En quoi reconnait-on un Etat démocratique? "C’est par l’ambiance libérale qui y règne", pourraient répondre en choeur les politologues.
Certains faits survenus avant, pendant et après la journée «ville morte» du mardi 16 février dernier confirment le caractère policier autant que totalitaire du «Congo démocratique» de «Joseph Kabila».

Outre l’interpellation musclée de l’opposant et député national Martin Fayulu Madidi par des militaires appartenant à l’état-major de renseignements militaires (ex-Demiap), on ne pourrait ne pas épingler les réunions séparées, présidées, à Lubumbashi, dans la nuit du dimanche 14 et lundi 15 février, par le chef barbouze Kalev Mutondo respectivement avec les autorités académiques et des instituts supérieurs et les opérateurs économiques.

Aux premières, Kalev a demandé le prélèvement des identités des enseignants absents au cours de la journée du mardi 16 février. Aux seconds, il a exigé l’ouverture des échoppes le mardi sous peine de sanction. Le maire de Lubumbashi, Oscar Sanguza Mutunda, a été plus explicite en menaçant les commerçants «récalcitrants» de voir leurs magasins « fermés pour toujours ». Il n’a cité aucun texte qui lui conférait un pouvoir aussi exorbitant.

Pour avoir ordonné la fermeture effective d’une soixantaine de magasins et boutiques de sa commune «pour une durée d’un mois», la bourgmestre de la commune lushoise de la Kenya, Djenna Maloba, a acquis une sinistre célébrité. «C’est un excès de zèle», a bredouillé Henri Mova Sakanyi, le secrétaire général du PPRD. On le sait, cet oukase a été levé. N’empêche, le mal est fait.

Plus grave, dans un ordre de mission n°011/CAB/PP/2016 daté du 16 février 2016, le premier président de la Cour suprême de justice (CSJ) a chargé le conseiller à la CSJ Mukendi Musanga et Louis Mwesse, secrétaire adjoint au cabinet du premier président, d’aller «inspecter l’effectivité du travail pendant la journée du 16 février 2016» à la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe et celle de Kinshasa/Matete.

On pourrait à la limite comprendre - sans admettre - que le patron de l’ANR (Agence nationale de renseignements) ait cru qu’il avait le droit de refuser aux citoyens congolais le droit de contester les gouvernants en place. Il est plus inquiétant lorsqu’un tel comportement émane du plus haut magistrat de la Cour suprême de justice. Un haut fonctionnaire dont la mission est de "stopper" un pouvoir trop fort afin de préserver les libertés des citoyens.

Lors de la prise du pouvoir par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre), l’ancien Premier ministre belge, Léo Tindemans, avait ironisé sur la restauration de la dénomination « République démocratique du Congo ». Pour lui, l’épithète « démocratique » n’était pas sans rappeler la République démocratique Allemagne où la « Stasi » (Staatssicherheit), la police politique du régime communiste d’alors, s’évertuait à briser toute forme de contestation.

Les politologues considèrent que tout système démocratique digne de ce nom s’appuie sur au moins trois facteurs. Primo : la désignation périodique des gouvernants à l’occasion des élections au suffrage universel. Secundo : l’existence d’un Parlement doté non seulement du pouvoir de légiférer mais aussi de contrôler le pouvoir exécutif. Enfin : une hiérarchie des normes juridiques (Constitution, lois etc.) assurant un contrôle des autorités publiques par des juges indépendants.

S’il est vrai que les Congolais étaient allés aux urnes en 2006 et en 2011, il n’en demeure pas moins vrai que ces consultations politiques n’ont guère permis l’émergence de l’Etat de droit. C’est-à-dire un Etat où l’ensemble des autorités politiques et administratives agit en se conformant aux règles en vigueur. Contre toute attente, ces deux scrutins ont régénéré une sorte de "monstre", un pouvoir politique hyperpuissant et un parti-Etat de fait dit «majorité présidentielle». C’est le retour à l’ordre ancien. En pire.

Dix-neuf ans après la « prophétie » du démocrate-chrétien flamand Léo Tindemans, force est de constater que la « dictature mobutiste » a été éradiquée au profit d’une autre dictature. A savoir,
«dictature kabiliste». Le "système" décrié à l’époque de Mobutu Sese Seko est resté bien en place.

En cette année 2016, les Congolais sont toujours et encore demandeurs du Changement. Sont-ils demandeurs d’un coup d’Etat? Nullement ! Il est connu que chaque coup d’Etat se limite à remplacer un tyran par un autre tant il est vrai qu’en chaque "libérateur", sommeille en réalité un oppresseur.

Que veulent les Congolais ? Les Congolais sont en quête d’une révolution. Seule une révolution pourrait éradiquer ce parti-Etat déguisé, dénommé «majorité présidentielle». Seule une révolution est de nature à mettre fin à l’inféodation de la force publique (armée, police nationale, services secrets civils et militaires) à un homme, fût-il chef de l’Etat. Seule une révolution est de nature à promouvoir un Parlement doté des larges pouvoirs et une Justice indépendante.

Voilà pourquoi, la rédaction de Congo Indépendant préfère l’appellation «Congo-Kinshasa» à celle de «République démocratique du Congo». La raison est simple : il n’y a pas de démocratie là où l’ambiance libérale est inexistante…

Baudouin Amba Wetshi

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