Dès le lendemain du verdict de la Cour constitutionnelle faisant suite à la requête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), plusieurs voix se sont levées pour critiquer l’orientation prise par cette institution.

Dans tout pays où l’indépendance du pouvoir judiciaire est une réalité et où surtout les juges eux-mêmes se prennent au sérieux et sont conscients de la mission qui leur est confiée par la nation, rarement ils s’exposent aux critiques désobligeantes tendant à leur faire des leçons de droit.

C’est malheureusement ce qui est arrivé avec notre Cour constitutionnelle, qui a donné l’impression, pour les uns, d’avoir encore beaucoup à apprendre et, pour les autres, d’avoir sciemment créé plus de problèmes qu’elle n’en a résolus.

Convaincu qu’à cause des termes techniques, propres aux juristes, utilisés par des analystes pour critiquer cette décision controversée de la Haute Cour, nous avons trouvé utile d’en faire une synthèse destinée au plus grand nombre de compatriotes, dans un langage plus accessible à tous.

Les principaux griefs qui sont faits à la Cour et que nous nous proposons d’expliquer, portent essentiellement sur l’irrecevabilité pour défaut de qualité, l’incompétence matérielle, le fait pour la Cour d’avoir statué au-delà ce qui lui a été demandé (ultra petita), l’absence de motivation et la confusion créée autour de la notion de force majeure.

Mais, pour bien comprendre la suite, il convient de rappeler que la requête de la Commission électorale consistait à solliciter de la Haute Cour :

•l’interprétation des dispositions de l’article 10 de la loi de programmation n°15/004 du 28 février 2015 déterminant les modalités d’installation des nouvelles provinces et de celles de l’article 168 de la loi 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée et complétée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011 et par celle n°15/001 du 12 février 2015.

•l’avis sur la poursuite du processus électoral tel que planifié par la décision de la CENI n°001/CENI/ BUR/15 du 12 février 2015 portant publication du calendrier des élections provinciales, urbaines, municipales et locales de 2015 et des élections présidentielle, et législatives relativement à l’organisation, dans le délai, des élections provinciales prévues le 25 octobre 2015.

Nous nous référerons notamment aux critiques formulées par les honorables Baudouin Mayo, député et avocat du barreau de Kinshasa et par Christophe Lutundula, également député national.

L’arrêt qui fait l’objet de ces critiques dit ceci :

« C’EST POURQUOI

La Cour constitutionnelle, siégeant en matière de l’interprétation de la Constitution;
Après avis du Procureur général;
Vu la Constitution du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n°11/ 002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo, spécialement en ses articles 161 alinéa 1er, 168 alinéa 1er et 198 alinéa 2;
Vu la loi organique n°13/ 026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, notamment en ses articles 54 alinéa 2 et 93 alinéas 1er, 2 et 4;
Vu le Règlement Intérieur de la Cour constitutionnelle, notamment en ses articles 34, 35 et 36;
Se déclare incompétente pour interpréter les articles 10 de la loi de programmation n° 15/004 du 28 février 2015 déterminant les modalités d’installation de nouvelles provinces et 168 de la loi 06 n° /006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée par la loi n°11/ 003 du 25 juin 2011 et par celle n°15/0001 du 15 février 2015.
En revanche, la Cour se déclare compétente pour connaître du deuxième chef de demande et le dit partiellement fondé.

En conséquence, elle :

-constate le dépassement du délai de cent-vingt jours prévu à l’article de la loi de programmation n°/004 du 28 février 2015 déterminant les modalités d’installation de nouvelles provinces;
-affirme le caractère irréversible du processus d’élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs des provinces concernées par la loi de programmation n°15/004 du 28 février 2015;
Il s’agit des provinces ci-après : Bas-Uélé, Équateur, Haut-Katanga, Haut-Lomami, Haut-Uélé, Ituri, Kasaï, Kasaï Central, Kasaï Oriental, Kwango, Kwilu, Lomami, Lualaba, Mai-Ndombe, Mongala, Nord Ubangi, Sankuru, Sud-Ubangi, Tanganyika et Tshuapa.
-ordonne en conséquence, à la commission électorale nationale indépendante d’évaluer, en toute indépendance et impartialité, tout le processus électoral conduisant aux élections prévues dans son calendrier global du 12 février 2015 et, notamment, celle des gouverneurs et vice-gouverneurs de nouvelles provinces avant la tenue des élections provinciales;
-ordonne au Gouvernement de la République démocratique du Congo de prendre sans tarder les dispositions transitoires exceptionnelles pour faire régner l’ordre public, la sécurité et assurer la régularité, ainsi que la continuité des services publics dans les provinces concernées par la loi de programmation en attendant l’élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs, ainsi que l’installation des gouvernements provinciaux issus des élections prévues par l’article 168 de la loi électorale;
-enjoint au Gouvernement de la République démocratique du Congo d’accélérer l’installation des bureaux définitifs des Assemblées provinciales de nouvelles provinces et de doter la Commission électorale nationale des moyens nécessaires pour l’organisation impérative de l’élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs desdites provinces avant toute élection des députés provinciaux sur toute l’étendue de la République ».

1. Critiques relatives à l’irrecevabilité pour défaut de qualité

La vérification de la recevabilité d’une demande en justice est un des préalables de forme que tout juge, quel que soit son échelon, examine avant d’aborder la matière(le fond). Dans un langage plus clair, elle est comparable au mot de passe, sans lequel le détenteur d’un compte internet ou une personne autorisée par lui ne peut accéder à une information ou à des données quelconques, à moins de le pirater en se mettant en situation d’illégalité.

A l’exception du seul cas relatif à son Règlement intérieur, la CENI n’est donc pas autorisée à saisir la CC en matière de conformité à la Constitution des lois de la République. C’est clair et net.

Article 160 :

La Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi.

Les lois organiques, avant leur promulgation, et les Règlements Intérieurs des Chambres parlementaires et du Congrès, de la Commission électorale nationale indépendante ainsi que du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Communication, avant leur mise en application, doivent être soumis à la Cour constitutionnelle qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

Aux mêmes fins d’examen de la constitutionnalité, les lois peuvent être déférées à la Cour constitutionnelle, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou le dixième des députés ou des sénateurs.

La Cour constitutionnelle statue dans le délai de trente jours. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s’il ya urgence, ce délai est ramené à huit jours.

Ne se trouvant dans aucun des cas énumérés ci-dessus pour saisir la Cour constitutionnelle en matière de conformité à la Constitution des lois de la République, la CENI est comparable à un pirate qui a bénéficié de la complicité de quelqu’un pour accéder aux données qui ne lui sont pas destinées.

Ce complice, c’est malheureusement la Cour constitutionnelle elle-même qui aurait dû, comme n’importe quel juge, à n’importe quel échelon du pouvoir judiciaire et pour n’importe quelle cause, renvoyer la CENI à ses études en déclarant sa requête irrecevable pour défaut de qualité quant à ce.

D’autant plus que même lorsqu’elle peut exercer une demande en justice, la CENI ne peut agir que conformément à la loi, qui accorde ce pouvoir à son Président ou, en cas d’empêchement de celui-ci, à son Vice-président (Voir les articles 25 bis et 26 de la loi n0 15/001 du 12 février 2015 modifiant et complétant la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n0 11/003 du 25 juin 2011).

C’est pourquoi Maître Baudouin Mayo relève que « la Cour constitutionnelle aurait dû déclarer la requête irrecevable pour défaut de qualité dans le chef du rapporteur de la CENI qui ne peut agir en lieu et place du Président, sans justifier l’absence du Vice-président ».

Considérée ici comme détenteur d’un compte internet, la Cour s’est discréditée en livrant au pirate (CENI) un mot de passe (une qualité) que ne lui reconnaît pas la Constitution.

Article 161

La Cour constitutionnelle connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des chambres parlementaires, des gouverneurs de Province et des Présidents des Assemblées provinciales.

Elle juge du contentieux des élections présidentielles et législatives ainsi que du référendum.

Elle connaît des conflits de compétences entre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif ainsi qu’entre l’État et les provinces.

Elle connaît des recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d’État, uniquement en tant qu’ils se prononcent sur l’attribution du litige aux juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif. Ce recours n’est recevable que si un déclinatoire de juridiction a été soulevé par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État.

Ici encore comme dans le premier cas, en permettant à la CENI d’accéder, sans mot de passe, à son compte sans y être autorisée, la Cour constitutionnelle a elle-même violé la Constitution de la République. Tout juriste sérieux, en commençant par un étudiant faisant ses travaux pratiques à l’université, est en droit de se demander où la « Haute » Cour, qui ne le dit nulle part dans son arrêt, a ramassé le pouvoir d’accorder à la CENI un mot de passe (qualité) que la Constitution ne lui attribue pas.

Article 163

La Cour constitutionnelle est la juridiction pénale du Président de la République et du Premier Ministre dans les cas et conditions prévues par la Constitution.

Et Maître Mayo de préciser qu’ « après ce survol rapide des compétences de la Cour Constitutionnelle et des procédures devant elle telles que définies par la Constitution, la CENI ne peut donc saisir la Cour constitutionnelle que dans trois cas possibles :

-Pour la déclaration de conformité de son Règlement Intérieur à la Constitution;
-En cas de contentieux des élections présidentielle et législatives nationales;
-En cas de recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d’État, uniquement entant que ceux-ci se prononcent sur l’attribution du litige aux juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif, pour autant qu’elle ait été partie au procès ».

2. L’incompétence matérielle de la Cour Constitutionnelle

Ceci n’est nullement à confondre avec l’ignorance. Dans le jargon judiciaire, on parle d’incompétence lorsqu’une juridiction constate elle-même ou lorsque quelqu’un (officier du ministère public, avocat ou simplement une partie au procès) lui fait constater que la matière qu’elle s’apprête à examiner ne lui a pas été attribuée par la loi.

Dans le cas qui nous concerne, c’est la Constitution, comme nous venons de le voir aux articles 160, 161 et 163 qui énumèrent non seulement les personnes et organes autorisés à saisir la CC (à utiliser le mot de passe), mais délimitent également, sans équivoque, les matières qui relèvent de sa compétence.

Après avoir favorisé l’entrée, par effraction, de la CENI dans ses installations, la CC s’est rendu elle-même compte que la Constitution ne lui accorde pas le pouvoir d’interpréter les lois, comme le lui demandait la CENI en ce qui concerne les dispositions des lois précitées.

Elle a cependant omis (sciemment) de préciser que la Constitution et la loi qui l’organisent ne l’autorisent de ne statuer que par arrêt et non de donner des avis comme le lui a demandé la CENI, sur une matière ne relevant pas non plus de sa compétence. Pour cette raison et à cause de l’irrecevabilité invoquée ci-dessus, la Cour ne pouvait même pas en arriver à examiner le fond pour ordonner et enjoindre au gouvernement des directives à suivre.

S’étant arrogé ce droit, la Cour a agi comme quelqu’un qui, chargé par son ami d’avoir simplement un droit de regard sur ses filles étudiant en Europe, se permet de marier celles-ci et de bouffer leur dot. Son comportement est aussi pareil à celui d’un charpentier qui, au motif de travailler lui aussi dans la construction, accepte l’offre de jouer le rôle de l’architecte.

3. Statuer ultra petita et absence de motivation

On apprend aux étudiants en Droit que toute demande en justice établit un contrat judiciaire liant le requérant (demandeur) et le juge(ou la juridiction), qui demeure tenu par l’objet de cette demande.

Au-delà de cet objet, c’est statuer ultra petita, une brève mais combien significative expression composée du mot et du verbe latins ultra (au-delà, à l’excès) et petere (demander).

En effet, « lorsqu’un procès est engagé, la partie qui saisit le juge formule une ou un ensemble de ‘’prétentions’’. Cette demande détermine un cadre, constituant une limite au-delà de laquelle s’il la franchissait, le magistrat qui a compétence pour statuer sur le différend dont il est saisi, excéderait ses pouvoirs.

C’est dire que s’il rendait un jugement sur une prétention qui ne lui aurait pas été soumise, ou encore s’il excédait le montant de la demande, le juge statuerait alors’’ultra petita’’ (on dit aussi ‘’extra petita’’) 3 ».

Comme si ça ne suffisait de recevoir, sans justification constitutionnelle, la requête de la CENI, la Cour s’est arrogé le droit d’empiéter sur les prérogatives législatives et gouvernementales violant ainsi le principe universel de la séparation des pouvoirs universellement connu dans tous les régimes démocratiques.

Son objectif étant visiblement de servir des intérêts politiques obscurs, la Cour constitutionnelle a abusé du caractère irrévocable de ses arrêts pour aller au-delà de ses compétences en ordonnant à la CENI de réévaluer son calendrier électoral, et au gouvernement de prendre des mesures transitoires exceptionnelles.

Et ce, tout en lui enjoignant d’accélérer l’installation des bureaux définitifs des Assemblées provinciales de nouvelles provinces et de doter la Commission électorale nationale des moyens nécessaires desdites provinces avant toute élection des députés provinciaux sur toute l’étendue de la République.

Le député Christophe Lutundula exprime cette situation en ces termes: «S’agissant de l’injonction donnée au gouvernement de décaisser les fonds en faveur de la CENI aux fins de l’organisation des élections, en tant que parlementaire, je me demande à quoi servons-nous encore si nous devons être courcircuités dans nos prérogatives constitutionnelles par la Cour?

Il me semble que la Cour n’examine pas les matières d’allocations et de décaissement des ressources budgétaires qui relèvent du Gouvernement et du Parlement. L’article 91 de la Constitution dispose, en effet, clairement que « le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la nation. Il conduit la politique de la nation.

Le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale. » J’insiste sur le fait que c’est au Parlement qu’il appartient de discuter avec le Gouvernement des priorités de son action et de l’utilisation des fonds publics, et de contrôler cette utilisation ».

4.Comme on le voit, en allant trop loin par rapport à ce que la CENI lui a demandé (l’interprétation de deux dispositions de loi et l’avis sur son calendrier électoral), la Cour n’a même pas été en mesure de motiver son excès de pouvoir.

Article 21(alinéa1er de la Constitution)

« Tout jugement est écrit et motivé. Il est prononcé en audience publique.»

Article 54, al. 2 de Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle :

« Les arrêts de la Cour sont écrits et motivés ».

Cela signifie qu’en se prononçant par arrêt, dans les limites de ses compétences, la Cour doit motiver tout choix qu’elle opère d’accepter ou de rejeter tel ou tel argument présenté par des parties au procès.

A moins qu’il y ait un autre arrêt non publié, nous mettons les membres de la Cour au défi de nous indiquer, dans le corps de leur arrêt, où et comment ils ont motivé la recevabilité de la requête de la CENI ainsi que la compétence qu’ils se sont arrogée d’examiner même ce que la CENI ne leur a même pas demandé : des injonctions qui ne relèvent nulle part de ses prérogatives constitutionnelles telles que précisées aux articles 160, 161 ci-dessus.

C’est dans le même ordre d’errance que la Cour a délibérément créé dans l’esprit des Congolais la confusion sur la notion de « force majeure ».
5. Confusion semée et entretenue autour de la notion de force majeure

Il existe une grande différence entre un magistrat (juge) et un politicien, quand bien même ce dernier peut avoir reçu une formation juridique avant de se lancer en politique.

Au Congo/Kinshasa, cette différence s’observe facilement à travers les actes des juristes-politiciens, parmi lesquels des professeurs de droit qui nous gouvernent et qui sont loin de refléter cette science( le Droit) qu’ils ont apprise (avec nous) ou qu’ils enseignent.

Dommage que la Cour constitutionnelle leur emboîte le pas en s’écartant du principe de droit romain, enseigné encore de nos jours (j’espère) dans les facultés de Droit des universités congolaises et qui dit : « Da mihi factum, dabo tibi ius » (Dis-moi les faits, je te dirai le droit.), plus concrètement, « les faits doivent être exposés au juge pour que celui-ci puisse dire le droit ».5

Dans ses turpitudes qu’elle partage maladroitement avec le gouvernement, la CENI a cherché, dans son deuxième chef de demande (voir ci-dessus), à obtenir de la Cour constitutionnelle son avis( ?) sur la poursuite du processus électoral en lien avec son calendrier global du 12 février 2015.

Il convient de relever qu’en élaborant ce calendrier, prétendument en toute indépendance, la CENI était demeurée sourde à toutes les propositions réalistes des intellectuels, des organisations de la société civile ainsi que de l’Opposition qui lui demandaient notamment d’auditer et de nettoyer le fichier électoral, d’actualiser les listes électorales en tenant compte des nouveaux majeurs et des personnes décédées, de prioriser les élections présidentielle, législatives et provinciales dont le scrutin est impératif et à date fixe afin d’élaborer de façon consensuelle un calendrier réalisable sans qu’il soit besoin d’humilier outre mesure la patrie avec la mendicité.

Dans son arrêt, sans expliquer (sur le plan juridique) la notion de « force majeure » ni en démontrer l’application au cas qui lui a été soumis, la CC s’est contentée des faits pour, malicieusement, relever que « Le gouvernement, pour sa part, indique que certaines étapes capitales pour aboutir à l’élection des Gouverneurs et des Vice-gouverneurs, à savoir la conformité du Règlement Intérieur à la Constitution et l’élection des membres des bureaux définitifs n’ont pas encore été franchies alors que la date butoir est celle du 14 août 2015 ».

Basant ainsi son arrêt sur ces turpitudes (Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude), la Cour a paresseusement constaté « la force majeure empêchant la Commission électorale indépendante d’organiser, dans les délais légaux, lesdites élections en l’absence d’installation des bureaux définitifs des Assemblées provinciales de nouvelles provinces ».

Visiblement motivée autrement que par le souci de dire le droit et non de faire la politique, la Cour a même oublié que ceux(les députés provinciaux) à qui il est demandé d’élire les Gouverneurs et Vice-gouverneurs des nouvelles provinces n’avaient pas été élus dans ces provinces et que même si cela aurait pu être le cas, leur mandat est constitutionnellement déjà échu depuis 2011.Quelle honte pour l’ensemble des juristes congolais ?

Si elle avait eu le souci de dire réellement le droit, la Cour aurait pu commencer par définir, à l’intention du Gouvernement et de sa complice CENI, la force majeure qui est « tout événement extérieur, imprévisible et irrésistible (insurmontable) ».

Nous avions appris, et nous nous en souviendrons toujours, que pour qu’elle soit admise, la « force majeure » doit inclusivement réunir tous ces éléments. Or, dans le cas d’espèce, qu’il s’agisse de la CENI ou du gouvernement, deux institutions qui pourtant collaborent, les difficultés artificiellement créés, qui étaient prévisibles et surmontables, auraient pu être évitées s’ils étaient réalistes (gouverner c’est prévoir) ou s’ils avaient humblement écouté d’autres sons de cloche (Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.)

La suite(les conséquences de l’arrêt de la CC), d’irrégularité en irrégularité, ce sont entre autres des Commissaires spéciaux (une invention du Ministre de l’Intérieur) qui vont bientôt être nommés, certainement au sein de la MP et alliés, et qui vont coexister dans le même espace territorial et politico-administratif avec des Gouverneurs des provinces (Kinshasa, Bas-Congo, Maniema, Nord-Kivu et Sud-Kivu) élus mais dont le mandat est également déchu. Indigné, Maître Mascott Kip s’interroge : Telle est ma dernière question. A qui profite le crime de haute trahison sus-démontré ?

A l’autorité qui dispose du pouvoir régalien de nomination de ces commissaires. Dans un plan bien articulé de désarticulation des institutions du pays afin de favoriser son implosion par le bas, de contrôler le pouvoir à la base et de favoriser les démarches de glissement, seul le régime au pouvoir a intérêt à faire subsister rune telle anomie délibérément instaurée.

A travers la négation ainsi opérée de la libre administration des provinces, le ministre du pouvoir central ayant l’intérieur et la sécurité dans ses attributions contourne toutes les limites constitutionnelles lui imposées, devient tout puissant et peut à sa guise mâter tous les soubresauts pouvant venir de l’arrière pays sous forme des revendications contre le glissement ».

6. Conclusion

Attention ! Ce serait faire preuve de cécité intellectuelle que d’imaginer un seul instant que ces messieurs de la Cour ignorent le droit ou n’ont pas bien lu la Constitution. Parmi eux se trouvent des professeurs d’université, des magistrats de carrière, avec comme chef, un ancien Premier président (retraité) de la Cour suprême de justice.

Nommés pour neuf ans le 7 juillet 2014 alors que la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle était promulguée depuis le 15 octobre 2013, ils sont en train de confirmer tous les doutes que les observateurs avertis avaient sur eux dès le départ et de désillusionner tous ceux qui avaient naïvement pensé qu’ils étaient recrutés pour leur savoir et leur mérite.

Leur arrêt, non susceptible de recours, constitue une caution juridictionnelle majeure pour les violateurs de la constitution, qui s’en délectent, pour opérer désormais en toute tranquillité. En violant eux-mêmes la Constitution, ils sont comparables à un individu qui viole sa propre mère dont la famille (nation) lui avait pourtant confié la charge et les soins. (Cfr. Me Yabili).

7. La question que le souverain primaire, éclairé par les intellectuels, devrait se poser dès maintenant est de savoir quel sort professionnel réserver à ces messieurs qui ont choisi de « dire la politique plutôt que le droit ? ».

En attendant, un appel patriotique est lancé à ceux d’entre eux, qui ont encore un minimum de conscience et de dignité, de démissionner. La nation se souviendra d’eux.

(*)Juriste&Criminologue



Le direct



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