Les juges devraient pouvoir exploiter les écoutes des conversations téléphoniques entre Nicolas Sarkozy, alias Paul Bismuth, et son avocat. Jeudi 7 mai, la cour d’appel de Paris a validé l’essentiel de la procédure ayant mené à la mise en examen de l’ancien chef de l’Etat, à l’été 2014, pour corruption active, trafic d’influence actif et recel de violation du secret professionnel. Une décision dont M. Sarkozy avait mis en doute l’impartialité politique. Ce dernier et son avocat devraient se pourvoir en cassation.

L’enquête, gelée depuis l’automne, devrait donc pouvoir reprendre avec le risque persistant d’un renvoi en correctionnelle, une épine dans le pied de celui qui envisage de briguer un nouveau mandat en 2017.

Nicolas Sarkozy est soupçonné d’avoir, en 2014, sollicité le haut magistrat Gilbert Azibert par l’intermédiaire de son avocat Me Thierry Herzog « pour tenter d’influer sur une décision » de la Cour de cassation le concernant dans l’affaire Bettencourt. En échange, l’ancien président aurait promis d’intervenir pour que le magistrat obtienne un poste de prestige à Monaco. A la fin, ni l’ex-président ni Gilbert Azibert n’ont obtenu ce qu’ils convoitaient.

« Moi, je le fais monter ! »


Cette thèse des enquêteurs est « une insulte à mon intelligence », s’était indigné Nicolas Sarkozy, qui avait vu dans son placement en garde à vue, en juillet 2014, une « volonté de [l’] humilier publiquement ».

Le dossier se nourrit essentiellement de ses conversations avec Me Herzog, enregistrées alors que l’ex-président était placé sur écoutes dans l’enquête sur les accusations de financement libyen de la campagne présidentielle victorieuse de 2007. Leur contenu est plutôt embarrassant pour les deux hommes.

Ainsi, le 30 janvier 2014, Me Herzog se félicite dans une conversation avec Nicolas Sarkozy du travail de Gilbert Azibert : « Il a eu accès à l’avis qui ne sera jamais publié du rapporteur (…). Cet avis conclut au retrait de toutes les mentions relatives à tes agendas (…). Tu sais que là, c’est du boulot… » Le 5 février, Me Herzog rapporte encore à M. Sarkozy : « Il avait rendez-vous avec un des conseillers pour bien lui expliquer ce qu’il faudrait… Il me dit : “Tu peux dire au président que je suis optimiste…” Je lui ai dit qu’après tu le recevrais. »

« Moi, je le fais monter ! », déclare plus tard Nicolas Sarkozy. « Je l’aiderai », insiste-t-il, s’exprimant sur un téléphone portable fourni par son avocat et souscrit au nom d’emprunt de Paul Bismuth. Le 11 février, dans une conversation sur leurs portables non officiels, les deux hommes conviennent de se rappeler sur la ligne officielle de Nicolas Sarkozy, qu’ils savent surveillée. L’ex-chef de l’Etat ironise sur « ces messieurs qui [les] écoutent ».


« Magouilles »


Le 23 février, alors que l’ex-chef de l’Etat doit se rendre dans la Principauté, Me Herzog lui rappelle, si l’occasion se présente, « de dire un mot pour Gilbert ». Nicolas Sarkozy acquiesce, dit qu’il fera « la démarche », ce qu’il confirme deux jours plus tard. Le lendemain, subitement, il renonce. Nicolas Sarkozy y voit la démonstration qu’il n’a rien à se reprocher. Pour les enquêteurs, ce revirement peut s’expliquer par le fait que les deux hommes viennent d’apprendre que leurs téléphones non officiels sont aussi sur écoutes.

Les juges disposent d’autres écoutes, comme celles de Gilbert Azibert, qui se voit vertement reprocher par son épouse d’être « allé magouiller avec Sarkozy ». Gilbert Azibert a depuis quitté la magistrature. Une conversation entre Me Herzog et le magistrat est également troublante : le premier y explique au second que « la démarche à Monaco a été faite ». « Oui, bah c’est sympa », répond Gilbert Azibert.


Sans les conversations Herzog-Sarkozy, dont le parquet général avait requis la validation lors de l’audience en mars, le dossier se serait vidé de sa substance. Aussi Nicolas Sarkozy avait-il, dès sa garde à vue, contesté « formellement la légalité des interceptions qui ne sont ni plus ni moins qu’un scandale » et donc refusé de répondre aux questions sur elles.

Il avait à l’époque reçu le soutien d’un certain nombre de juristes et d’avocats contestant également leur légalité, notamment celui de Pierre-Olivier Sur, le bâtonnier du barreau de Paris. Ce dernier avait avancé qu’on ne pouvait utiliser des écoutes autorisées dans le cadre d’une affaire pour en ouvrir une autre. D’autres avocats avaient dénoncé une violation du principe de la confidentialité des conversations entre un avocat et son client, une grave atteinte aux droits de la défense.

« Si nous triomphons, il n’y aura plus de suite judiciaire », avait d’ailleurs dit après l’audience Me José Allegrini, l’avocat de Gilbert Azibert. Cela semble compromis.

lemonde.fr






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