Pour l’opposant Martin Fayulu, patron de l’Ecidé, le président congolais multiplie les obstacles pour organiser l’élection présidentielle prévue fin 2016. Le député congolais, annonce une forte mobilisation le 19 janvier 2016 pour commémorer la répression des manifestations de janvier 2015 contre la loi électorale. Interview.

Afrikarabia : Le 19 décembre dernier vous vous êtes engagé dans le Front citoyen 2016. Est-ce une plateforme d’opposition de plus ? Et quelles différences avec la Dynamique de l’opposition ?

Martin Fayulu : La principale différence, c’est la présence de la société civile congolaise (Filimbi, Lucha, Ligue des électeurs… ) ainsi que les membres du G7, les anciens frondeurs de la majorité présidentielle. Mais il y a bien sûr les partis de la Dynamique de l’opposition (MLC, UNC, Ecidé, Fonus… ). Avec le Front citoyen 2016, c’est la société civile qui est aux commandes.

Afrikarabia : C’est important de s’appuyer sur ces jeunes mouvements citoyens comme Filimbi ou la Lucha ?

Martin Fayulu : Bien sûr, c’est très important. Nous étions jeunes hier. J’ai moi-même participé à la grande manifestation du 16 février 1992 (« marche de l’espoir » organisée par les chrétiens de Kinshasa et réprimée dans le sang, ndlr). Il y avait dans cette manifestation Modeste Bahati, Christophe Lutundula, membre du G7… Nous avons eu gain de cause à l’époque en obtenant la réouverture de la Conférence nationale souveraine.

Afrikarabia : Les objectifs du Forum citoyen 2016 sont d’obtenir un calendrier électoral consensuel et l’assurance que le président Joseph Kabila ne modifiera pas la Constitution pour briguer un troisième mandat. Quels sont les signes qui démontrent que le chef de l’Etat cherche à s’accrocher au pouvoir au-delà du délai constitutionnel de 2016 ?

Martin Fayulu : Joseph Kabila a commencé le 11 janvier 2011 en changeant l’élection présidentielle de deux tours à un seul tour. Il a ensuite nommé Apollinaire Malu-Malu à la tête de la commission électorale (CENI) et lui a imposé de commencer par les élections locales, plus complexes à organiser. Après, Joseph Kabila a essayé de faire croire à la population que le président pouvait rester à son poste tant qu’il n’y aurait pas d’élection, ce qui est faux. La Constitution impose la tenue de l’élection présidentielle 90 jours avant la fin du mandat du président actuel. Le chef de l’Etat a une nouvelle fois démontré qu’il voulait rester au pouvoir en déstabilisant les institutions de la République, et notamment en démantelant précipitamment les provinces. De peur de perdre les élections des gouverneurs, le président Kabila a refusé d’organiser les élections dans les nouvelles provinces et a fait nommer des « commissaires spéciaux » pour les administrer. Un titre qui n’existe nulle part dans la Constitution congolaise…

Afrikarabia : Pour régler cette crise politique, Joseph Kabila propose pourtant un dialogue national avec l’ensemble des acteurs politiques ?

Martin Fayulu : Un dialogue pour quoi faire ? Nous avions déjà demandé ce dialogue… mais en décembre 2011après la réélection contestée de Joseph Kabila. Nous avions parlé de crise de légitimité. A l’époque, la majorité nous disait : « il n’y a pas de crise, les institutions fonctionnent ». Pourquoi vouloir un dialogue maintenant ? Certainement pour négocier un gouvernement de transition et signer un compromis politique. Toutes ces manoeuvres prouvent que Joseph Kabila ne veut pas organiser les élections.

Afrikarabia : Dans son annonce du dialogue national, Joseph Kabila affirme vouloir régler le problème de la fiabilité du fichier électoral, notamment les nouveaux mineurs, ainsi que le problème du financement des élections.

Martin Fayulu : Concernant les nouveaux électeurs, nous avons une loi de 2004 qui explique comment identifier et enrôler les électeurs. Est-ce que le dialogue est nécessaire pour cela ? Pour le financement, nous avons voté une loi à l’assemblée nationale de 615 millions de dollars sur le budget 2016. Sur le budget 2015, il y a encore 200 millions de dollars qui n’ont pas été décaissés. Vous avez donc 815 millions de dollars pour organiser les élections présidentielle et législatives.

Afrikarabia : Joseph Kabila a également annoncé vouloir réfléchir sur les modalités des élections pour qu’elles soient « moins coûteuses ».

Martin Fayulu : Les modalités des différentes élections sont toutes prévues dans la Constitution. Cela veut donc dire qu’au cours de ce dialogue, Joseph Kabila veut modifier la Constitution ? Et là il se dévoile. On nous a dit que le président voulait simplement parler de l’introduction du vote électronique. Avec le taux d’électrification du pays, c’est une blague !

Afrikarabia : Quelles sont vos moyens de pressions pour que les élections soient organisées dans les délais constitutionnels ?

Martin Fayulu : Comment faire plier Kabila ? Tout simplement par l’organisation de manifestations. Nous allons faire des meetings, nous allons organiser des opérations villes mortes pour faire comprendre à Joseph Kabila qu’il n’est pas le maître du temps et des circonstances. Nous avons donné notre « ligne rouge », qui est fixée au 31 janvier 2016, pour la publication d’un calendrier électoral. Mais déjà le 19 janvier 2016, nous descendrons dans la rue pour commémorer les manifestations de janvier 2015 contre la loi électorale. Et puis il y aura bien sûr la traditionnelle marche des chrétiens du 16 février 2016.

Afrikarabia : Que pensez-vous de la position de l’UDPS de l’opposant Etienne Tshisekedi qui pourrait participer au dialogue ?

Martin Fayulu : J’ai des relations directes avec le président Etienne Tshisekedi. Je l’ai vu fin août. Je connais bien la position du président de l’UDPS et je sais qu’il n’y a pas de dialogue pour Etienne Tshisekedi.

Afrikarabia : On a l’impression que Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, a pris l’ascendant sur l’opposition. Il est très courtisé, il consulte beaucoup. Que pensez-vous de ce nouveau venu dans les rangs de l’opposition ?

Martin Fayulu : Je ne sais pas ce qui vous fait dire que Moïse Katumbi a pris l’ascendant sur l’opposition. C’est un Congolais comme les autres. Il doit jouer sa partition. Je l’ai aussi rencontré. Nous avons parlé du Front citoyen 2016, de la « ligne rouge », du calendrier électoral consensuel… Il n’y a pas d’ascendance, il y a des convictions. Si nous sommes d’accord pour changer les choses au Congo… on peut travailler ensemble.

Afrikarabia : Dans une présidentielle à un seul tour, vous avez l’obligation de présenter un candidat unique de l’opposition ?

Martin Fayulu : Absolument. En 2011, j’avais déjà essayé de faire en sorte qu’Etienne Tshisekedi soit ce candidat unique de l’opposition. Nous n’avons pas réussi. Mais cette fois-ci, nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d’avoir plusieurs candidats.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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