C’est ce qui revient d’une source de la maison civile du président : « le Boss ne sera pas candidat quelles que soient les circonstances, il respectera la constitution, rien que la constitution ». Mais il m’a précisé que « le président est et restera en fonction jusqu’à l’investiture d’un nouveau président de la République. Entretemps l’armée devra se tenir prête à écraser tout mouvement d’insurrection ou de sédition qui aura la folie d’occasionner une révolte ou une insurrection populaire afin de déstabiliser les institutions et le pays. Pareil mouvement déstabilisateur sera réprimé durement au Congo. Il y aura l’alternance mais comme en Tanzanie ».

Ceci appelle à une double interprétation de notre part. D’abord, dire que Kabila respectera la Constitution et restera en fonction jusqu’à l’investiture d’un nouveau président de la République renvoie à l’article 70 §2 de la Constitution qui dit « A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ». A notre avis, cet argument fait partie du piège à cons qui pourrait se cacher derrière l’appel au dialogue dont l’objectif latent de Kabila est, comme on l’a avancé plus haut, de pousser ses interlocuteurs à la mise en place d’un gouvernement de transition. Mais le piège qui se cache derrière cette stratégie est que cette éventuelle transition devra respecter la Constitution, donc maintenir Kabila à la tête du pays jusqu’à l’installation effective de son successeur. On est là au cœur même de l’application de l’Enigma !

Ensuite, la deuxième interprétation que l’on peut faire de cette déclaration est une solution alternative communément identifié sous la formule Poutine-Medvedev. C’est-à-dire que Kabila fera tout s’il quitte le pouvoir de faire en sorte que son successeur soit de son parti politique le PPRD ou de la majorité présidentielle. Une personne qu’il devra contrôler totalement. En effet, en Tanzanie, c’est John Pombe Joseph Magufuli, le dauphin du président sortant Jakaya Kikwete, qui a gagné l’élection présidentielle du 25 octobre 2015 avec 58 % des voix contre l’opposant Edward Lowassa qui a voulu s’autoproclamer vainqueur avant d’accepter les résultats. John Magufuli est membre du parti Chama Cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1964.

Ce scénario, déjà évoqué par DESC en août 2014 sous le titre : «Et si Joseph Kabila pactisait avec Mugabe pour résister à Obama ? »[35], reste plausible. Dans cet article, nous avancions que Kabila pourrait s’appuyer sur l’expérience de « son parrain politique », pour résister aux faiseurs de rois occidentaux qui veulent son départ en 2016. Le récent voyage de Kabila à Harare, la capitale zimbabwéenne, est probablement à placer dans ce contexte. Et le quotidien zimbabwéen The Independant a été très explicite à ce sujet sous le titre : « Kabila seeks Mugabe help to retain power ». Et le journal d’avancer: «TOP government officials say Democratic Republic of Congo (DRC) President Joseph Kabila wants Zimbabwe to assist him circumvent the constitutional requirement that he steps down after serving two terms as president, amid growing unrest caused by his bid to stay in power »[36] .

Pour une source présidentielle contactée par DESC : « C’était juste une visite de 24 heures auprès du vieux Bob (Mugabe ) dans le but de recueillir ses avis et conseils par rapport au future dialogue national. L’idée était de voir avec le vieux Bob comme il était parvenu de convaincre l’opposant Tsvangirai à accepter d’entrer dans un gouvernement d’union nationale pour l’avaler par la suite. De deux le président Kabila postule comme futur président de l’Union africaine dont le sommet de passation de pouvoir doit se tenir à Harare en janvier 2016. Le boss veut s’assurer du soutien des chefs d’Etat des pays membres de la SADC[37] ainsi que ce de la CEEAC[38] et de l’EAC[39].

Conclusion

Au-delà du des vertus et du bien-fondé du recours au dialogue dans le cadre politique, ceux qui ont compris la stratégie du fighting and talking, peuvent cerner ce que recherche Kabila à travers son dialogue. Ce n’est pas tant le dialogue qui va apaiser la situation et rendre la sérénité mais ce sont les actes politiques concrets posés et à poser par Kabila, en conformité à ses prérogatives constitutionnelles, qui permettront d’apaiser la tension politique.



Enfin, quel crédit faut-il accorder à un homme qui tend la carotte du dialogue de sa main gauche alors qu’il prépare sa main droite à frapper la population qu’il a déjà réprimée dans le sang en janvier 2015, en formant 5 000 nouveaux jeunes pour la GR, surnommés les « Abeilles et les Fourmis » par les experts égyptiens et israéliens et en recyclant 3 000 autres militaires vers la GR ?

Si réellement Joseph Kabila avait l’intention de quitter le pouvoir pacifiquement et d’assurer les élections apaisées en RDC, il n’aurait pas recruté ces « tueurs », ni instauré le désordre politico-administratif actuel par le découpage précipité des provinces, la nomination politico-clientéliste des commissaires spéciaux ainsi que le blocage de la CENI… ?

En livrant toutes ces informations que nous demandons à quiconque de contrevérifier et au mieux de démentir si réellement elles sont fausses, notre but est d’attirer l’attention de ceux qui vont au dialogue avec Kabila sur sa double personnalité psychologique bipolaire. Mieux encore, dans leurs prérogatives constitutionnelles du contrôle de l’action du Gouvernement et des services publics dont l’armée[40] en charge de la politique de défense, les parlementaires (de l’opposition) peuvent aller vérifier les sites militaires renseignés par DESC. Même dans le cadre du contrôle de l’achat des armes par la RDC prévu par la Résolution 1807/2008 du Conseil de sécurité de l’ONU du 31 décembre 2008, la MONUSCO peut également faire de même car certaines armes stockées aux lieux mentionnés ont échappé à la procédure de vérification ad hoc[41]. Par ailleurs, les politiciens qui seraient tentés d’aller dans une sorte de gouvernement d’union national avec Kabila doivent se rendre compte que ceux qui l’ont fait précédemment avec lui, ont tous été broyés par la suite : Jean-Pierre Bemba, Nzanga Mobutu, Gizenga et son PALU, Olenghankoy, Mbusa Nyamwisi, etc.

Nous laissons à chacun le libre examen de faire son propre constat sur les intentions réelles de Kabila dans son offre de dialogue. Toutefois, nous vous donnons rendez-vous à 2016 lorsqu’il y aura vraisemblablement des pleurs et des grincements des dents comme en 2011. A ce moment, il nous faudra encore aller nous « endormir comme des bébés » en attendant un nouvel impérium pendant que Kabila, à l’instar de Mugabe, s’installera confortablement à vie au pouvoir !

Aujourd’hui, ceux-là chassés au pouvoir, embastillés et méprisés par Kabila seraient-ils en passe de devenir ses partenaires au dialogue ?

Enfin, je me permets de paraphraser l’analyste Boniface Musavuli qui, inquiet face à l’avenir sombre qui attend les Congolais à l’aune de la fin du mandat de Joseph Kabila, écrit : « Je lis la procession vers 2016 comme la marche vers un goulot d’étranglement. Avec ou sans Kabila, il s’agit d’un passage qui, même réussi sur le plan des élections (ce qui est hautement improbable), ouvre sur le Congo la porte vers l’inconnu, la relance des conflits armés étant, à mon avis, la perspective la plus probable. Décembre 2016 est annoncé pour être le bout du tunnel pour le peuple congolais »[42].

Jean-Jacques Wondo Omanyundu


LIENS COMMERCIAUX

[VIDEOS][carouselslide][animated][20]

[Musique][vertical][animated][30]

 
Top