Depuis quelque mois, amplifiant les divergences politiques déjà existantes, certains extrémistes de l’arène politique militent pour une «transition sans Joseph Kabila ». Une narrative politicienne d’une singulière toxicité et dangerosité dans un pays déjà en poudrière. On n’a pas le courage de l’exprimer clairement, mais il est limpide que derrière cette campagne se profile implicitement le schéma de «mettre hors d’état de nuire » un adversaire politique victime de la haine politicienne. Un adversaire politique que l’on n’a pas pu dompter autrement. Et on le sait, cette option d’anéantissement politique du Chef de l’Etat Congolais tire ses origines de l’Europe. Cette démarche est non seulement dangereuse en ce qui concerne Joseph Kabila, comme citoyen Congolais, mais elle est aussi périlleuse pour la nation. Une nation qui voyait déjà l’horizon de l’Emergence en 2030, grâce aux percées réalisées en 2012-2016. Aujourd’hui on invoque une solution exclusiviste dont la trame de fond contredit la raison républicaine intégrative. Le rejet de l’autre (des autres) est antithétique à la Res Publica entendue comme espace d’existence collective qui encapsule aussi la nation.

Comme penseur Congolais, aiguiseur de la conscience collective, J’apporte ma part de lumière cartésienne à cette visqueuse problématique. Ma perspective est politologique et non partisane. En ultime instance, ma visée est de démontrer que seule une modalité inclusive républicaine est susceptible de favoriser la cohésion nationale indispensable aux élections crédibles. Celles-ci sont absolument nécessaires pour produire les nouvelles institutions porteuses de légalité et de légitimité d’essence électorale. Ces nouvelles institutions vont lancer l’entreprise collective de la Réinvention du Congo, dans la vision de l’Emergence à l’Horizon 2030. Cela grâce au Plan National Stratégique de Développement (PNSD) que nous sommes appelés à adopter de toute urgence.

Déconstruction Polito-logique du Schéma Antirépublicain Excluant Joseph Kabila de la Transition
Lorsque l’on écoute attentivement ceux qui militent en faveur d’une transition sans Joseph Kabila, sans sombrer dans le réductionnisme, on retient qu’ils n’ont qu’un seul argument générique sur lequel ils fondent leur campagne. Cet argument se résume en ceci : Joseph Kabila n’a pas organisé les élections en 2016 et il est d’une mauvaiseté politique incurable par laquelle il a refusé de mettre en pratique l’Accord de la Saint Sylvestre – dans le sens souhaité par les ténors de ce plaidoyer. Il y a dans cette narrative le schème idéique de Joseph Kabila l’incarnation du mal Congolais. Dans ce prisme cognitif, toute la crise politique se réduirait à une causalité essentiellement imputable à une espèce d’ensorcellement politique dont le Congo serait victime de la part du fils de Mzee Laurent Kabila.

Dans cette logique politique anachronique (de type ancestral), la conclusion est qu’en neutralisant ou en éliminant le génie du mal, la lucidité se rependra subitement dans la classe politique. Ainsi donc, la transition sera automatiquement fructueuse conduisant aux élections crédibles. Et l’avenir du Congo sera inéluctablement radieux. En d’autres termes, l’exclusion qui en réalité porte l’idée de l’anéantissement politique de Joseph Kabila, constituerait selon ce mode de pensée politique surannée, une sorte d’exorcisme des Congolais du mauvais sort que ce génie du mal aurait jeté sur la nation. Malheureusement, la manipulation populiste conjuguée à la politicaillerie haineuse et l’auto-messianisme, ont poussé beaucoup de Congolais à s’imbiber de cette construction idéique fielleuse et fallacieuse. Ils la considèrent comme une vérité granitique. Toute remise en question de cette imagerie populiste de «Joseph Kabila génie du mal », qui a été propagée par les politiciens manipulateurs pendant des années, attire des invectives caustiques. Mais, elle appelle urgemment une déconstruction. Joseph Kabila n’est pas le génie du mal politique Congolais : la crise est anthropo-sociétale comme je l’ai expliqué dans une autre réflexion.

Tout esprit élevé en captage des phénomènes politiques sait qu’au plan du système politique on ne peut pas réduire une crise politique à un acteur politique. Notre histoire l’a démontré magistralement. Un acteur politique ne peut qu’être l’exutoire ou le symptôme d’un mal qui est dans le système. Joseph Kabila est lui-même l’objet d’une socialisation politique Congolaise ayant injecté en lui des manières de penser, d’agir et de réagir par rapport au pouvoir, qui sont ambiantes dans le système politique. Même si on excluait tous les membres de la majorité de la transition (ce que l’on n’a pas le courage de dire), il serait absurde de soutenir que la transition marcherait comme sur des roulettes. Dans cette optique, force est de souligner que toute crise politique, surtout récurrente comme celle du Congo, possède des éléments de causalité encastrés dans le système lui-même. De telle sorte que quelque soit le président, le premier ministre, ou le nombre des élections, les dysfonctionnements dudit système se reproduisent si les solutions proposées sont fallacieusement personnalisées et n’éradiquent pas les causes quintessentielles. Les éléments de causalité d’une crise politique récurrente sont spirituels, intellectuels, éthiques, idéologiques, sociaux, économiques, voire diplomatiques. Je ne saurais pas les expliquer tous ici. Mais, je retiens ceux du registre spirito-intellectuel-éthique. Sous cet angle, il me semble que c’est la sous-éclosion spirituelle-intellectuelle-éthique-(idéologique) des politiciens Congolais qui cause un nombrilisme aveuglant. Celui-ci les empêche de mal capter les phénomènes politiques en y voyant toujours le mal dans les autres et jamais en eux-mêmes. C’est une pathologie généralisée dans l’arène politique Congolaise et Africaine. Ce qui est grave en RD Congo, c’est que l’opposition n’a jamais reconnu sa part de déficits dans notre trajectoire historique, afin d’imaginer un mode opératoire innovant, capable de réorienter ses adversaires.

Dans le cas Congolais, le schéma de l’anéantissement politique de Joseph Kabila, qui incarnerait le génie du mal, suggère, dans une décomposition politologique élémentaire, que l’opposition est porteuse des vertus salvatrices indubitables. Et donc, elle-seule (l’opposition) porterait la pureté politique l’autorisant d’imposer la modalité de la transition ainsi que les termes de sa gestion avec les acteurs et les managers de la CENI validés par son esprit oppositionnel éclairé. De toute évidence, une telle proposition est non seulement fallacieuse dans sa prémisse, mais aussi immorale dans ses implications sociopolitiques. En effet, dans une res publica nul ne peut réclamer le monopole du bien et brandir l’autre comme incarnation du mal et sur cette base réclamer son anéantissement ou sa liquidation politique – qui n’est pas loin d’une annihilation tangible. On sait, et l’histoire l’a démontré à maintes reprises : l’opposition congolaise (Africaine) n’est pas l’incarnation du bien et le parangon de la pureté politique. Joseph Kabila n’est pas indispensable, et il n’est pas parfait certes, mais une solution inclusive est plus porteuse des possibilités des contre-pouvoirs et d’équilibre. L’unilatéralisme est irrémédiablement néfaste pour la res publica.

Exploration Historique et Périls de l’Exclusion Politique dans la Résolution de la Crise Politique en RD Congo
A l’Université d’Harvard, précisément au Kennedy School of Government, un accent est de plus en plus placé sur la nécessité de l’Histoire appliquée afin de contribuer à l’amélioration des décisions politiques. En RDC, comme je l’ai souligné à maintes reprises, les politiciens souffrent d’une amnésie antérograde. Elle nous fait toujours tourner en rond. Et l’histoire se répète. En 1960, Lumumba fut brandit comme la seule source de nos malheurs. Ici même à Kinshasa (Léopoldville) des marches incendiaires furent organisées contre Lumumba. En conjonction avec certains décideurs-stratégistes occidentaux (comme aujourd’hui encore), il fut mis «hors d’Etat de nuire». Contrairement à ce que pensaient ses détracteurs le Congo plongea dans le chaos. En 1965, le Président Joseph Kasa Vubu fut taxé de «mangeur des premiers ministres » et source du conflit secouant la nation. Il fut évacué de la présidence et le Congo fut transformé en une dictature quasi-totalitaire. Vers la fin des années 1990s, considéré comme l’incarnation du mal Joseph Mobutu fut écrasé, humilié, en précipitant sa mort. Aujourd’hui, 20 ans après, certains politiciens parcourent encore le monde pour démontrer que le président de leur pays est un génie du mal méritant d’être neutralisé pour sauver le Congo. Amnésie. Comme je l’ai relevé dans un autre article, pourtant le même J. Kabila qui est taxé de génie du mal aujourd’hui avait accepté de partager le pouvoir avec plusieurs chefs rebelles en 2003-2006. Et on le sait, certains chefs rebelles étaient accusés (à tort ou à raison) d’avoir exécuté des millions d’individus et même d’avoir versé dans d’anthropophagie !

A mon sens, la proposition d’une transition sans Joseph Kabila révèle l’onirisme politique. Celui-ci découle de l’auto-messianisation (à force d’entendre une certaine populace les appeler « sauveurs ») inhibant la pensée objective de certains politiciens. Ils ne voient que leurs fragments du tableau. Comment et avec quel moyens vont-ils exclure Joseph Kabala et sa majorité ? Dans ce fantasme, on commet la périlleuse erreur de penser que les affidés internationaux neutraliseront J. Kabila comme un enfant de cœur et tous ceux qui lui sont fideles. C’est un délire provoqué par la fièvre haineuse. Les détracteurs de Joseph Kabila ne savent aucunement ce qu’il pense et comment il réagirait s’il était exclu de manière unilatérale et humiliante. Soyons réalistes : exclure Joseph Kabila signifie en réalité exclure la Majorité Présidentielle. Même si par un deus ex machina, Joseph Kabila venait à être exclu, et que quelques opportunistes de la Majorité Présidentielle parvenaient à trahir leur autorité morale (ce qui est inéluctable) en participant à une transition sans ledit Kabila, ceux qui lui resteront fidèles rendront une telle transition extrêmement difficile à réaliser pacifiquement sinon impossible à matérialiser.

En plus, cette solution porte une ambigüité méritant d’être relevée. La non-réalisation des élections n’est pas un fait instantané ayant eu lieu seulement en 2016. De 2012 à 2015, certains ténors de l’opposition qui étaient des décideurs de premier plan dans le régime de Joseph Kabila savaient immanquablement qu’il n’y aurait pas élections à l’échéance 2016. Pendant cinq ans Ils savaient et voyaient qu’aucune disposition tangible n’était prise à cette fin. Ils sont donc co-auteurs de la faute pour laquelle ils comptent exclure Joseph Kabila. Maintenant, ces anciens caciques de la M.P veulent nous faire croire que leur passage à l’opposition les auraient subitement rendus autrement plus saints et vertueux pour qu’ils plaident en faveur d’une transition sans Joseph Kabila !

En ce qui concerne la non-application de l’Accord de la Saint Sylvestre 2016, à moins que l’on ne soit vraiment encagé mentalement dans un boitier partisan, on ne peut pas de manière absolue affirmer que ledit accord ne porte aucun fragment d’application et que Joseph Kabila aurait «débauché Bruno Tshibala » et ses compères. Je pense qu’il convient de déployer un minimum d’esprit critique pour cerner le fait que quelque part, à ce sujet précis, les responsabilités sont partagées. Si face à l’exigence de trois noms par la Majorité Présidentielle, le Rassemblement (encore uni en ce moment là) avait fait preuve de transcendance (pour le besoin de la paix et la cohésion nationale) en proposant trois cadres, on aurait évité la crise actuelle. Mieux encore, Bruno Tshibala et les autres membres de l’opposition étaient libres de rejeter l’offre de Joseph Kabila. Donc, c’est vraiment un aveu d’impuissance, une reconnaissance de ses propres turpitudes, que d’affirmer que Joseph Kabila «a débauché ces hauts cadres de l’opposition » et ipso facto n’a pas appliqué l’accord de Décembre 2016. Si depuis 1990, les cadres de l’opposition ne font qu’être débauchés, sans capacité de résister (sauf le Dr. Tshisekedi), l’opposition ne peut pas réclamer une quelconque sainteté politique pour sauver le Congo. La rigidité, l’incapacité de trouver le compromis, ont souvent empêché la frange radicale de l’opposition d’impulser le changement, à plusieurs tournants décisifs de l’histoire. En refusant de cerner ses propres faiblesses, cette frange radicale de l’opposition continuera perpétuellement à blâmer les autres pour ses turpitudes. Pour paraphraser Jean-Paul Sartre l’Existentialiste, la mauvaise foi c’est aussi lorsque l’on perçoit les meilleures options et que par conformisme, on s’enferme dans des rôles inféconds à l’éclosion de l’être. Etre libre c’est faire preuve d’une faculté de choix devant les diverses options, pour faire avancer la collectivité, en transcendant l’égoïsme, le formalisme, voir l’orgueil. Et c’est dans les deux camps majorité et opposition que cette transcendance s’impose.

CONCLUSION : L’INCLUSION REPUBLICAINE POUR LA COHESION ET L’EMERGENCE DU CONGO
Ayons le courage intellectuel d’affirmer que lorsque notre Constitution reconnait dans son préambule que l’exclusion a toujours été la source de nos catastrophes politiques, aujourd’hui plaider pour l’exclusion d’un acteur politique aussi crucial que Joseph Kabila et sa famille politique est une contrariété, sinon une invective, à notre intelligence collective. Qui plus est, l’exclusion révèle un mental du raccourci et de la mollesse. Pourtant le Congo a besoin d’une opposition forte capable de faire face à Joseph Kabila et sa M.P à l’interne dans une transition inclusive, pour réaliser une transition jouissant de la contribution de tous. L’opposition a le devoir de démontrer à la face du monde qu’elle peut transformer la RD Congo, en commençant par impacter ses adversaires politiques dans une interaction féconde. L’exclusion porte trop d’incertitudes périlleuses car nous ne savons pas sur quoi elle va déboucher. En revanche, l’inclusion est possible, sans arrogance et avec une tactique politique conciliante. Ce sont plus l’ego et le nombrilisme qui rendent une interaction politique féconde difficile. Joseph Kabila est gérable. Pour y arriver, il faut que l’opposition soit aussi transformée dans ses schèmes idéiques. Il est étonnant que même les opposants de la nouvelle génération soient encore ancrés dans des méthodes anachroniques et régressives déployées contre Mobutu, il y a plus de 20 ans. Notre opposition a besoin du déploiement d’une intelligence politique tactique innovante. Celle-ci permettra la cohésion sociopolitique propice à une interaction conciliante Majorité-Opposition et une transition fructueuse pour des élections apaisées. La RD Congo a besoin de cette cohésion pour sa réinvention qui passe par son émergence à l’Horizon 2030. Nous avons déjà accusé du retard dans le cheminement vers cette visée par notre politicaillerie inféconde en 2016 et 2017. Cette crise nous permet de déployer une intelligence dialectique afin déceler le mal en nous et nous guérir définitivement. Le géant Africain qu’est la RD Congo ne peut plus se permettre un autre désastre politique voire militaire qui va aggraver la souffrance du peuple et éloigner l’émergence dont l’horizon était déjà devenu pourtant si visible avant 2016. Déployons la foi et la raison pour réinventer ensemble ce beau pays. La grandeur consiste en ce que celui qui se croit vertueux ne complote pas l’élimination de celui en qui il perçoit le mal, mais l’aide à se redresser afin qu’ensemble ils bâtissent une communauté prospère.
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