Ne Mwanda Nsemi est un élu national pour le Kongo Central – peuplé principalement par l’ethnie kongo – qui est aussi chef d’une secte politico-mystique. Pour comprendre ce qu’il représente, il faut retourner en arrière.
Longtemps, ce furent les Bakongo, et non les Katangais, qui firent trembler les partisans de l’unité du Congo. C’est de leurs rangs que surgira la plus grande menace contre l’ordre colonial, le prophète Simon Kimbangu qui, dans un syncrétisme inspiré du christianisme, prêcha un réveil spirituel et politique et rappela à ses frères la grandeur passée du royaume Kongo qui, au XVIème siècle, échangeait des ambassadeurs avec le Portugal et y envoyait étudier ses princes. La colonisation écartela les Bakongo entre le Congo belge, le Congo français et l’Angola. Dans ces deux derniers pays, ils font preuve d’un irrédentisme qui fait régulièrement trembler l’Etat central; aujourd’hui encore, le pasteur Ntoumi donne du fil à retordre à Brazzaville.
Particularisme kongo
Le particularisme kongo s’exprime généralement dans une veine politico-mystique, qu’ont également choisie, dans les années 90, le « roi Mizele Nsemi Bernard », qui lança plusieurs attaques contre le pouvoir de Kinshasa sous Mobutu et Kabila père, et, aujourd’hui, Ne Mwanda Nsemi. Tous deux revendiquent l’indépendance des provinces qui faisaient, en gros, partie de l’ancien royaume Kongo (Kongo–central, Kinshasa et l’ex-Bandundu, divisé, depuis 2015, en Kwango, Kwilu et Maï-Ndombe).
Persuadés, comme nombre de Bakongo, d’être « plus civilisés » que les autres Congolais en raison de leur contact plus ancien avec les Européens, les dirigeants de la secte de Ne Mwanda Nsemi, Bundu dia Kongo, affirme que le sous-développement de leur région est dû au fait qu’ils sont dirigés par des « non-originaires » de leurs provinces depuis l’arrivée au pouvoir de Mobutu, en 1965; le rejet des « non-originaires » touche souvent à la xénophobie. Ils sont partisans d’une « confédération ou rien ». Ces idées sont celles d’une population kongo beaucoup plus large que les fidèles de Ne Mwanda Nsemi mais qui, « plus palabreuse que bagarreuse », récuse la violence utilisée par la secte.
Magouille électorale et meurtre de Chebeya
Cet usage de la violence s’est propagé dans la secte quand, en janvier 2007, Ne Mwanda Nsemi a apparemment été victime d’une « magouille » électorale, qui, corruption aidant, l’a privé du poste de vice-gouverneur de la province du Kongo-central (alors appelée Bas-Congo). Ses militants, armés de bâtons, avaient déclenché des troubles dans plusieurs localités; la répression par Kinshasa – à qui profitait la fraude électorale présumée – fera 134 morts, selon l’Onu, y compris des personnes désarmées et en prières.
Un an plus tard, alors que la police détruit systématiquement les lieux de culte de Bundu dia Kongo, des affrontements entre la secte et les militants fera encore une centaine de morts; l’Onu dénoncera un usage « excessif » de la force et l’Union européenne demandera l’ouverture d’un dialogue entre l’Etat et la secte. Kinshasa préfère l’interdire, malgré les protestations des députés nationaux du Bas-Congo, et condamner, en 2008, 9 militants à mort et 9 autres à 20 ans de prison. Le 1er juin 2010, alors qu’il s’apprête à déposer une plainte pour crime contre l’humanité devant la Cour pénale internationale (CPI) pour ces massacres, Floribert Chebeya, président de l’ONG « La Voix des Sans Voix », est assassiné par la police congolaise à Kinshasa.
Conflit interne
En 2009, le parti Bundu dia Mayala est créé pour prendre le relai de Bundu dia Kongo – et interdit en mai 2011. En novembre 2011, Ne Mwanda Nsemi est à nouveau élu député national, avec Papy Matenzolo, sur la liste du parti Congo Pax. Matenzolo acceptera cependant, en décembre dernier, de devenir vice-ministre des Infrastructures dans l’éphémère gouvernement Badibanga (il a été repris dans le gouvernement Tshibala au même poste), ce qui amènera des heurts internes à la secte au Kongo-central début 2017. Ces heurts, qui ont fait au moins 8 morts, vaudront un mandat d’arrêt à Ne Mwanda Nsemi qui, après s’être brièvement rapproché du président Joseph Kabila, avait retourné sa veste et appelé, sur internet, à le « sortir de ce pays ». Les tentatives pour l’arrêter ont entraîné des affrontements armés en plein Kinshasa en février et ce n’est que le 3 mars qu’elles avaient abouti.
Dix semaines plus tard, l’homme, que ses partisans assurent être doté de « pouvoirs mystiques », a recouvré la liberté. Pour combien de temps?

afrique.lalibre.be
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