Sale temps pour Joseph Kabila. En ce début d’année, le président (hors-mandat) fait face à une contestation de plus en plus vive à l’intérieur du pays et à une pression de plus en plus forte à l’extérieur. 
La communauté internationale de plus en plus remontée 
Au lendemain de la répression des marches pacifiques du 31 décembre 2017 en RDC, l’administration américaine ne décolère pas. Après s’être indignée de l’usage excessif de la force contre les manifestants par les forces de sécurité  congolaises, Nikki Haley, l’ambassadrice permanente des Etats-Unis auprès des Nations Unies, exhorte sèchement Joseph Kabila à « respecter son engagement à quitter le pouvoir, conformément à la constitution de la RDC, à la suite d’élections crédibles en décembre 2018″. Le ton diplomatique de l’année sur la RDC semble donné.
Quelques jours plus tard, la Belgique ajoute sa voix au concert international. Le 10 janvier, le gouvernement belge prend la décision de cesser, jusqu’à nouvel ordre, toute coopération bilatérale avec le gouvernement congolais sans suspendre pour autant son aide humanitaire afin de ne pas pénaliser la population congolaise. Concrètement, 25 millions d’euros qui auraient dû être alloués dans des secteurs gérés par les autorités congolaises seront reversés dans des programmes d’aide humanitaire ou de soutien à la société civile congolaise. Un précédent qui inquiète Kinshasa à l’heure où l’argent commence à se faire rare et où le régime congolais tente vainement d’ouvrir des négociations avec le FMI. Pire, les Etats-Unis pourraient dans les prochaines semaines renforcer leurs sanctions individuelles contre la famille et le premier cercle de Joseph Kabila. Parmi les noms qui circulent, figurent ceux d’Albert Yuma (le patron de la Gécamines), Francis Selemani Mtwale (le directeur général de BGFI en RDC), Jaynet Kabila ou encore Zoé Kabila
Quelques jours plus tard, c’est au tour de l’Union européenne d’enfoncer le clou. Les eurodéputés – que l’on disait empêchés par la France et l’Espagne de protester plus vigoureusement au lendemain de la répression du 31 décembre – adoptent en effet, jeudi 18 janvier, une résolution contraignante contre le régime de Joseph Kabila, l’enjouant entre autres à mettre en place « des mesures concrètes démontrant la volonté politique manifeste [du régime de Kinshasa] d’organiser les élections le 23 décembre 2018″. Le signal est clair : les promesses ne suffisent plus, il faut des actes désormais. Joseph Kabila n’a plus le bénéfice du doute. Et comme pour les Etats-Unis, dans les couloirs de Bruxelles et de Strasbourg, un renforcement des sanctions pourrait prochainement être décidé.
Les pays de la sous-région de plus en plus inquiets
Mais il n’y pas qu’au sein de la communauté internationale, loin de là, que l’on s’inquiète de la tournure des événements en RDC. Les craintes sont également vives dans les pays voisins. 
Mais ces derniers jours, ce sont essentiellement l’Ouganda et la Tanzanie, discrets jusqu’à présent, que l’on a vu taper du poing sur la table. La Tanzanie où l’opinion nationale s’est fortement émue de l’attaque meurtrière, le 7 décembre dernier, contre des casques bleus de la MONUSCO à Semuliki dans le Nord-Kivu à l’est de la RDC. Au total, 15 morts au moins, tous Tanzaniens, et 53 blessés. « Je suis très choqué et très attristé d’apprendre la mort de nos jeunes, de braves soldats et des héros qui ont perdu leur vie dans l’accomplissement de leur mission de paix chez nos voisins de la RDC », avait alors pudiquement déclaré John Magufuli, le président tanzanien. Mais en privé, le ton est tout autre. M. Magufuli, même s’il ne remet pas en question l’engagement des troupes tanzaniennes au sein de la MONUSCO, n’a pas eu de mots assez durs contre Joseph Kabila, soupçonné de s’accommoder de cette situation d’instabilité dans l’est de la RDCCôté ougandais, on n’est pas loin de penser la même chose, quand bien même le président Yoweri Museveni a longtemps compté parmi les soutiens de Joseph Kabila. Le 22 décembre dernier, l’armée ougandaise n’a pas hésité à passer de nouveau la frontière pour pourchasser en territoire congolais les rebelles de l’Allied Democratic Forces (ADF), en guerre depuis bientôt 23 ans contre le pouvoir de Kampala et qui a fait de l’est de la RDC sa base de repli. 
Plus au sud, les relations se tendent également avec l’Afrique du Sud. La défaite de Nkosazana Dlamini-Zuma (ex-épouse et soutien de Jacob Zuma) lors du dernier Congrès de l’ANC et la montée en puissance de Cyril Ramaphosa, prochain candidat à l’élection présidentielle en Afrique du Sud sous la bannière du parti au pouvoir, est une mauvaise nouvelle pour Joseph Kabila. D’autant que dans la nation arc-en-ciel, c’est peu dire que le président RD congolais, soutenu par le très impopulaire Jacob Zuma sous fond de relations d’affaires, a mauvaise presse.
Même constat délicat au Zimbabwe. Robert Mugabe, autre fervent soutien de Kabila au sein de la SADC, a été contraint par l’armée et Emmerson Mnangagwa à quitter le pouvoir. Or, le nouvel homme fort de Harare tient le président RD congolais en piètre estime.
La population remobilisée par les confessions religieuses
Mais l’événement le plus notable de ces derniers jours reste bien entendu la mobilisation populaire à l’intérieur même du pays. De ce point de vue, la journée du 31 décembre 2017 a été un succès, en dépit d’une répression féroce. L’Eglise reconnaît cinq morts contre zéro pour les autorités. Mais pour nombre d’ONG locales et internationales, le bilan serait bien plus lourd. « Il y a eu des blessés, des morts, bien plus de cinq car l’armée a confisqué certains corps. Deux jours après la manifestation, des inondations ont fait plus de 40 morts à Kinshasa et je soupçonne les autorités d’avoir mélangé les victimes », a ainsi déclaré le grand historien congolais Isidore Ndaywel, qui a lui aussi pris part à la mobilisation.
Fort de cette mobilisation sans cesse grandissante, le Comité laïc de coordination a lancé un appel à une nouvelle marche ce dimanche 21 janvier, malgré son interdiction par les autorités, pour demander l’application intégrale de l’accord de la Saint-Sylvestre – dont l’organisation effective des élections et la mise en œuvre de la décrispation politique – signée entre la majorité et l’opposition le 31 décembre 2016 (mais jamais appliqué par les autorités). Une initiative très largement soutenue par les mouvements citoyens et les partis d’opposition, qui jouent un rôle majeur dans la fronde anti-Kabila.

Quid de l’armée ?
 Pour achever la peinture d’un Joseph Kabila de plus en plus isolé, reste une inconnue : l’armée. « Elle peut faire basculer d’un côté ou de l’autre le destin du pays », indique une source sécuritaire. Même s’il est difficile d’en cerner l’état d’esprit à l’heure actuelle, l’armée étant loin d’être monolithique, on sait cependant que pour réprimer les dernières manifestations, Joseph Kabila a été contraint de recourir à un noyau dur, toujours plus resserré, composé de l’ANR, d’une partie de sa Garde Républicaine, ainsi que de mercenaires. Le 31 décembre dernier en effet, de très nombreux témoins ont fait état de la présence d’éléments anglophones parmi les forces de l’ordre, ceux précisément qui se sont le plus illustrés par leur violence. « C’est logique car de plus en plus de soldats et de policiers congolais rechignent à exécuter les basses besognes du régime », explique notre source.
 En RDC, indubitablement, le climat se tend. Et pour cause, l’isolement croissant du régime a pour contrepartie son raidissement, loin de la « décrispation » prescrite dans l’accord de la Saint-Sylvestre. Les victimes de la répression du 31 décembre dernier, les menaces et les intimidations sur les prélats et les ONG (dont Paul-Marie Nsapu de la FIDH) ou encore les mandats d’arrêt délivrés contre les organisateurs de la prochaine marche prévue ce dimanche 21 janvier sont là pour en attester.
A l’apaisement, Joseph Kabila semble préférer la fuite en avant…

afrique.lalibre.be
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