Internet n'a toujours pas été rétabli à Kinshasa et la situation demeure très tendue dans la capitale de la République démocratique du Congo. Des coups de feu ont retentit sur le campus de l'Université de Kinshasa. Depuis deux jours, des opposants au président Joseph Kabila manifestent. Ils accusent le président de vouloir faire passer une nouvelle loi électorale qui lui permettrait de se maintenir au pouvoir. Les affrontements avec les forces de l'ordre auraient fait 28 morts, d'après une ONG locale, bilan non confirmé par les autorités.

"Ce matin encore nous sommes en pleine opération parce qu'il y a un mouvement (d'étudiants) près de l'Unikin" (université de Kinshasa) a déclaré le porte-parole de la police Israël Mutumbo. "Nous sommes en train de sillonner la ville car il y a des petits groupes qui se forment". Une journaliste de l'AFP a entendu deux coups de feu dans le campus universitaire, alors qu'un petit groupe de policiers faisaient face à quelques dizaines d'étudiants qui scandaient "Kabila dégage".
Dans le quartier de Ndjili, un poste mobile de police a été détruit par un groupe de jeunes qui scandaient des slogans hostiles au chef de la police de Kinshasa, le général Celestin Kanyama. Ces nouveaux troubles interviennent après deux journées de violences meurtrières dans la capitale de la République démocratique du Congo, qui ont fait 28 morts, selon une organisation de défense des droits de l'Homme congolaise, cinq selon les autorités.
Internet était toujours coupé ce mercredi, les services 3G et les SMS indisponibles, et on ne captait plus la radio RFI, ont constaté des journalistes de l'AFP. La plupart des écoles de Kinshasa étaient fermées, selon des journalistes de l'AFP et des habitants.
Alors que des émeutiers incendiaient mardi après-midi une mairie à Kinshasa, l'opposant historique de Kabila, Etienne Tshisekedi, a lancé depuis Bruxelles un appel à chasser le "régime finissant" de l'homme fort de Kinshasa .
Interrogé mardi soir par l'AFP, le porte-parole de la police Israël Mutumbo a estimé que les violences "sont juste des pillages, il n'est plus question de manifestations contre la loi électorale".
Kinshasa, où la quasi-totalité de la population se débat dans une gande pauvreté, a été mardi le théâtre de nombreuses scènes de pillages, observées par des journalistes de l'AFP ou rapportées par des témoins, dans plusieurs quartiers du sud et de l'ouest de la capitale.
Dans l'après-midi, une centaine de jeunes émeutiers ont pris d'assaut puis mis le feu à la mairie de la commune de Ngaba, un quartier sud de Kinshasa, et sont restés plus d'une demi-heure à regarder l'incendie ravager ce bâtiment symbole de l'Etat. Les forces de l'ordre étaient absentes, et les rues alentour désertes.
"Nous sommes fatigués de Kabila. Il faut qu'il parte", a déclaré à l'AFP un protestataire.
Les émeutes ont été déclenchées par un projet de loi électorale, qui a été examiné mardi par le Sénat. Le texte lie la tenue des prochaines élections législatives et présidentielle à la réalisation d'un recensement général devant commencer cette année.
L'opposition dénonce un "coup d'Etat constitutionnel" du président Kabila, au pouvoir depuis 2001, pour se maintenir à son poste au-delà de 2016, alors que la Constitution lui interdit de se représenter.
Le gouvernement argue que le nouveau décompte des habitants assurera aux élections un caractère pleinement représentatif, mais l'opposition s'inquiète du temps que cela prendra. Le dernier recensement général remonte à 1984.
Le gouvernement a reconnu que le projet de loi risquait d'entraîner un report de la présidentielle censée avoir lieu fin 2016.
Dans ce qui pourrait être un signe d'apaisement envers l'opposition, le ministre de l'Intérieur Evariste Boshab a affirmé mardi au Sénat que le projet de loi controversé n'était qu'une "ébauche".
"Il n'y a pas du tout de +conditionalité+" entre la tenue des élections présidentielle et législatives et la réalisation du recensement, a-t-il assuré.
'Régime finissant'
Joseph Kabila est arrivé à la tête de l'État par succession héréditaire à la mort de son père, Laurent-Désiré Kabila, chef rebelle ayant pris le pouvoir par les armes. Il a été élu président en 2006 lors des premières élections libres du pays depuis son indépendance de la Belgique en 1960.
De Bruxelles, où il se trouve en convalescence depuis le mois d'août, l'opposant congolais Etienne Tshisekedi a lancé un "appel solennel" au peuple pour contraindre le "régime finissant" du président Kabila à "quitter le pouvoir".
"Le régime d'imposture, en place à Kinshasa, ne cesse de multiplier les actes irresponsables de provocation, plongeant ainsi la nation dans une impasse totale qui risque d'installer un climat de chaos généralisé", avertit M. Tshisekedi, qui assure n'avoir "jamais cessé" de demander au peuple de se "mobiliser pour réclamer pacifiquement ce qui lui revient".
RTBF avec AFP