions », a poursuivi M. Uciba. « Les civils sont toujours la cible de la cruauté des groupes armés qui sévissent dans la région. De solides lois mettant en œuvre le Statut de Rome sont nécessaires pour stopper ces crimes».



La Chambre de première instance a décidé d’utiliser ses pouvoirs spéciaux pour changer le mode de responsabilité de M. Katanga, qui est ainsi passé de commettre les crimes en tant qu’auteur principal à responsable en tant que complice. La juge Christine Van den Wyngaert a émis une opinion partiellement dissidente, au sein de laquelle elle s’oppose à la requalification du mode de responsabilité.



Les juges ont déclaré que bien qu’il ait été prouvé que des crimes de viol, d’esclavage sexuel et d’utilisation d’enfants soldats pour prendre activement part aux hostilités ont bien eu lieu, les preuves ne sont pas suffisantes pour établir au-delà du doute raisonnable que M. Katanga a engagé sa responsabilité. Ils ont également statué qu’il n’avait pas été prouvé que M. Katanga était le principal responsable en tant que commandant ayant le pouvoir d’émettre des ordres ou de punir ses troupes.



« L’acquittement de Katanga des charges de viol et d’esclavage sexuel est un résultat accablant pour les victimes/survivants de l’attaque de Bogoro, ainsi que pour les autres victimes de ces crimes commis par le FRPI dans le cadre du conflit ethnique en Ituri » a affirmé Brigid Inder, directrice exécutive de Women’s Initiatives for Gender Justice. « Depuis le début de cette affaire, des éléments indiquaient qu’au yeux de certains juges, les preuves étayant les accusations de viol et d’esclavage sexuel retenues contre Katanga, étaient insuffisantes. Dans la décision de confirmer les charges, les charges relatives à la violence sexuelle sont les seuls crimes confirmés à la majorité et non pas par la totalité des juges. Cet élément indiquait que les preuves étayant les accusations de viol et d’esclavage sexuel devaient être renforcées à l’étape du procès ».



« Il semblerait que la majorité de la Chambre de première instance ait considéré que les trois témoins dont les dépositions se rapportaient aux accusations de violence sexuelle, étaient crédibles ; les juges ont déclaré croire que des viols et de l’esclavage sexuel ont bien été perpétrés par des combattants Ngiti, le jour de l’attaque de Bogoro. Dans son résumé, la Chambre a rappelé que les trois témoins ont été violés après avoir été traînés hors de leurs cachettes dans la brousse ou de chez eux. Cependant la Chambre a déclaré à l’unanimité que M. Katanga n’était pas coupable des actes de violence sexuelle, car les juges ne considèrent pas que ces crimes faisaient partie de l’objectif de l’attaque, contrairement aux crimes de meurtre, attaque contre une population civile, destruction de biens et pillage », a poursuivi Mme Inder.



L’accusation et la défense peuvent faire appel du jugement, le troisième rendu par la Cour à ce jour.



Katanga a été initialement accusé conjointement avec Mathieu Ngudjolo Chui, le chef présumé de la milice répondant au nom de Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI) et ancien colonel des forces armées de RDC, dans le cadre d’un procès qui s’est ouvert en novembre 2009.



L’accusation soutenait que les deux commandants ainsi que leurs troupes composées des groupes ethniques Lendu et Ngiti, avaient l’intention d’anéantir le village de Bogoro.



Cependant, à la fin de l’année 2012, les affaires ont été séparées et Ngudjolo Chui a été acquitté à cause d’un manque de preuves. Il a été remis en liberté, et a depuis demandé l’asile aux Pays Bas.



À ce moment, les juges ont indiqué qu’ils envisageaient de recourir à leurs pouvoirs pour modifier la responsabilité criminelle présumée de Katanga, et passer de commettre les crimes de manière indirecte, c'est-à-dire par l’intermédiaire de tiers, à contribuer aux crimes au sein d’un groupe agissant de concert. Les litiges autour de cette question ont retardé le procès pour la plupart de 2013.



« Le gouvernement en RDC doit maintenant s’inspirer de ce verdict et s’assurer que davantage de poursuites seront engagées concernant les graves crimes commis dans l’est du pays », a ajouté M. Pace. « La CPI de son côté doit faire en sorte que les groupes armés sévissant dans la région soit informés de la condamnation de Katanga, afin que cette décision ait un effet dissuasif pour ceux qui voudraient continuer à commettre des crimes. La CPI doit également se servir de l’expérience de ce procès pour réduire la durée de ses procédures ».



Au total, 366 victimes se sont vues accorder le droit de participer et être représentées par deux représentants légaux des victimes. Les réparations allouées aux victimes pour le préjudice subi peuvent désormais être ordonnées par les juges. La sentence sera prononcée à une date ultérieure afin de permettre aux juges de prendre en considération des éléments de preuve ou informations supplémentaires qui pourraient avoir une incidence sur la durée de la peine. Le temps que Katanga a déjà passé en détention sera également pris en compte.
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