«Les juridictions congolaises de droit commun peuvent poursuivre les auteurs des crimes internationaux», se félicite Désiré-Israël Kazadi

Le parlement congolais a adopté à l'unanimité la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Cette mesure attendue, depuis longtemps permettra à la République démocratique du Congo (RDC) de poursuivre les crimes graves à l’échelle nationale.

Désiré-Israël Kazadi, porte-parole de la Coalition nationale pour la CPI en RDC en donne sa lecture. M. Kazadi, longtemps sur cette thématique, a été l’émissaire, en 2011, de l’ensemble des organisations de la société civile, auprès du bureau de l’Assemblée nationale, porteur d’une pétition signée par les structures représentatives du mouvement associatif pour demander l’ouverture d’un débat à ce sujet. A quelques jours des travaux de la conférence de révision du statut de Rome, tenue à Kampala, en Ouganda, l’activiste a été reçu devant les médias de la capitale par l’ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale, Me Boris Mbuku. Au menu : dépôt de la pétition et échange sur la nécessité d’une loi sur la CPI en RDC.

A l’époque, l’hôte du porte-parole de la CN-CPI prenait l’engagement d’expliquer l’intérêt particulier d’une telle loi et promettait d’impliquer ses pairs de l’hémicycle.

La Prospérité voudrait donc, par une démarche pédagogique, obtenir de celui-là qui milite, des années durant, pour une loi nationale intégrant les pertinentes dispositions du statut de la CPI l’explication d’une loi qui paraît aux yeux de citoyens lambda comme une loi sans importance alors que...

Ancien professionnel invité au siège de la CPI en Hollande, chercheur en justice internationale, ayant opté pour le droit, membre de la prestigieuse association des journalistes à la CPI, en plus de sa casquette du Prix BBC sur la justice transitionnelle dans la sous-région, ce sobre mais méticuleux orateur s’est fait interroger par la rédaction du quotidien, place Mont Fleury.

A brûle-pourpoint, quelle est votre réaction à l’adoption, par la RDC, d’une loi de mise en œuvre du statut de Rome de la CPI ?

Une lecture de satisfaction. C’est depuis 2008 que nous nous battions pour qu’une loi dans ce sens soit prise dans notre pays. Voilà, c’est fait. Elle renforce la lutte contre l’impunité des crimes internationaux commis sur le territoire national.

Avant d’entrer dans le vif, qui sont les auteurs de cette loi et quel avantage peut-elle offrir à la RDC ?

Là, vous me posez deux questions. Les auteurs de cette loi sont le professeur Nyabirungu et Maître Mutumbe, alors députés nationaux. Mais il y a lieu de noter que le texte est le fruit d’une laborieuse réflexion au sein de la société civile et renferme, dans ses articulations, les aspirations profondes de la population qui est, en fait, la véritable initiatrice de ce draft aujourd’hui portée au rang des lois. Les deux députés ont été sollicités par la société civile au regard de leur expérience et de leur engagement pour endosser cette proposition de loi. En clair, il s’agissait d’une proposition de loi modifiant et complétant le Code pénal ordinaire, le Code pénal militaire, le code de justice militaire, le Code de procédure pénale et le Code de la compétence et de l’organisation judiciaires.

A votre seconde question, je vais devoir vous rassurer que cette loi permet aux juridictions civiles, ou de droit commun, de poursuivre à l’échelle nationale, les auteurs des crimes, qui relèvent présentement de la compétence de la CPI. Ce qui n’était pas le cas il y a peu. Avant l’adoption de la loi, seules les juridictions militaires pouvaient poursuivre les auteurs des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et les crimes de génocide, à la lumière du Code pénal militaire et du Code de justice militaire. C’est l’exemple du célèbre procès de Songo Mboyo.

Quelle a été votre propre contribution à l’adoption de cette loi de mise en œuvre du statut de Rome de la CPI ?

Très modeste a été ma contribution. Au-delà de ma participation à différents colloques en lien avec cette problématique, j’ai été désigné en ma qualité de porte-parole élu de la CN-CPI, au nom de mes pairs de la société civile, à rencontrer les autorités de l’Assemblée nationale pour non seulement déposer officiellement la pétition de l’ensemble du mouvement associatif congolais mais aussi expliquer au bureau de l’assemblée, le bien-fondé de cette loi. Vos journaux et autres médias comme la télévision en font foi. Et j’avais du renoncer à l’invitation pour la conférence de révision du statut de Rome qui se tenait, à cette époque-là en 2011, à Kampala, en Ouganda, pour m’occuper, par souci d’un Congo contre l’impunité, de ce dossier qui porte actuellement ses fruits. La société civile a été essentiellement engagée.

Cette loi va-t-elle affecter le droit congolais ?

Oui. La législation congolaise sera affectée puisque certaines lois seront appelées à s’adapter au statut de Rome. J’en parlerai au fil de nos échanges.

Qu’est-ce que, donc, la loi de mise en œuvre ?

C’est une loi d’application à proprement parler. Le statut de Rome de la CPI qui est le texte fondateur de la Cour contient des dispositions qui sont, pour la plupart, en nette contradiction avec la législation congolaise, ou mieux le droit positif congolais. Il avait donc fallu, pour ce faire, prendre une loi qui uniformise la loi congolaise avec le statut de Rome. C’est cela. Bien que la RDC relève du système moniste, c’est-à-dire est d’application automatique toute convention ou tout traité formellement ratifié par le pays, il était cependant difficile, pour les juridictions civiles, d’appliquer le statut de Rome sans une loi d’adaptation.

Qu’est-ce qui va changer au Code pénal ordinaire ?

Je prends juste deux exemples pour vous épargner des détails. La majorité pénale sera portée à 18 ans, contrairement à la législation interne qui prévoit l’âge de 16 ans. Il y aura l’identité des peines aussi bien pour l’auteur matériel, c’est-à-dire l’exécutant que pour l’auteur intellectuel, c’est-à-dire le concepteur du crime ou le complice.

Et dans le code de procédure pénale ?

C’est ici que la coopération entre la CPI et la justice congolaise sera formellement renforcée. Il en sera de même pour des dispositions qui promeuvent un procès équitable. Vous savez, sans doute, qu’en droit il y a un principe, celui du contradictoire qui a comme corollaire le droit de la défense.

Pour votre information, la RDC a signé un accord de coopération avec le CPI à travers son parquet. Cet accord a été signé entre le bureau du procureur représenté, à cette époque-là par Philippe Brammertz, alors procureur adjoint chargé de l’enquête et Kisimba Ngoy – paix à son âme - en sa qualité de ministre de la justice. Cet accord prévoit comme interface, côté congolais, le parquet général de la République qui fait exécuter les mandats et ou autres décisions de la CPI sur le territoire de la RDC. Mais grâce à cette loi, la coopération entre la RDC et la CPI sera légalement reconnue.

Qu’est-ce qui va changer dans le code pénal militaire et dans le Code judiciaire militaire ?

C’est ici qu’il faut signaler d’énormes réformes. In globo, la justice militaire, jusque-là, compétente pour les crimes sus-évoqués, va cesser d’en être compétente. Ce seront désormais les juridictions du droit commun. Du Code pénal militaire, seront délestées les peines prévues contre l’auteur des crimes graves tandis que du Code judiciaire militaire, seront délestés les trois crimes internationaux.

Il ya lieu de souligner cependant qu’au regard de la complexité de crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide qui sont, pour certains, des crimes commis par voie des conflits armés, il est de bon droit, pour besoin d’expertise, que la composition soit mixte, c’est-à-dire, des magistrats civils avec des magistrats militaires siègent ensemble.

Dans le Code de l’organisation et de compétence judiciaire. Qu’est ce qui change ?

Notez que la juridiction de jugement, c’est-à-dire l’instance habilitée à poursuivre tout auteur des crimes internationaux sur le territoire de la RDC sera la Cour d’appel qui aura comme juridiction d’appel la cour de cassation qui devra naître de l’éclatement de l’actuelle cour suprême de justice en trois juridictions dont le Conseil d’Etat et la Cour constitutionnelle.

Pourquoi seulement la Cour de cassation ?

Bonne question. Il y a lieu de noter que selon l’actuelle nomenclature juridictionnelle de la RDC, c’est de cette cour de cassation que dépendront les juridictions de l’ordre judiciaire contrairement au Conseil d’Etat dont dépendront les juridictions de l’ordre administratif et la Cour constitutionnelle qui n’a pas de juridictions qui lui sont rattachées mais qui reste tout de même un ordre. N’allons pas en détails. C’est actuellement un débat des doctrinaires.

Propos recueillis par LPM

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