Nommé ambassadeur à Bruxelles en juin 2009, Henri Mova Sakanyi n’a pas échappé à l’enthousiasme qui étreint généralement l’occupant d’une nouvelle fonction. Celui-ci se croit investi d’une «mission» qui consiste à changer le monde.
Son prédécesseur, Jean-Pierre Mutamba Tshampanga, rêvait ni plus ni moins que de « changer l’image du Congo et du Congolais » en Belgique. Dès son arrivée, «JP», comme l’appelaient ses proches, s’en est pris à une fresque murale de Chéri Samba qui trônait à l’entrée du quartier Matonge, à la Porte de Namur. Le peintre kinois avait décrit, à sa manière, une scène de la vie quotidienne dans ce périmètre de la commune d’Ixelles.
Mova lui commence par lancer une revue. Celle-ci est dénommée «Yambi» qui signifie «bienvenu» en lingala. Il trace, par la suite, une «stratégie» s’articulant sur trois axes : combattre le «Congo pessimisme» par la «positive attitude», redynamiser la coopération entre le Congo-Kinshasa et la Belgique et promouvoir « une politique de proximité et de bonne intelligence » avec la communauté congolaise.
Dans le premier cas de figure, le diplomate a tenté de démontrer, contre toute évidence, que tout allait mieux au Congo démocratique. «Ressasser nos échecs, gloser sur nos défaillances, n’est peut-être pas la meilleure thérapie de choc », écrivait-il dans le premier numéro de « Yambi ». Hélas, bandes armées, viols, meurtres, impunité, mauvaise gouvernance, corruption sont des «signaux négatifs» envoyés du Congo-Kinshasa.
Dans le second cas, le diplomate a fini par rencontrer le même obstacle. En visite en Flandre Orientale, Mova a plaidé pour la relance de la coopération belgo-congolaise à travers des échanges notamment entre les universités et les secteurs de santé. « L’ambassadeur Mova était sans doute un homme très affable, commentent de manière unanime des observateurs. Il n’a jamais fait des déclarations contre la Belgique. Reste qu’il semblait s’ennuyer à Bruxelles au point qu’il n’assistait quasiment pas aux réunions du Groupe des pays ACP. Ce sont les ambassadeurs d’Angola, d’Afrique du Sud, de la Guinée Bissau, du Nigeria et du Sénégal et qui y menaient la danse. Le ministre conseiller de l’ambassade du Congo chargé d’assurer la suppléance passait son temps à somnoler».
Dans le dernier cas de figure, Mova a tenté de «cimenter des liens de solidarité et de confiance mutuelle», selon ses propres termes, entre l’ambassade et la communauté congolaise. Il a organisé des rencontres avec les différents groupes socio-professionnels de la diaspora. Patatras ! Deux événements tragiques survenus respectivement le 2 juin et 2 octobre 2010 ont mis fin à la confiance amorcée. Il s’agit de l’assassinat du défenseur des droits humains Floribert Chebeya Bahizire et de son collaborateur Fidèle Bazana Edadi et du «suicide» du Bruxellois Armand Tungulu Mudiandambu au camp Tshatshi. C’est l’apogée du phénomène «combattant». L’ambassadeur Mova a fini par embaucher quelques « gros bras » pour assurer sa sécurité rapprochée. Il est vrai que le diplomate n’a pas fait preuve d’empathie dans la gestion de ces situations.
Henri Mova Sakanyi laisse à Bruxelles un bilan mi-figue, mi-raisin tant auprès de ses collègues ambassadeurs que de la grande majorité des membres de la communauté congolaise. Une communauté qui n’a jamais fait mystère de sa défiance à l’égard des gouvernants congolais lesquels, selon elle, «sont au service des forces d’occupation». L’ancien ambassadeur aura appris à ses dépens que la politique étrangère relève du gouvernement. La tâche du diplomate se limite à exécuter les instructions. En clair, il ne peut y avoir de « bonne diplomatie » sans une « bonne politique étrangère ». Le successeur de Mova aura du boulot…
B.A.W/CI
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