*‘’Je demande également l’ouverture urgente d’une enquête parlementaire chargée de faire l’état des lieux des conditions de circulation des personnes et des biens dans les postes frontières, d’évaluer le niveau d’application des lois de la République en la matière ainsi que le préjudice financier causé à l’Etat pour proposer des mesures adéquates’’, a déclaré Claudel-André Lubaya en guise de conclusion à sa question orale avec débat adressée à Richard Muyej, le Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires Coutumières sur la sempiternelle affaire de tracasseries et des exactions aux postes frontières en RD. Congo.


Bien avant, tout en plaçant dans la perspective de la défense des intérêts de la population, du renforcement de l’autorité de l’Etat, du respect des Lois de la République ainsi que celui des droits et libertés des citoyens, Lubaya a proposé à l’auguste assemblée, d’adopter une recommandation, enjoignant le Ministre de l’intérieur de retirer tout simplement et sans tarder, l’ordre opérationnel N° 234 du 27 décembre 2010 et de se conformer scrupuleusement au décret 036/2002 du 28 mars 2002. Lisez-le, dans la conclusion, ci-après :
Conclusion de la question orale avec débat adressée à Monsieur le Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation etAffaires Coutumières, relative aux tracasseries et exactions aux postes frontières de la RDC

Honorable Président,

Distingués membres du Bureau,

Honorables Députés et Chers Collègues,

La question de la sécurité aux frontières est de la plus haute importance, au moment où notre Nation est confrontée à des défis de tous ordres qui touchent à la vie de tout congolais. Je me réjouis donc d’avoir soulevé ce débat républicain sur une question pratique afin de rechercher ensemble, les meilleures solutions qui concourent à procurer aux congolais et aux étrangers qui vivent et se déplacent dans notre pays, les conditions de sécurité optimale. Ce même souci de sécurité pour tous les habitants de notre pays, je l’ai ressenti à travers les interventions combien pertinentes des collègues qui ont permis d’approfondir ce débat dont la finalité est de contribuer à résoudre les problèmes qui se posent avec acuité à notre population à savoir sa sécurité, celle de ses biens et surtout, la liberté de ses mouvements. C’est ici pour moi, l’occasion de leur témoigner toute ma gratitude, mais aussi de saluer et de remercier Monsieur le Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires Coutumières pour ses éléments de réponses à la recherche commune de la sécurité et du bien-être de notre population. J’ose espérer que l’engagement qu’il vient de prendre par devant cette auguste Assemblée des représentants du peuple permettra de nettoyer nos aéroports nationaux et internationaux, nos aérodromes, nos beachs et nos ports, nos gares et autres postes frontaliers de tous les éléments inciviques et nuisibles qui tracassent au quotidien nos concitoyens et ternissent l’image du pays, de ses institutions et de ses services.

Dans cette quête permanente de la sécurité des personnes et celle de leurs biens, il est de la responsabilité du Gouvernement de faire respecter la loi et de créer les conditions pour que les citoyens jouissent pleinement de leurs droits et libertés fondamentaux. Sans cela, il ne sert à rien d’être appelé autorité de l’Etat.

C’est cet impératif qui m’a conduit à poser cette question orale avec débat, pour ramener dans les institutions, le problème de tracasserie de toutes natures et autres exactions que subissent impuissants, les voyageurs de la part d’une pléthore injustifiée de services opérant aux postes frontières de la RDC.

J’ai le devoir moral de souligner que je n’ai pas été assez convaincu, à ce propos, par les réponses que le Ministre de l’Intérieur a données à cette question. Je tiens à rappeler que celle-ci touche aux droits et libertés de citoyens garantis par la Constitution et les Lois de la République. Elle soulève également une préoccupation fondamentale sur le fonctionnement de l’Etat et sur la manière dont les hauts fonctionnaires parmi lesquels les Ministres appliquent, exécutent et font exécuter les lois de la République et les décisions des autorités supérieures. Il en va de l’Autorité de l’Etat, de l’Etat de droit, de l’éthique et de la déontologie à laquelle sont soumis tous les agents publics.

La réponse du Ministre de l’Intérieur démontre à suffisance le degré de la fragilité, mieux de la fragilisation de l’autorité de l’Etat par ceux-là mêmes qui sont chargés de la consolider.

J’ai noté que le Ministre reconnaît la prolifération des services opérant aux postes frontaliers ; fait que les différents intervenants ont attesté du haut de cette tribune. Cette triste réalité, nous la vivons à chacun de nos déplacements à l’intérieur comme à l’extérieur du pays et que dire alors du citoyen Lamda qui la vit sans défense et de la manière la plus aigüe.

Je me dois de souligner également que le Ministre reconnaît que, pour mettre fin à l’anarchie causée par la profusion des services dans les postes-frontières, le Président de la République avait pris le décret numéro 036/2002 du 28 mars 2002 qui fixe et limite à quatre seulement , le nombre de services autorisés à prester dans les aéroports, les ports, les gars et autres frontières de la RDC. Il s’agit de la DGM, la DGDA, l’OCC et le service d’hygiène publique qui aux termes de l’article 2 dudit Décret, sont tenus d’exercer leurs activités dans le strict respect des attributions leur dévolues par les textes légaux et ou règlementaires.

Le Ministre l’a si bien rappelé dans son intervention. Cependant, passant outre ces mesures prises par le Chef de l’Etat, le Ministère de l’intérieur avait, tout en reconnaissant leur pertinence, édicté « l’Ordre opérationnel », lequel déploie, outre les 4 services autorisés par le décret, une multitude d’autres dits «services non apparents» parmi lesquels, l’ANR, les FARDC dont le service de renseignement militaire (DEMIAP) et autre comme la Garde Républicaine, la police des frontières et j’en passe, disposant chacun d’un effectif allant de 6 à 25 agents. Au regard de leur activisme auprès des usagers des postes frontières, l’on peut considérer des militaires en uniforme et armés, se pavanant dans les aéroports, les ports et les gares, comme service non apparent ?

Honorable Président,

Distingués membres du bureau,

Honorables Députés et Chers Collègues,

En premier lieu, il se révèle que le Ministre de l’Intérieur a utilisé « l’Ordre opérationnel » pour vider le contenu du Décret du Président de la République. Ce qui a ainsi ouvert la voie à l’anarchie que nous déplorons aujourd’hui. A la lecture des motivations de cet «ordre opérationnel», on se rend vite compte de l’intention de faire obstruction aux mesures prises par le Chef de l’Etat. Partant, le Ministère de l’Intérieur a délibérément enfreint les dispositions de l’article 9 du code de conduite de l’agent public, en son point 4 qui enjoint ce dernier, je cite « d’éviter, dans l’exercice de ses fonctions, de faire obstruction à la mise en œuvre des politiques, des décisions ou des actions des pouvoirs publics », fin de citation.

En second lieu, je ne suis pas suffisamment satisfait de la réponse du Ministre pour des raisons qui tiennent du respect de l’Etat de droit, de la légalité et de l’éthique.

L’Etat de droit veut dire que les gouvernants et les gouvernés soient soumis à l’autorité de la Loi. Le Président de la République ayant limité à quatre le nombre de services opérant aux frontières, le décret présidentiel s’impose aussi bien aux administrés que sont les populations qu’aux dirigeants parmi lesquels le Ministre de l’Intérieur. Méconnaitre l’autorité du décret présidentiel, comme ça été le cas, revient à remettre en cause l’existence même d’un Etat de droit en RDC.

Dans le même ordre d’idée, le respect de la légalité passe forcément par le respect de la hiérarchie des normes juridiques. En l’espèce, la Loi doit respecter la Constitution qui lui est supérieure, de même qu’un règlement doit obéir à la Loi qui lui est aussi supérieure.

En principe, parce qu’au niveau du règlement, une ordonnance du Président de la République ou un décret du Premier Ministre a plus d’autorité que l’arrêté ministériel ou tout acte ou décision d’un ministre, l’ordre opérationnel ne pouvait pas aller au-delà de quatre services commis par le Président de la République aux frontières sans méconnaitre et torpiller le décret présidentiel auquel il est hiérarchiquement subordonné.

Par ailleurs, aux termes du décret du Président de la République dont question, c’est le même Ministère de l’Intérieur qui est chargé de son exécution. Exécuter le décret consiste à prendre des mesures idoines qui respectent tant l’esprit que la lettre du décret. Or, dans le cas sous examen, l’ordre opérationnel a eu pour effet de vider le décret de son autorité, de l’abroger dans les faits. Dès lors, peut-on considérer cet ordre opérationnel comme une mesure d’exécution ainsi que prétend son auteur ou, tout simplement et en réalité, comme une mesure abrogatoire du décret du Président de la République. En d’autres termes, une autorité administrative subalterne dispose-t-elle de la compétence d’abroger ou de mettre en échec la décision de son supérieur ?

Je pense quant à moi, que même au cas où le décret du Président de la République méritait une quelconque correction, le Ministre en charge de l’Intérieur aurait dû d’abord l’exécuter intégralement, en évaluer ensuite la mise en œuvre, quitte à y proposer enfin des corrections au lieu d’édicter, sans le dire, une mesure administrative abrogatoire. Agir de la sorte va à l’encontre de l’éthique et outrepasse, sur le plan du droit, les attributions du Ministère de l’Intérieur et les limites de sa compétence.

Honorable Président,

Distingués membres du Bureau,

Honorables Députés et Chers Collègues,

A ce niveau, après avoir démontré la violation des règles élémentaires d’éthique, je tiens à faire remarquer à l’auguste Assemblée que, de par sa nature, l’ordre opérationnel n’a pas de place ni d’application dans l’administration civile. Il s’agit d’un concept généralement utilisé au sein des forces armées. En réalité, l’ordre opérationnel est un ensemble d’instructions données aux troupes ou à un officier pour exécuter une mission ou une opération militaire spécifique. C’est pourquoi, outre le Président de la République, en sa qualité de commandant suprême des forces armées, seuls le Chef d’Etat-major général ou le commandant en charge des opérations précises peuvent émettre un ordre opérationnel. Même le Ministre de la défense n’est pas habilité à prendre une telle initiative qui n’est fondée sur aucune base légale dans l’administration civile. A plus forte raison, le Ministre de l’Intérieur, sauf dérogation spéciale, ce qui n’est pas le cas, ne dispose d’aucune compétence pour prendre un acte d’une portée aussi grave qu’il en est arrivé à anéantir le décret du Chef de l’Etat.

Honorable Président,

Vous aurez remarqué que l’ordre opérationnel sous examen porte le numéro 234. Cette numérotation suppose qu’il y a d’autres ordres qui l’ont procédé. Mais en dépit de la précision de ma question à ce propos, les services du Ministre de l’Intérieur n’ont pas été en mesure de produire les ordres similaires portant des numéros antérieurs ni les matières régies par ces derniers. C’est là la preuve que ce document n’a jamais fait partie des actes du Ministère de l’Intérieur, il n’est pas dans ses archives. Même le numéro 234 qui lui est attribué suscite le doute d’autant plus qu’il ne ressort d’aucune chronologie ! En effet, l’article 93 de la Constitution, en son alinéa 2 dispose que le Ministre statue par voie d’arrêté. Point barre. Et non par voie d’ordre opérationnel.

Vous conviendrez donc avec moi qu’un Etat qui ne respecte pas ses propres lois est un Etat fragile. Le non-respect des lois, ici consommé par la non application du décret présidentiel a eu pour effet, la fragilisation de l’autorité de l’Etat, de l’autorité du Chef de l’Etat et partant, cela a donné lieu à la multiplication des réseaux de trafic, source intarissable de tracasseries multiformes dont souffre la population au niveau des postes frontières de KASUMBALESA au KATANGA, des individus sans titre ni qualité, sélectionnés parmi leurs militants et partisans, qui procèdent chaque jour au contrôle des voyageurs et à la fouille de leurs bagages et marchandises et ce, moyennant des frais à payer par ces derniers. Tout cela se passe, en plein jour, devant les agents de l’Etat, médusés, impuissants et devenus indifférents, puisque eux aussi complices et actifs dans la tracasserie. Cette situation, qui entraine un manque à gagner pour l’Etat, est tout simplement inacceptable.

Je demeure convaincu qu’un Etat qui n’assure pas la sécurité à sa population et qui fait de ses propres citoyens des prisonniers libres, souvent contraints, lorsqu’ils se déplacent sur le territoire national, de verser le pourboire à défaut de produire divers documents exigés à répétition par différents services, dans une cacophonie qui laisse transparaitre un manque de coordination et de rigueur, comme cela se passe aux différentes frontières du pays, un tel Etat, disais je, se place lui-même dans une situation d’insécurité permanente du fait du développement subséquent de la corruption, des réseaux d’influence et centres d’intérêt Clandestins qui opèrent à découvert dans les aéroports, les ports, les gares et autres postes-frontières.

J’estime, à mon humble avis, qu’assurer la sécurité des frontières, ce n’et pas les remplir des services et des agents véreux pour y tracasser la population. Il existe dans ce pays, des textes clairs qui confient le contrôle des mouvements de la population à la Direction Générale de Migration. Je souhaite que ces textes soient appliqués et que nos frontières soient débarrassés des services et agents véreux qui les ont envahies.

En définitive, vous aurez remarqué, à travers cette question, à travers la réponse du Ministre ainsi que les interventions pertinentes des collègues, qu’il y a nécessité absolue de reformer sinon d’accélérer la réforme pour moderniser et humaniser tout l’appareil sécuritaire de notre pays. Si dans une certaine mesure, la Police est avancée à ce sujet, il me semble qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour ramener les autres services à des standards universellement admis en la matière. Dans cette optique, je m’engage à déposer dans les tout prochains jours, une proposition de loi en vue de doter le pays d’un arsenal législatif pouvant garantir sa sécurité intérieure, celle de ses citoyens et celle de leurs biens.

C’est pourquoi, tout en me plaçant dans la perspective de la défense des intérêts de la population, du renforcement de l’autorité de l’Etat, du respect des Lois de la République ainsi que celui des droits et libertés des citoyens, je propose à l’auguste assemblée, d’adopter une recommandation, enjoignant le Ministre de l’intérieur de retirer tout simplement et sans tarder, l’ordre opérationnel N°234 du 27 décembre 2010 et de se conformer scrupuleusement au décret 036/2002 du 28 mars 2002. Ce faisant, je demande également l’ouverture urgente d’une enquête parlementaire chargée de faire l’état des lieux des conditions de circulation des personnes et des biens dans les postes frontières, d’évaluer le niveau d’application des lois de la République en la matière ainsi que le préjudice financier causé à l’Etat pour proposer des mesures adéquates.

Honorable Président, j’ai dit.

Fait à Kinshasa, le 3 octobre 2014

LUBAYA Claudel André

Député National
Le direct
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