Après deux reports, le tribunal militaire de garnison de N’dolo a prononcé son jugement avant dire droit sur l’affaire inscrite sous le RP602/13, mettant en cause le Docteur Jean-Pierre Kanku Mukandi contre le Ministère public.
C’était hier, vendredi 31 janvier 2014, dans l’enceinte même de la prison de N’dolo. Le tribunal a, pour ce faire, balayé les exceptions soulevées par la défense, lors de l’audience du 10 janvier dernier. La partie défenderesse qui a fait appel pense que ce jugement permettra à ce qu’à la prochaine audience, le fond soit débattu. C’est ce qu’affirme Me Nkongolo Kayemba, Avocat-conseil du Docteur Kanku Mukandi, Président du Mouvement Débout Congolais. Cette prochaine audience, qui va aborder le fond, est prévue pour le vendredi 7 février prochain, a-t-on indiqué.
Après avoir entendu les parties et leurs argumentaires et, puis, la réplique du Ministère public, le tribunal a jugé recevable et fondé, à moitié, les requêtes du prévenu Kanku.
Il y a lieu de rappeler que la partie défenderesse avait demandé, en date du 10 janvier dernier, que le Docteur soit jugé devant un tribunal civil. D’autant plus qu’il n’est pas militaire, ni policier, moins encore un agent de sécurité. En rapport avec cette exception, le tribunal a répliqué en ces termes : ‘’Quant au problème de compétence, le tribunal se déclare compétent à l’égard du prévenu Kanku. Quant à la violation de certaines instructions pré-juridictionnelles et à la présomption d’innocence, le tribunal déplore et dénonce les irrégularités de procédure au niveau notamment, du non respect des règles relatives au secret de l’enquête préliminaire, de la visite, de l’assistance des conseils, de la tardiveté de la prolongation de détention préventive et de la violation de la présomption d’innocence. Dit quelles sont de nature à ébranler les institutions fondamentales de notre droit procédural et à porter atteinte à l’image de notre justice. Mais, dit également qu’elles ne justifient pas en soi, la violation de la procédure compte tenu de la régularisation opérée antérieurement au niveau du parquet militaire’’, a dit le Président de la Cour.
Le tribunal a, par ailleurs, rencontré l’exception relative à l’album de photos. ‘’Le tribunal dit nul et de nul effet l’album de photos. En conséquence, il l’écarte de débats de la présente cause, sauf si les éléments qu’il contient se trouve confirmé et corroboré, par ailleurs, dans d’autres tiers témoignages’’, a poursuivi le président. En ce qui concerne la mise en liberté provisoire de Jean-Pierre Kanku, telle que suggérée par ses avocats, le tribunal s’est prononcé en ces mots : ‘’S’agissant de la main levée du prévenu Kanku, le tribunal le maintient en détention, ordonne la poursuite de l’instruction de la cause sous examen, réserve les frais ainsi jugés et prononcés à l’audience publique de ce jour, à laquelle ont siégé toute la composition présente, le ministère public et le greffier’’.
La défense fait appel
Après avoir suivi attentivement le prononcé de la Cour, Me Clément Nkongolo Kayemba a, pour ce faire, fait appel parce qu’il n’est pas totalement satisfait. ‘’C’est vrai que le tribunal militaire de garnison de N’dolo vient de rendre son avant dire droit, mais nous ne sommes pas totalement satisfaits. Sur la litanie d’exceptions que nous avons eues à soulever, le tribunal ne nous a rencontrés qu’en partie. Mais, il nous a aussi donnés raison sur certains points, nous devons le reconnaître’’, a-t-il expliqué. Abordant point par point ce prononcé, Me Nkongolo relève certains points rencontrés. ‘’Par exemple, lorsque certains des PV ont été écartés du débat, nous sommes satisfaits sur ce point-là, quand bien même nous allons en appel sur les exceptions qui n’ont pas été rencontrées par le tribunal. Je tiens à signaler aussi que l’album est aussi écarté du débat. Le juge vous a dit que le fait que le Ministre ait présenté nos clients à la télévision, le tribunal reconnait que certaines dispositions légales ont été violées. Donc, c’est déjà un avantage pour nous’’, a-t-il argué. L’insatisfaction réside au niveau où le tribunal s’est dit compétent de juger JP Kanku et ce, conformément au code de justice militaire. ‘’Mais, là où nous ne sommes pas d’accord avec le tribunal, c’est quand il a justifié sa compétence vis-à-vis du client Kanku qui est civil. Que le code de justice militaire ait prévu que certains civils peuvent être jugés dans un tribunal militaire, c’est une violence de la Constitution. Et ce que je n’ai pas apprécié dans le jugement, c’est quand le président dit qu’il fallait que l’on dirige une action contre cette loi, pour relever son inconstitutionnalité, là nous sommes contre’’, déclare-t-il.
La constitutionnalité des lois
Profitant de son intervention devant la presse, Me Nkongolo a expliqué les formes de la constitutionalité des lois. ‘’Il y a la constitutionalité des lois par voie d’action et par voie d’exception. Par voie d’action, c’est une action qui est diligentée contre une loi, jugée inconstitutionnelle. Mais, dans le cas d’exception, ce qu’on vous applique une loi inconstitutionnelle, et vous réagissez pour dire que cette loi ne peut pas être appliquée, parce qu’elle est inconstitutionnelle, c’est ce que nous avons fait’’, a-t-il fait savoir.
La sécurisation de la défense
Après que le jugement avant dire droit ait été prononcé, les avocats du Docteur Jean-Pierre Kanku Mukandi ont demandé à ce qu’ils puissent être sécurisés dans la suite de la procédure.
‘’ Nous voulons que les témoins que nous avons ciblés comparaissent. Monsieur le Président, nous voulons que l’auditeur militaire nous sécurise. Parce que, comme vous pouvez vous en rendre compte, il y a des officiers hautement gradés que nous avions voulu qu’ils comparaissent par devant vous’’, a dit la partie défenderesse. En réponse à cette préoccupation, le Ministère Public n’a trouvé aucun inconvénient quant à cette exception. ‘’ Etant organe de la loi, le MP sécurise tout le monde. Que la défense se rassure qu’elle sera bel et bien sécurisée’’, a dit l’auditeur militaire. Il sied de rappeler à ce niveau que le prévenu est accusé, entre autres, de détention illégale d’armes et munitions de guerre, d’atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, d’incitation des militaires à commettre des actes contraires à la loi, à la participation à un mouvement insurrectionnel et à l’espionnage.
Kevin Inana
Le direct